LES TEXTES LEGISLATIFS

Circulaire du 28 juin 2001 relative à la gestion des déchets organiques

fait à Paris, le 28/06/2001

Le ministre de l’agriculture et de la pêche, La ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement
à
Mesdames et messieurs les préfets de département, Monsieur le préfet de police de Paris

Objet : Gestion des déchets organiques

 Depuis 1998, la politique de modernisation de la gestion des déchets est entrée dans une phase particulièrement dynamique qui mobilise l’ensemble des acteurs concernés et, en particulier, les collectivités locales.

Ainsi, la circulaire du 28 avril 1998 relative à la mise en œuvre et à l’évolution des plans départementaux d’élimination des déchets ménagers et assimilés pose les conditions de la réussite de la politique de gestion des déchets à l’échéance de 2002 fixée par le législateur. Elle fournit notamment le cadre d’un rééquilibrage des modes de gestion des déchets ménagers et assimilés :

- en rappelant d’une part les priorités de la loi du 13 juillet 1992 : réduction à la source de la production et de la nocivité des déchets, développement de la valorisation, recours au stockage pour les seuls déchets ultimes,

- en fixant d’autre part un objectif au niveau national : à terme, la moitié de la production de déchets dont l’élimination est de la responsabilité des collectivités locales doit être collectée pour récupérer des matériaux en vue de leur réutilsation, de leur recyclage, de leur traitement biologique ou de l’épandage agricole.

Cet objectif ne pouvant être atteint par un modèle de gestion de ces déchets basé sur la seule récupération des déchets d’emballages, des journaux-magazines, des courriers non-adressés, ...., vous étiez invités à mieux prendre en compte la valorisation biologique, par compostage ou méthanisation.

La parution de la directive 1999/31/CE du Conseil du 26 avril 1999 concernant la mise en décharge des déchets vient par ailleurs renforcer l’enjeu d’une diminution des quantités de déchets déposés en centre de stockage et de leur teneur en matière organique. En effet, cette directive précise qu’au plus tard en 2017, avec des objectifs et des échéanciers intermédiaires : " ... la quantité de déchets municipaux biodégradables mis en décharge doit être réduite à 35% (en poids) de la totalité des déchets municipaux biodégradables produits en 1995.... " .

Plusieurs opérations-pilotes de valorisation biologique des déchets ménagers et assimilés ont été engagées : les résultats acquis sur ces premières opérations permettent maintenant de vous préciser les conditions sous lesquelles nous souhaitons voir se développer cette valorisation biologique.

Il s’agit là en effet d’un enjeu fort pour les collectivités locales et pour la gestion des déchets.

Cette conviction repose d’abord sur l’importance de la production des déchets, résidus et boues d’épuration organiques, en France et donc sur les risques sanitaires et environnementaux qu’ils sont susceptibles de présenter et sur les risques liés à une gestion déficiente de ces produits. Elle repose aussi sur le sentiment que, pour une majeure partie de cette production, le retour au sol et la gestion de proximité sont à privilégier dès lors que les exigences de qualité et d’innocuité sont respectées . Enfin, elle traduit la certitude que ce mode de valorisation peut s’inscrire pleinement dans une logique de développement durable s’il est mis en application dans des conditions rigoureuses et dûment raisonnées, et donc en étroite adéquation avec les valeurs et principes de cette agriculture durable, soucieuse d’une haute maîtrise de ses pratiques.

Trois principes incontournables doivent fonder une valorisation biologique sûre et durable des déchets organiques.

Le premier principe, préalable à toute initiative en la matière, est que la qualité des amendements et des fertilisants organiques conçus à partir des composts des collectivités ou d’autres sources de production de matière organique doit être absolument irréprochable, tant sur le plan de leur innocuité que de leur efficacité.

La sensibilité de l’opinion publique sur ce point ne fait que s’accroître et les exigences de sécurité et d’image pour des produits destinés à des cultures alimentaires, et plus généralement au retour au sol, deviennent un enjeu majeur tant au plan national qu’international.

La gestion raisonnée des sols est également un objectif majeur pour une agriculture durable et respectueuse de l’environnement à laquelle la loi d’orientation agricole entend inciter, notamment par le lancement des contrats territoriaux d’exploitation (CTE).

