LES TEXTES LEGISLATIFS

Circulaire DE/GE n° 357 du 16 mars 1999 relative à la réglementation
relative à l'épandage des boues de stations d'épuration urbaines

Le directeur de l'eau à Madame et Messieurs les préfets de région,
Mesdames et Messieurs les préfets de départements

PJ :

  • Document d'aide à la mise en oeuvre de la réglementation applicable à l'épandage des boues.
  • Note d'information sur le comité national sur l'épandage des boues de stations d'épuration.


Par le décret du 8 décembre 1997 et l'arrêté du 8 janvier 1998 relatifs à l'épandage des boues de station d'épuration, le gouvernement a souhaité fixer les conditions dans lesquelles doit être conduite cette voie de recyclage de ces sous-produits de l'assainissement afin de donner les garanties nécessaires de son innocuité, de sa bonne insertion dans les pratiques agricoles, tout en assurant une traçabilité optimale de ces opérations. Cette filière, lorsqu'elle est conduite dans le respect de ces prescriptions, présente de nombreux intérêts à la fois économiques et environnementaux.

Depuis la sortie de ces textes, de nombreuses questions relatives à l'interprétation de certaines de leurs dispositions m'ont été adressées. J'ai le plaisir de vous adresser ci-joint un document d'aide à la mise en oeuvre des dispositions réglementaires précitées qui apporte les réponses aux questions qui m'ont été le plus souvent posées. Les réponses aux questions relevant de la compétence de plusieurs ministères ont été établies de manière concertée. Ce document est un document de travail provisoire susceptible d'améliorations pour tenir compte des remarques qu'il pourra appeler de la part de vos services.

Je vous adresse en outre un document de présentation de la nouvelle réglementation ainsi qu'une note d'information sur le comité national sur l'épandage des boues d'épuration urbaines en agriculture. Ce comité, coprésidé par le directeur de l'espace rural et de la forêt (ministère chargé de l'agriculture) et le directeur de l'eau, a été mis en place au début de l'année 1998, du fait de l'émergence d'une controverse sur les épandages. Il est un lieu de concertation qui regroupe des représentants de tous les acteurs de la filière, des collectivités, responsables de l'assainissement aux consommateurs.

Je ne verrais que des avantages que vous mettiez en place, en fonction de l'acuité des problèmes liés à cette filière dans votre département, des comités de concertation locaux.

Je vous invite enfin à étudier, le cas échéant dans le cadre de ces comités locaux et en tout état de cause en liaison avec la chambre d'agriculture, les conditions de mise en oeuvre de l'article 18 de l'arrêté du 8 janvier 1998, qui prévoit la possibilité de confier un rôle de suivi des épandages à une structure indépendante du producteur de boues. Les agences de l'eau, qui prévoient de contribuer au financement de telles structures, devront être associées à cette réflexion.

Mes services se tiennent à votre disposition pour vous apporter plus de précisions sur ces différents points.

Je vous remercie de bien vouloir assurer la diffusion de la présente note et des documents qui l'accompagnent auprès de l'ensemble des services concernés dans votre région (DIREN, DRIRE, DRAF, services maritimes ou de navigation interdépartementaux...) ou dans votre département (bureau de l'environnement, DDAF, DDE, DDASS, MISE, DDCCRF...) en les invitant à les porter à la connaissance de l'ensemble des agents ayant à connaître de ces questions dans leurs services.
 

Annexe I : Document d'aide à la mise en oeuvre du décret du 8 décembre 1997 et de son arrêté d'application du 8 janvier 1998 relatifs à l'épandage des boues issues du traitement des eaux usées


1. La procédure relative à l'épandage des boues prévue par le décret du 8 décembre 1997 n'est-elle pas contraire à l'approche globale prônée par le loi sur l'eau?

L'approche globale prônée par la loi du 3 janvier 1992 a été traduite sur le plan réglementaire par plusieurs dispositions :

  • d'une part, l'article 2 du décret du 29 mars 1993 fait obligation que les études prévues et notamment le document d'incidences portent sur l'ensemble des installations et équipements exploités ou projetés par le demandeur qui par leur proximité ou leur connexité avec l'installation soumise à autorisation sont de nature à participer aux incidences sur le milieu aquatique;
  • d'autre part, l'article 10 de ce décret fait obligation d'une demande d'autorisation unique lorsqu'un ensemble d'installations, ouvrages activités dépendant d'une même personne et concernant le même milieu dépasse le seuil fixé à la nomenclature alors que les IOTA pris individuellement sont en dessous du seuil prévu par la nomenclature;
  • en outre, on notera que l'article 1er de l'arrêté ministériel du 22 décembre 1994 concerne également les sous-produits du système d'assainissement même s'il ne concerne pas l'édiction de prescriptions techniques relatives à l'épandage de boues.

 
Ainsi l'article 3 de cet arrêté précise-t-il que le dossier de demande d'autorisation des opérations relevant de la rubrique 510 doit contenir une analyse sur les possibilités d'élimination et valorisation des sous-produits.

Ainsi, l'article 5 de cet arrêté interministériel indique-t-il que l'arrêté d'autorisation des opérations relevant de la rubrique 510 doit préciser la filière d'élimination ou de valorisation choisie et peut être subordonné à la présentation d'un rapport :

  • décrivant la zone d'épandage et les relations envisagées avec les agriculteurs,
  •  établissant la comptabilité des boues selon les quantités et composition prévues avec les eaux, les sols et les cultures,
  • précisant les capacités de stockage des boues hors et sur site et leur comptabilité avec les bases de dimensionnement des ouvrages.


Toutefois, eu égard aux informations dont peut disposer le pétitionnaire voulant réaliser une station d'épuration, le préfet ne peut pas au moment de l'instruction du dossier station réglementer l'activité d'épandage avec autant de précisions que celles prévues dans le décret du 8 décembre 1997.

Afin de répondre à l'obligation d'approche globale de l'opération station-rejet-épandage , on peut dès le dépôt du dossier relatif à la construction d'une station exiger du maître d'ouvrage qu'il produise conformément aux dispositions de l'article 5 de l'arrêté interministériel du 22 décembre 1994 une étude de faisabilité globale de l'épandage portant sur la capacité des stockages nécessaires, sur les études de sols aboutissant à la définition d'une zone globale à l'intérieur de laquelle, compte tenu des éléments techniques précités et des accords de principe des agriculteurs l'épandage, sera a priori possible.

En revanche, il est impossible au moment de la conception du projet d'une station d'épuration soit au moins 3 années avant sa mise en service et donc sa première production de boues, d'imposer au pétitionnaire un plan d'épandage très précis fixant de façon détaillée les parcelles concernées, les doses requises... puisque les cultures qui seront réalisées sur chacune des parcelles incluses dans la zone globale prédéfinie ne peuvent être connues avec précision à une échéance de trois années.

Ces précisions sont néanmoins nécessaires pour pouvoir permettre l'épandage des boues. Le décret-boues du 8 décembre 1997 et son arrêté d'application du 8 janvier 1998 ont donc prévu des dispositions particulières qui, complémentaires de l'approche globale réalisée au moment de la conception de la station, permettent d'autoriser effectivement l'épandage des boues par une procédure distincte.

Toutefois, en cas de procédure de régularisation de stations existantes et dans la mesure où les milieux récepteurs intéressés sont les mêmes pour la station et pour l'épandage et où il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 20 du décret du 8 décembre 1997, il peut être envisagé de conduire une procédure conjointe pour la station et pour l'épandage, notamment lorsque les deux sont au-delà des seuils d'autorisation.

2. Responsabilité de l'exploitant et du maître d'ouvrage dans le cadre de l'épandage des boues

L'article 5 du décret précise : "les exploitants des unités de collecte, de prétraitement et de traitement... sont des producteurs de boues au sens du présent décret ; il leur incombe à ce titre d'en appliquer les dispositions".

En outre, l'article 19 dudit décret précise que le document d'incidence au titre du décret du 29 mars 1993 doit être établi et présenté par le producteur de boues (dernier alinéa). Toutefois, le document d'incidence ne constitue qu'une partie des éléments du dossier demandé au titre de la procédure eau. En outre, la réalisation de certains ouvrages pouvant relever de la compétence de la collectivité eut être nécessaire pour permettre l'exercice de l'opération d'épandage dans des conditions conformes à la réglementation. Enfin, conformément au code général des collectivités territoriales, l'élimination des sous-produits de l'assainissement fait partie intégrante du service public d'assainissement qui doit être organisé et contrôlé par la collectivité. Aussi, le dossier de demande d'autorisation ou de déclaration de l'opération d'épandage et des installations qui y sont liées devra être déposé conjointement par la collectivité ayant en charge le service public d'assainissement et par l'exploitant de l'unité de traitement, s'il ne s'agit pas de la même entité. Les bénéficiaires de l'autorisation ou du récépissé de déclaration seront conjointement la collectivité et l'exploitant. L'autorisation devra toutefois mentionner très clairement les obligations qui incombent à chacun des bénéficiaires, conformément aux dispositions du décret du 8 décembre 1997.

Sans préjudice des responsabilités civiles susceptibles d'être retenues, la responsabilité de l'exploitant peut être engagée en cas de non respect des obligations contenues dans le décret. La responsabilité du propriétaire de l'ouvrage (collectivité) reste engagée, notamment pour tous les cas qui ne correspondent pas directement à un manquement aux dispositions du décret. À titre d'exemple, si la vérification de la qualité des boues avant épandage relève de la responsabilité de l'exploitant, l'autorisation de raccordement des rejets non domestiques dans les réseaux au titre de l'article L. 35-8 du code de la santé publique reste bien de la responsabilité du propriétaire du système d'assainissement. De même, si la gestion agronomique des boues relève de l'exploitant, la construction des capacités de stockage suffisantes pour permettre cette gestion peut relever soit du propriétaire de l'unité de traitement soit de l'exploitant selon les dispositions prévues dans le contrat de délégation de service public.

3. Que signifie une procédure engagée (art. 22 du décret) ?

Une procédure de déclaration sera considérée comme engagée au sens de l'article 22 du décret-boues si le récépissé de déclaration mentionné à l'article 30 du décret du 29 mars 1993 a été délivré. À noter que la délivrance de ce récépissé ne peut intervenir que si le dossier est jugé régulier ou complet.

Une procédure de "demande d'autorisation" sera considérée comme engagée au sens de l'article 22 du décret-boues si l'avis de réception mentionné à l'article 3 du décret du 29 mars 1993 a été délivré sans être accompagné d'une demande de renseignement complémentaire. A noter que si le dossier est jugé irrégulier et/ou incomplet, la délivrance de l'avis de réception ne peut intervenir qu'accompagné d'une demande de rectification ou renseignement complémentaire.