En outre, ces composts doivent pouvoir être utilisés dans les jardins potagers et pour la végétalisation des espaces récréatifs urbains, condition indispensable de leur acceptabilité par nos concitoyens.

Un tri sélectif à la source des déchets organiques, et notamment des déchets des ménages, est le meilleur moyen d'atteindre ce niveau d'exigence. C'est donc sur cette base qu’il faut envisager tout développement significatif de la valorisation biologique des déchets.

Cette condition préalable est nécessaire mais pas suffisante : elle pose aussi le problème du devenir des installations de tri-compostage de déchets ménagers alimentées tant en ordures brutes qu’en poubelle résiduelle après collecte sélective des matériaux recyclables : nous reviendrons sur ce point.

Le deuxième principe tient à la nécessité d’intégrer la valorisation biologique dans un système durable de gestion des déchets adapté à chaque territoire.

Ce principe sous-entend le respect des deux conditions suivantes:

- la première est d’assurer le caractère durable de la valorisation biologique en optimisant sur les plans technique, économique, social et environnemental tant les opérations de collecte et de traitement des déchets organiques que les conditions dans lesquelles les composts ainsi produits sont utilisés.

- la deuxième est d’éviter l’écueil  qui consisterait à vouloir mobiliser prioritairement des productions de déchets inappropriées, au détriment de déchets éventuellement plus faciles, techniquement et économiquement, à collecter et à valoriser.

Nous attirons notamment votre attention sur les productions de déchets organiques dispersées en zones rurales, voire périurbaines, et qui sont assez souvent l’objet d’un compostage domestique. Il ne semble pas pertinent dans ce cas de développer des collectes et des traitements centralisés de ces déchets, mais plutôt de conforter et développer, par des actions appropriées de sensibilisation, le compostage individuel, ou d'étudier des solutions de compostage de proximité telles qu'elles existent déjà ici ou là. Des expériences étrangères (Allemagne, Flandres et Italie) de promotion de la gestion domestique (compostage individuel de certains déchets biodégradables notamment), montrent qu’une réduction des quantités globales d’ordures ménagères collectées allant jusqu’à 10 % est ainsi possible suite à une sensibilisation et un accompagnement très actifs.

Au delà des déchets verts souvent collectés par apport volontaire, pratique qu’il convient de développer, et au delà des collectes des déchets de cuisine, de jardin ou d’entretien domestique dans les zones pavillonnaires, qui peuvent représenter entre 50 et 90 Kg par habitant et par an et qu’il convient aussi de développer, il existe souvent en zone urbaine des sources de production de matières organiques de qualité, relativement simples à mobiliser, dans les commerces, les entreprises alimentaires et la restauration et qui souvent d'ailleurs rejoignent le circuit des déchets municipaux. Chacune de ces sources de production de déchets organiques présente des caractéristiques propres et ne peut être compostée seule. Comme les déchets organiques des ménages, ces déchets sont souvent très humides et rapidement dégradables. Un mélange avec des déchets plus structurants (taille, déchets de bois, copeaux , ...) et une conduite adaptée du compostage sont indispensables. Ces modalités restent très accessibles mais impliquent une approche locale.

Le troisième principe s’appuie sur l’extrême importance d’accompagner dès le début du processus de développement de la valorisation biologique par des actions de sensibilisation, d’information et de concertation au niveau local.

Nous insistons particulièrement sur ce facteur, clé de réussite pour trois raisons.

La première est qu’il est impératif que la composition, la préparation et l’utilisation de ces composts deviennent familières, ce qui constitue un des gages de leur acceptabilité.

La deuxième tient à la nécessité d'asseoir ces filières de valorisation sélective des déchets organiques sur des débouchés fiables dès les premières années. Ceci suppose un partenariat local et un " contrat de confiance " qui prenne en compte au mieux les exigences des différents acteurs.

L’adoption d’une démarche " qualité " sur l’ensemble de la filière est ainsi la seule voie prometteuse. Elle tend à se généraliser chez nos voisins et constitue une garantie d’acceptabilité, de sérieux et de transparence pour les utilisateurs de compost et leurs prescripteurs.