4. Quelle procédure appliquer aux épandages de compost incluant des boues?

Actuellement, aucune norme d'application obligatoire ne concerne les compost incluant des boues de stations d'épuration (et en particulier pas la NFU 44-051). En revanche, s'il présente des caractéristiques suffisantes d'homogénéité, de constance de composition, d'innocuité et d'efficacité, le ministre chargé de l'agriculture peut l'homologuer au titre de la loi de 1979 sur les matières fertilisantes.

Dans tous les autres cas (c'est-à-dire à ce jour dans la quasi-totalité des cas), le compost ne peut être distribué (même gratuitement) que si son épandage est réglementé au cas par cas, soit au titre de la loi sur l'eau, soit au titre de la loi sur les installations classées pour la protection de l'environnement (article 2 de la loi de 1979 sur les matières fertilisantes).

L'unité de compostage des boues, si elle est située sur le site de la station d'épuration, est considérée comme faisant partie intégrante de la station et est réglementée de ce fait au titre de la loi sur l'eau. Le compost qui y est produit est réglementé également au titre de la loi sur l'eau, en application du décret du 8 décembre 1997 et de l'arrêté du 8 janvier 1998.

Dans le cas contraire, l'unité de compostage est réglementée au titre de la loi de 1976 sur les installations classées (rubrique 322b 3 ou 167c). L'épandage du compost qui en est issu est alors réglementé au même titre. Afin d'assurer une totale cohérence des règles techniques applicables à l'épandage des composts indépendamment des procédures applicables, et considérant qu'au titre de l'article 1er de l'arrêté "installations classées" du 2 février 1998 modifié, l'épandage du compost est exclu de son champ d'application, il est demandé aux préfets d'appliquer à l'épandage des composts réglementés au titre des installations classées l'ensemble des prescriptions techniques fixées par l'arrêté sur l'épandage des boues du 8 janvier 1998.

5. Régime applicable au stockage de boues de stations d'épuration

Les stockages de boues de stations d'épuration ne sont pas considérés comme inclus dans la rubrique 322 de la nomenclature des installations classées. En outre, les articles 8 et 12 du décret du 8 décembre 1997 prévoient que soient réglementés les stockages au titre de ce texte. L'article 5 de l'arrêté du 8 janvier 1998 en précise les conditions.

Le stockage de boues, hors de la station d'épuration, doit donc être réglementé au titre de la procédure liée à l'épandage.

6. Quel seuil retenir en cas de boues chaulées?

Le dernier alinéa du I de l'article 18 du décret précise "Pour l'application de ces seuils, sont à prendre en compte les volumes et quantités maximales de boues destinées à l'épandage dans les unités de traitement concernées".

A la lecture du premier alinéa du I de l'article 18 du décret, il ne fait pas de doute que les "unités de traitement concernées" sont les unités de traitement des eaux usées.

Il convient donc de prendre en compte les volumes et quantités issues de l'unité de traitement des eaux usées au sens strict, donc avant traitement des boues. Dans le cas des boues chaulées, il s'agit donc des boues avant ajout de chaux.

7. Les boues issues d'installations industrielles non classées pour la protection de l'environnement sont-elles concernées par ce texte?

Sont seules exclues du champ d'application du décret n° 97-1133 du 8 décembre 1997 :

  • les boues issues du traitement des eaux usées dont l'épandage fait l'objet de réglementations spécifiques au titre de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement,
  • les produits composés en tout ou partie de boues issues du traitement des eaux usées et qui bénéficient d'une homologation au titre de la loi du 13 juillet 1979 ou, à défaut, d'une autorisation provisoire de vente ou d'importation.


En conséquence les boues issues d'installations industrielles non classées au titre de la loi de 1976 entrent dans le champ d'application du décret du 8 décembre 1997 dès lors qu'elles sont issues d'installations de traitement ou de prétraitement biologique, physique ou physico-chimique des eaux usées.

8. L'apport de boues liquides, de matières de vidange ou de curage en tête de station d'épuration doit-il être considéré comme un mélange?

Non. L'interdiction de mélange, au sens de l'article 4 du "décret-boues", vise le mélange de boues provenant d'unités de traitement différentes, dans le souci de garantir la meilleure traçabilité possible. D'éventuels produits acceptés en tête de station, tout comme les rejets industriels dans le réseau, subissent la filière de traitement de l'eau, produisant des boues. Même s'ils sont susceptibles d'influer sur la qualité des boues, on ne peut considérer qu'il s'agisse de mélange de boues. La traçabilité n'est d'ailleurs pas remise en cause par ces apports, la valorisation des boues relevant clairement du producteur de boues. Il convient toutefois, dans le document d'incidence au titre des procédures de déclaration ou d'autorisation de l'épandage, de prendre en compte l'impact sur les boues de ces apports, au même titre que les rejets non domestiques dans le réseau.

9. Dans le cade de l'article 20 du décret-boues, les préfets coordonnateurs de bassin ont-ils uniquement un rôle consultatif ou sont-ils chargés d'organiser le déroulement de la procédure d'autorisation?

L'article 20 du décret-boues prévoit que, contrairement à la norme, lorsque l'épandage est réalisé dans au moins trois départements, il n'y a pas de préfet chargé de coordonner la procédure au titre de l'épandage mais des procédures distinctes menées dans chacun des départements concernés sous deux réserves :

le dossier présenté dans chaque département comprend les élément énumérés à l'article 19 du décret, ce qui signifie qu'une partie importante du dossier est identique dans chacun des départements. Cette disposition est destinée à permettre une approche néanmoins globale de l'épandage et à favoriser la synchronisation des procédures que le préfet coordonnateur de bassin devra s'employer à encourager conformément aux dispositions de l'article 4 de la loi sur l'eau qui le chargent de réaliser l'unité et la cohérence des actions déconcentrées de l'Etat;
l'avis du ou des préfets coordonnateurs de bassin est requis sur chaque dossier.
10. La caractéristique de la valeur agronomique des sols doit-elle intégrer les oligo-éléments?

L'article 3 de l'arrêté précise que le programme prévisionnel comprend des analyses de sols sur l'ensemble des paramètres prévus à l'annexe 3.

Or l'annexe 3, pour la partie sols, renvoie à la partie boues avec quelques modifications. Pour les oligo-éléments, il est précisé que, sauf Cu, Zn et B, ils sont analysés dans le cadre de la caractérisation initiale des boues. Il doit donc être considéré qu'il en est de même pour les sols.

Ainsi, la mesure des oligo-éléments ne sera faite dans les sols que lors de leur caractérisation initiale prévue à l'article 2.c et non dans les programmes prévisionnels annuels.

Les oligo-éléments doivent être mesurés sous forme totale, que ce soit pour les boues ou pour les sols, en cohérence avec les mesures demandées dans le cadre des matières fertilisantes.

11. Entreposage des boues hygiénisées

L'article 5.d prévoit, pour les dépôts temporaires sur parcelles d'épandage : "seules sont entreposées les quantités de boues nécessaires à la période d'épandage considérée. Cette quatrième condition n'est pas applicable aux boues hygiénisées".

Cette disposition signifie que des boues hygiénisées au sens de l'arrêté et qui respectent les 3 conditions qui précèdent (points a, b et c) peuvent être entreposées sur les parcelles d'épandage pendant une durée supérieure à celle correspondant à la période d'épandage.

12. Les flux d'éléments-traces générés par des apports antérieurs à la date de parution de l'arrêté doivent-ils être pris en compte au titre de l'article 22 de l'arrêté?

L'article 11 de l'arrêté-boues prévoit que les boues ne peuvent être épandues, dès lors que le flux, cumulé sur une durée de dix ans, apporté par les boues de l'un des éléments ou composés traces dépasse les valeurs limites mentionnées aux tableaux 1.a ou 1.b de l'annexe 1.

Les dispositions réglementaires applicables antérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 8 décembre 1987 et de son arrêté d'application du 8 janvier 1998 n'imposaient pas une mesure des éléments-traces contenus dans les boues et l'historique des épandages sur chaque parcelle. En conséquence, afin de ne pas entraîner une rupture du principe d'égalité devant la loi, le cumul sur 10 ans ne jouera qu'à compter de 1998 même si dans certains cas, des historiques étaient disponibles avant 1998 bien que non exigibles à l'époque.

13. Matières de vidange

L'article 4 du décret-boues précise que les matières de vidange sont assimilées aux boues pour l'application du décret. Dans ce cas, l'entreprise de vidange est chargée des obligations instituées par le décret (article 5 du décret) et elle est assimilée à un producteur de boues. Le fait qu'un vidangeur soit amené à collecter des matières provenant de plusieurs fosses différentes n'est pas assimilable à un mélange au titre du décret.

En revanche, en cas de mélange de matières de vidanges provenant de plusieurs entreprises de vidange, les dispositions de l'article 5, 2e alinéa sont applicables.

En règle générale, les quantités mises en jeu par les entreprises de vidanges ne feront pas rentrer les opérations dans le cadre de procédures d'autorisation. En revanche, l'existence d'une étude préalable et d'un registre sont exigées par le décret.

14. Epandage sur sols de pH inférieur à 6

Les conditions plus contraignantes imposées dans le cas d'épandage sur sols de pH inférieur à 6 et l'interdiction sur sols à pH inférieur à 5 sont justifiées par le fait que la mobilité des éléments trace métalliques est considérablement augmentée lorsque le pH diminue. Ceci justifie à la fois la limitation plus forte des flux en éléments trace et l'exigence de boues chaulées, ce qui permet d'obtenir dans les boues des formes peu mobiles d'éléments traces.

Cette disposition n'est pas nouvelle, puisque la norme NFU44-041 imposait un pH supérieur à 6 après épandage sur les sols faisant l'objet d'épandage.

15. Boues traitées

Seules des boues traitées peuvent être épandues (article 7 du décret) sauf cas particulier de dérogation (articles 7 du décret et 12 de l'arrêté : boues de petites stations, avec enfouissement immédiat).

En outre, l'article 6 précise : "les boues non stabilisées épandues sur sols nus sont enfouies dans un délai de 48 heures".

L'arrêté n'identifie donc pas boues traitées et boues stabilisées.

Les boues stabilisées sont définies à l'article 12 de l'arrêté. Le fait qu'une boue soit ou non stabilisée conditionne l'application de l'article 6 d'une part et de l'article 5 (entreposage).