La rédaction de cahiers des charges de qualité du compost selon les exigences des marchés et des utilisateurs s’inscrit en anticipation de la révision de la norme sur les matières fertilisantes et supports de culture. Cette révision en cours en France permettra de définir les nouvelles exigences minimales de mise en marché des composts.

L'ADEME et l'AFAQ (Association Française d’Assurance Qualité) préparent par ailleurs les conditions d'application et de vulgarisation des certifications ISO 9000 et ISO 14000 aux unités de compostage.

Enfin, le mélange de déchets organiques ou de composts d’origine différente n’est envisageable que s’il garantit le respect de ces règles simples et n’aboutit pas à une dilution d’éléments contaminants. Chaque constituant devra donc s’inscrire dans la démarche qualité évoquée ci-dessus.

La troisième raison repose sur le constat que le développement de la valorisation biologique doit être le plus autonome possible et privilégier la proximité. Nous entendons par cela qu’elle doit se développer sur un territoire donné, en accompagnement et en réponse à une demande réelle des différents marchés pour les composts qu’elle produit. Ce développement repose sur la qualité des résultats obtenus et sa validation par des acteurs reconnus, leur large diffusion auprès des acteurs concernés, et l’élimination des produits de mauvaise qualité ou des produits refusés.

Promouvoir la valorisation biologique des déchets organiques demande une démarche méthodique et constante.

Nous vous invitons à engager dès à présent la première étape d'un ambitieux plan de promotion de la valorisation biologique des déchets dont la méthanisation peut être une composante utile.

Cette première étape vise à passer du stade actuel de quelques opérations pilotes à celui d’une multiplication d’opérations exemplaires. Son objectif est de lever les derniers éléments d’incertitudes qui subsistent comme par exemple les différentes combinaisons envisageables des collectes sélectives des déchets organiques et des emballages, ou comme les différentes possibilités de gestion transitoire des déchets issus de la poubelle résiduelle, complémentaire de la collecte sélective des déchets d’emballages, sans parler bien évidemment des facteurs d’optimisation technico-économique du système final.

Ces incertitudes ne portent pas ou peu sur la façon de concevoir la valorisation biologique, mais portent avant tout sur son intégration optimale dans un système local de gestion de déchets. Les réponses ne peuvent s’acquérir qu’en multipliant les initiatives pertinentes de la part des collectivités locales et en les évaluant régulièrement.

Avant d’aller plus loin, nous devons souligner que la valorisation biologique, pratique traditionnelle, est d’ores et déjà très utilisée, avec ou sans méthanisation préalable, pour de nombreux déchets organiques agricoles, agroalimentaires et des collectivités pour la formulation d'amendements organiques industriels élaborés destinés à des marchés spécifiques : horticulture, maraîchage ...

Il est impératif de tenir compte de cet existant. Les opérations de mobilisation et de traitement des déchets organiques des ménages devront donc s’appuyer sur un état initial local englobant l’analyse des différentes sources de production de déchets organiques, leurs modes de mobilisation et de transformation et leurs marchés potentiels. Cet état fera aussi le point sur les installations existantes de compostage, méthanisation… et sur leurs possibilités d’extension ou d’évolution pour prendre en charge de nouveaux déchets. Il présentera les débouchés des opérations existantes, ceux à explorer plus avant en cas d’accroissement de la production de compost ainsi que les marchés, notamment professionnels, qui doivent faire l’objet d’un travail plus approfondi de qualification des composts à des conditions spécifiques d’utilisation.

L'ADEME apportera son soutien technique et financier à ces études et réflexions.

Les installations actuelles de tri-compostage sur ordures brutes ou sur fractions résiduelles feront l’objet d’un plan spécifique de reconversion ou de réhabilitation. Un diagnostic initial en précisera, au cas par cas, les possibilités d’adaptation.

En fonction du contexte local, les plus récentes seront invitées à se reconvertir avec des objectifs de production adaptés : compost conforme aux nouvelles exigences des produits normalisés ou homologués, ou destiné à des valorisations pour des cultures non alimentaires avec l’objectif d’une mise en œuvre en amont de collecte sélective des déchets organiques à court terme.