La notion de boues traitées n'est définie que dans le décret (article 7 : "Les boues doivent avoir fait l'objet d'un traitement... de manière à réduire, de façon significative, leur pouvoir fermentescible et les risques sanitaires liés à leur utilisation"). L'arrêté ne donne pas plus de précision sur cette notion.

Il convient de considérer que des boues directement issues de décanteurs à faible temps de séjour (forte et moyenne charge) ne sont pas traitées. En revanche, les boues issues de bassins d'aération prolongée peuvent être considérées comme traitées, le traitement des boues étant, dans ce cas, concomitant avec celui de l'eau.

16. Fréquence d'analyses en cas de mélange de boues ou de composts

La rédaction de l'article 14 de l'arrêté laisse clairement entendre que les analyses doivent porter sur le produit destiné à être épandu, donc après traitement. Les analyses d'éléments traces, de micropolluants et de valeur agronomique doivent donc porter sur le produit traité destiné à l'épandage.

En outre, l'article 4 du décret précise : "Toutefois, le préfet peut autoriser le regroupement de boues dans des unités... lorsque la composition de ces déchets répond aux conditions prévues au chapitre III. Il peut également, sous les mêmes conditions, autoriser le mélange de boues et d'autres déchets...".

Ceci impose que soit vérifié le respect des teneurs limites en éléments-traces et en micropolluants dans les boues avant mélange, aux fréquences correspondant à la quantité de boues produite par chaque station d'épuration, en plus de l'analyse du produit final.

17. Superposition de plans d'épandage

L'apport de boues d'origine différente la même année ou deux années successives peut-elle être assimilée à un mélange de boues?

Le fondement de l'interdiction de mélange repose sur la nécessité d'une traçabilité maximale des opérations. L'apport de boues d'origines différentes sur la même parcelle, que ce soit ou non la même année, n'est pas compatible avec cet objectif de traçabilité et ne pourra donc être autorisé en règle générale. Le préfet pourra cependant dans certains cas, notamment en cas de complémentarité de la valeur agronomique des boues, autoriser de type d'opérations.

Il conviendra alors de vérifier que le cumul des doses épandues au titre des deux origines respecte bien les valeurs limites en éléments polluants fixées par la réglementation.

 
Annexe II : Comité national sur l'épandage des boues d'épuration


Point sur les actions lancées par le comité national sur l'épandage agricole des boues de stations d'épuration des collectivités locales

Pourquoi ce comité national?

Devant l'augmentation des contraintes pesant sur la filière d'épandage des boues d'épuration, un Comité national sur l'épandage des boues d'épuration (CNB) a été créé à l'initiative conjointe du Ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement et du Ministère de l'Agriculture et de la Pêche.

Ces contraintes sont de divers types :

augmentation continue de la production de boues par une meilleure épuration des eaux usées;
diminution de la mise en décharge des produits organiques;
encadrement réglementaire précis de la filière d'épandage par le décret du 8 décembre 1997 (JO du 10 décembre 1997) et l'arrêté du 8 janvier 1998 (JO du 31 janvier 1998) afin de garantir le respect des principes suivants : innocuité, efficacité agronomique, traçabilité, précaution;
dégradation de la confiance en cette filière par un certain nombre d'opérateurs agroalimentaires, par contrecoups d'événements récents fort médiatisés comme l'affaire de la "vache folle" ou la question des OGM.
Dans ce contexte évolutif, l'objectif du CNB est de redessiner de nouvelles perspectives à l'épandage agricole des boues d'épuration, en faisant travailler ensemble toutes les parties prenantes de cette filière de recyclage.

Ce comité réunit ainsi des représentants des collectivités, des professionnels agricoles, des propriétaires fonciers, des industriels de l'agroalimentaire, des distributeurs, des consommateurs, des associations de protection de l'environnement, et des professionnels de l'assainissement. Un comité technique permanent (CTP) a été institué pour mettre en oeuvre les orientations décidées par le comité national.

Le CNB s'est réuni pour la première fois le 5 février 1998 puis le 3 juin 1998 et le 14 janvier 1999. Sa prochaine réunion est prévue en avril 1999.

Composition du CNB

Etat :

Ministère chargé de l'environnement, Ministère chargé de l'agriculture, Ministère chargé de la santé, Ministère chargé des collectivités locales, Secrétariat du CORPEN.

Elus des collectivités :

- Association des maires de France, assemblée des présidents de conseils généraux, Fédération Nationale des Collectivités concédantes et régies.

Professionnels de l'assainissement :

- Syndicat professionnel des entreprises de services d'eau et d'assainissement, Syndicat national des industries du traitement des eaux résiduaires.

Professionnels agricoles :

- Assemblée permanente des chambre d'agriculture, Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles, Centre national des jeunes agriculteurs, Confédération paysanne, Confédération française de coopération agricole.

Propriétaires fonciers :

- Fédération nationale de la propriété agricole.

Industries agroalimentaires et distribution :

- Association nationale des industries agroalimentaires, Fédération du commerce et de la distribution.

Consommateurs :

- UFC Que Choisir, Confédération syndicale du cadre de vie, Familles rurales, Union nationale des associations familiales.

Associations de protection de l'environnement :

- France Nature Environnement.

Experts :

- Association générale des hygiénistes de France (AGHTM), Syndicat des Professionnels du Recyclage Agricole, Chambre syndicale des fabricants d'amendements organiques, Instituts techniques, ADEME, Agence de l'eau Rhin Meuse, INRA, CEMAGREF, Conseil supérieur d'hygiène publique de France, COMIFER.

Ce comité est un lieu de concertation entre les représentants de l'ensemble des acteurs concernés. L'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) est missionnée pour apporter un appui au secrétariat technique du comité, assuré par la direction de l'eau. Plusieurs actions, décrites ci-dessous, ont été engagées. Le comité technique permanent est chargé de les piloter.

Audit environnemental et économique des filières d'élimination des boues d'épuration

Cet audit est financé par les agences de l'eau. Il est piloté par l'agence Rhin-Meuse, assistée d'un comité de pilotage. Bureau d'étude : Arthur-Andersen.

Cet audit doit permettre d'apprécier les coûts relatifs des différentes filières d'élimination des boues et les impacts environnementaux de chaque filière sur la base d'une analyse de cycle de vie (qui prend en compte l'ensemble des étapes de la vie d'une boue, de la sortie du décanteur à son épandage, en intégrant les impacts environnementaux du transport, etc.). Rapport final : février 1999.

Etude sur la situation de la filière épandage agricole de boues en Europe et dans divers pays du monde

Cette étude est financée par l'ADEME. Le bureau d'étude retenu est Arthur-Andersen.

Dans une première phase sera décrite l' "ambiance" de la filière de recyclage agricole des boues en Europe, en Suisse, aux USA, au Canada et en Australie, sur la base de données factuelles, chiffrées, objectives.

Dans une seconde phase seront analysées plus en détail, dans certains pays, les réglementations et les pratiques (réalité des dispositifs mis en oeuvre).

Rapport de première phase : décembre 1998. Rapport final : avril 1999.

Mise au point de documents d'information, de synthèse des connaissances et de communication sur les boues

De nombreuses études ont été conduites depuis plus de 20 ans sur les épandages agricoles de boues. Des synthèses thématiques ont été élaborées récemment sous la maîtrise d'ouvrage de l'ADEME. Le comité national a décidé de l'élaboration de fiches thématiques synthétiques permettant aux acteurs locaux de disposer de documents de référence simples et accessibles, pouvant servir à une démultiplication de l'information sur le terrain.

Ces fiches devraient traiter des thèmes suivants :

- L'assainissement des eaux usées et la production de boues d'épuration :

- assainissement individuel,

- assainissement collectif,

- gestion des systèmes de collecte des eaux usées,

- gestion des stations d'épuration,

- les divers types de boues d'épuration.

- L'épandage des boues d'épuration :

- la réglementation,

- l'intégration agronomique des boues d'épuration,

- l'organisation des épandages en agriculture,

- la question des odeurs et de la stabilisation des boues,

- les autres voies de retour au sol,

- les autres voies d'élimination des boues.

- Risques sanitaires et environnementaux de l'épandage :

- aspects microbiologiques,

- teneurs en éléments-traces et composés-traces organiques des boues,

- teneurs des sols en éléments-traces,

- le transfert des éléments-traces et composés-traces organiques vers les plantes,

- la prévention des rejets contaminants dans les réseaux d'assainissement.

- Contexte européen :

- réglementation,

- état des pratiques.

Echéance : courant 1999.

Etude de la faisabilité de la mise en place d'un dispositif de garantie

La profession agricole a clairement exprimé son exigence que les éventuels risques, même très faibles et non évaluables a priori, qui pourraient résulter de l'utilisation de boues, ne pénalisent en aucun cas l'agriculteur qui en serait victime.

Elle demande donc :

  • qu'un mécanisme d'indemnisation très rapide de l'agriculteur puisse être mis en place en cas de dommage lié aux boues, sans attendre l'issue des procédures judiciaires établissant les responsabilités précises (système d'avance sur décision de justice),
  • qu'un mécanisme d'indemnisation puisse prendre en charge définitivement l'indemnisation dans les cas où la mise à jour des responsabilités est impossible, ou en cas de prescription de l'action civile, ou d'insolvabilité du responsable, etc.
    La profession propose que cette demande soit couverte par un fonds national de garantie.

Un groupe de travail a été mis en place pour expertiser la faisabilité d'un tel fonds, et associe notamment des représentants des assureurs.

Charte de qualité des épandages et accord national

Un document provisoire a été établi sous le titre "charte nationale en vue d'une démarche de qualité pour l'épandage des boues de stations d'épuration urbaines en agriculture". Ce document a vocation à être annexé à un futur accord national sur l'épandage des boues qui devrait être l'aboutissement des travaux du comité national.

Le principe de cette démarche a été acté en comité national. Il reste évidemment conditionné aux résultats des différentes actions en cours citées ci-dessus et des prises de position finales des différents acteurs.


Annexe III : La nouvelle réglementation relative à l'épandage des boues de stations d'épuration urbaines en agriculture


Le décret du 8 décembre 1997 (JO du 10 décembre 1997) fixe les nouvelles conditions de l'épandage des boues issues du traitement des eaux usées sur les sols agricoles ou forestier, ainsi que pour la revégétalisation. L'arrêté du 8 janvier 1998 (JO du 31 janvier 1998) précise les prescriptions techniques applicables à l'épandage en agriculture de ces boues. Les arrêtés relatifs aux épandages en forêt ou pour la revégétalisation ne sont pas encore rédigés.