Pour les plus anciennes ou celles munies d’un broyage des déchets dès l’entrée, le choix est plus restreint : adoption rapide d’une collecte sélective de déchets organiques ou éventuellement, pré-traitement (compostage ou méthanisation) de la fraction résiduelle avant envoi en centre de stockage des déchets ultimes.

L’ADEME développe un programme d’études et de recherches destiné dès 2001 à fournir les éléments d’appréciation site par site et à préparer une palette de modalités d’accompagnement : diagnostic préalable, aide à la décision, soutien aux investissements dans des conditions comparables aux aides aux nouvelles unités (taux d'aide de référence fixé à 30 %).

Ce programme de soutien inclura naturellement les projets de méthanisation (notamment pour les refus, boues ou composts de qualité non garantie) que le plan gouvernemental de relance de la maîtrise de l’énergie entend également promouvoir à travers la valorisation énergétique du biogaz.

Parallèlement, et dans le cadre des hautes exigences de qualité, d’efficacité et d’innocuité figurant dans la procédure d’homologation des matières fertilisantes et qui doivent être mieux précisées dans le cadre de la révision en cours des normes, en particulier celles concernant les engrais et les amendements organiques, il convient de définir des programmes de démonstration pour les différentes modalités d’utilisation régionale des composts.

Les bases agronomiques sont actuellement connues et il convient maintenant de passer à la phase opérationnelle de l’optimisation de l’utilisation de ces produits dans des pratiques de fertilisation, d’amélioration de la qualité des sols dégradés, d’aménagement paysagers… Au-delà de cet objectif technique d’optimisation, ces programmes viseront à développer à terme des marchés porteurs et fiables. Ils seront donc conçus en fonction d’une analyse des besoins potentiels et des enjeux locaux.

En première approche, ce plan de promotion de la valorisation biologique peut être engagé pour six ans avec un bilan intermédiaire à mi-parcours. A terme, il devrait permettre le traitement de 15 à 25%, suivant les zones, des déchets ménagers, concourant ainsi à atteindre l’objectif fixé par la circulaire d’avril 1998 de la moitié de la production de déchets dont l’élimination relève des collectivités locales faisant l’objet d’un tri et d’une collecte en vue de leur réutilisation, de leur recyclage ou de leur traitement biologique.

Pour vous accompagner dans vos projets, l’ADEME est chargée de vous assurer un soutien technique à leur élaboration et un soutien financier à leur mise en œuvre.

Le dossier d'information ci-joint constitue un premier élément de l'appui que nous avons demandé à l'ADEME de vous apporter dans ce programme aussi délicat qu'essentiel. Nous vous invitons à en assurer la plus large information possible notamment auprès des élus, du monde agricole et des partenaires de la filière déchets.

Enfin, nous vous rappelons que sur le plan réglementaire, les installations de compostage peuvent être rangées dans deux rubriques de la nomenclature des installations classées :

- la rubrique 2170 relative à la fabrication des engrais et supports de culture à partir de matières organiques, bien qu’il s’agit de fabrication d’amendements (il faut comprendre le mot " engrais " comme " matières fertilisantes "),

- la rubrique 322 relative au stockage et au traitement des ordures ménagères et autres résidus urbains.

Selon la circulaire du 5 janvier 2001, la rubrique 2170 est à retenir pour les matières organiques d’origine animale ou végétale, seules ou en mélange avec la fraction fermentescible des déchets ménagers collectée séparément, dès lors que le compost obtenu est conforme aux exigences prescrites en application des articles L.255-1 à L.255-11 du code rural.

 Nous vous demandons de nous faire part, dans les six mois, des projets et des initiatives que vous aurez pu engager pour assurer, localement, et dans un esprit de concertation, la réussite de ce plan de promotion pour lequel les exigences de qualité, de sélectivité, et le principe de précaution doivent rester essentielles.

 Vous voudrez bien également nous faire part des difficultés que vous aurez pu rencontrez dans la mise en œuvre de ces orientations, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre du tri à la source des déchets organiques.

Le ministre de l’agriculture et de la pêche, Jean GLAVANY

La ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement, Dominique VOYNET


 
 

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