La production française de boues de stations d'épurations urbaines est estimée à environ 850 000 tonnes de matière sèche par an. L'augmentation de la collecte et du traitement des eaux usées urbaines devrait conduire à une production annuelle d'environ 1 300 000 tonnes de matière sèche à l'horizon 2005. En 1995, environ 60% des boues étaient recyclées en agriculture (ce qui représente environ 1% des matières organiques épandues sur terrains agricoles, sur environ 1% de la surface agricole utile), 20 à 25% mis en décharge et 15 à 20% incinérés.

1. Pourquoi une nouvelle réglementation?

1.1. Les grandes lignes de l'ancienne réglementation - L'ancienne réglementation en matière d'épandage de boues urbaines obéissait à deux logiques :

1) Les boues, en tant que matières fertilisantes, obéissaient aux dispositions issues de la loi du 13 juillet 1979 relative à l'organisation du contrôle des matières fertilisantes, le décret 80-478 du 16 juin 1980 relatif à la répression des fraudes en ce qui concerne les matières fertilisantes, et l'arrêté du 29 août 1988, rendant d'application obligatoire le respect d'une partie de la norme "matières fertilisantes, pour l'importation, la vente, la mise en vente, la distribution à titre gratuit des boues des ouvrages de traitement des eaux usées urbaines produites pour le marché national ou importées". Ce dernier arrêté dispensait les boues d'une homologation ou d'une autorisation provisoire de vente dans la mesure où elles étaient conformes à la norme rendue d'application obligatoire et "sous réserve de leur innocuité", la norme visant en fait essentiellement la teneur en éléments-traces métalliques des boues et des sols.

2) Compte tenu de leur nature originelle de déchets, il existe des incertitudes sur les éléments non pris en compte dans la norme, et la variabilité de leur composition. Pour ces raisons, la réglementation prévoyait également un contrôle local, sur la base :

  • de la législation "santé publique" (règlements sanitaires départementaux, articles 159 et suivants), qui prévoient des interdictions d'épandage dans certaines zones et à certaines périodes de l'année;
  • de la législation "eau" à travers le régime d'autorisation et de déclaration institué par l'article 10 de la loi sur l'eau, les décrets "procédure" et "nomenclature" du 29 mars 1993;
  • de la réglementation sur l'assainissement des communes (décret 94-469 du 3 juin 1994 et arrêtés du 22 décembre 1994, du 6 mai 1996 et du 21 juin 1996) pris au titre du code de la santé publique, du code général des collectivités territoriales (articles L.2224-8 et 2224-10 institués par l'article 35 de la loi sur l'eau. Cette réglementation imposait notamment une étude préalable aux épandages de boues des stations d'épuration recevant plus de 120 kg par jour de DBO5.


On retrouvait par ailleurs des interférences avec d'autres législations :

la législation sur les installations classées du 19 juillet 1976 (en dehors du fait qu'elle réglemente les épandages issus d'installations classées soumises à autorisation ou déclaration, et l'incinération et la mise en décharge de boues de quelque nature que ce soit) dans la mesure où il a été considéré dans le passé que le libellé de l'article 322-B-2° pouvait inclure les stockages de boues avec un régime d'autorisation;
la législation sur les déchets (en dehors de ses articles de fond qui sont applicables aux boues comme à tout autre déchet) par le biais du règlement CEE n° 259/93 qui mentionne les boues (destinées à être valorisées) dans la liste orange et soumet leur importation à une procédure de notification préalable.
3) Enfin, au niveau européen, le texte fondateur reste la directive 86/278 du 12 juin 1986 modifiée, relative à la protection de l'environnement et notamment des sols lors de l'utilisation des boues d'épuration en agriculture. Cette directive soumet l'épandage de boues à des restrictions diverses (obligation de traitement préalable dans le cas général, limitation des éléments-traces métalliques dans le sol, limitation de quantités annuelles de métaux lourds apportées au sol par les boues) et des modalités de surveillance particulières (registres d'épandage, analyses périodiques de sols, et de lots de boues...). D'autres directives interviennent, notamment la directive 91/271 sur les eaux usées résiduaires (interdiction de déversement des boues dans les milieux aquatiques) et celles relatives aux déchets.

1.2. Les limites de l'ancienne réglementation ayant justifié la rénovation réglementaire

Les principaux problèmes posés par l'ancienne réglementation étaient les suivants :

l'ambiguïté du double statut de déchet et de matière fertilisante rendait difficile la compréhension et l'application des nombreux textes réglementaires applicables. En outre, la norme NFU 44041 rendue partiellement d'application obligatoire par l'arrêté du 29 août 1988 était en fait une norme "déchets", comme le prouve en particulier le fait que les tolérances maximales sur les variations des teneurs en éléments fertilisants des boues prévues à l'article 3 de cet arrêté n'aient jamais été fixées;
aucune prescription technique n'avait été fixée au niveau national au titre de la loi du 16 décembre 1964 ou du 3 janvier 1992 pour les épandages réglementés au cas par cas au titre de ces lois;
d'une manière générale, aucun lien évident n'existait entre les différents corps de législation, notamment la loi de 79 et les lois "environnementales". Cette confusion, cette complexité et ce manque de lisibilité sont à l'origine de nombreux contentieux, et d'une application très hétérogène de la réglementation dans les départements français.
Des contentieux se sont notamment développés avec des importateurs de boues, qui estimaient que la conformité de leurs boues avec la norme NFU 44041 les affranchissait du respect des autres dispositions législatives et réglementaires, et assurait la libre circulation de leurs déchets.

D'un point de vue technique, "le débat entre les déchets et les biens dure depuis presque 20 ans. Il n'existe toujours pas de définition satisfaisante déterminant le moment où un produit devient un déchet et celui où un déchet redevient un produit", autrement dit, selon l'interprétation de la Cour de justice, le moment où il perd sa "nature particulière". Il paraît beaucoup plus opérant, en la matière, de s'interroger sur les processus nécessaires pour transformer les boues en les traitant ou en les incorporant dans des cycles de fabrication de matières fertilisantes par exemple qui obéissent aux mêmes normes en matière de santé, de sécurité et d'environnement que les produits neufs. Parallèlement, il convenait de définir quelles règles, notamment de contrôle, doivent être mises en place lorsque les boues, non réutilisées dans un processus de fabrication, ont toutefois des caractéristiques qui rendent leur usage en agriculture utile et sans risques pour l'environnement et la santé publique.

Ce point est le premier objet de la rénovation réglementaire menée en parallèle avec les travaux menés sous l'égide de la Commission des matières fertilisantes et supports de culture pour la définition de critères d'homologation de produits fabriqués en tout ou partie à partir des déchets.

En outre, l'ancienne réglementation montrait d'autres carences évidentes :

elle était désuète vis à vis du code de la santé publique, l'article L1 imposant notamment la transcription par décret en conseil d'Etat des dispositions du règlement sanitaire départemental type;
elle était incomplète vis à vis de la directive 86/278, la Commission ayant attiré l'attention du Gouvernement Français sur certains points précis, non traduits de façon satisfaisante (le champ couvert par la réglementation française a été jugé plus restrictif que celui de la directive qui ne vise pas uniquement les boues d'origine urbaines; l'obligation de tenue d'un registre n'apparaissait pas formellement ; les modalités de surveillance n'étaient traduites que par circulaire ; l'obligation de traitement préalable était assez ambiguë car figurant essentiellement dans la norme NFU 44041);
elle était imprécise, voire ambiguë quant à l'application pratique des régimes d'autorisation et de déclaration au titre de la loi sur l'eau (rubrique 5.4.0 de la nomenclature);
d'un point de vue technique, elle n'offrait pas de garanties suffisantes vis à vis du problème des odeurs, et ne prenait pas en compte les micropolluants organiques. Par ailleurs, elle ignorait la réalité souvent complexe du recyclage des boues en restant muette sur les conditions de mélange de boues avec d'autres produits, les produits réalisés à partir des boues, notamment les composts;
enfin, elle était très partielle, son champ n'englobant que les boues secondaires de stations d'épuration urbaines et ignorant les épandages sur d'autres types de sols (notamment la forêt et l'utilisation en revégétalisation).
2. Les grandes lignes de cette nouvelle réglementation

La nouvelle réglementation est instituée à la fois au titre de la directive européenne du 12 juin 1986, de la loi sur l'eau du 3 janvier 1992, de la loi de 1975 sur les déchets et du code de la santé publique. Elle met donc fin à la dispersion des textes réglementaires applicables aux boues. Les prescriptions qu'elle établit pour les épandages en agriculture résultent d'une large concertation et prennent en compte les travaux scientifiques conduits notamment par l'INRA, les recommandations établies par le Conseil Supérieur d'Hygiène Publique de France, et l'expérience tirée des 18 ans de travail sur ce thème avec le réseau des missions de valorisation agricole des déchets. En outre, le décret élargit son champ d'application aux épandages en forêt et à la revégétalisation (les arrêtés correspondant ne sont pas parus). Les grandes lignes de cette nouvelle réglementation sont les suivantes :

2.1. Le producteur de boues est responsable de la filière épandages et de son suivi, de la production de la boue à son épandage et à son suivi

Ceci est la principale conséquence du classement des boues en tant que déchet, plutôt qu'en tant que matière fertilisante normalisée. L'arrêté portant application obligatoire de la norme NFU 44041 est donc abrogé (arrêté du 2 février 1998, JO du 12-02-98). Des produits homologués intégrant comme matière première des boues de stations d'épuration pourront éventuellement être homologués ou répondre à une future norme d'application obligatoire au titre des matières fertilisantes si ils respectent les critères d'efficacité et d'innocuité fixés pour de tels produits. Ils seront alors exclus du champ d'application de la nouvelle réglementation.

2.2. Une filière d'épandage organisée et encadrée, sous la responsabilité du producteur de boues

Les épandages en agriculture ne doivent pas s'improviser au gré des opportunités. La filière doit être étudiée et organisée préalablement à la mise en oeuvre des épandages, par le producteur de boues.

Ainsi le décret impose :

Une étude préalable systématique quelle que soit la quantité de boues mise en jeu. Cette étude doit préciser les caractéristiques des boues, analyser les contraintes liées aux milieux récepteurs, caractériser les sols et les systèmes de culture récepteurs et définir les conditions d'épandage permettant d'assurer l'adéquation entre les caractéristiques des boues et les systèmes agro-pédologiques récepteurs. Les parcelles réceptrices doivent être identifiées de manière prévisionnelle, avec accord de l'exploitant agricole récepteur;
Pour des stations d'épuration de plus de 2000 EH environ (120 kg de DBO5) :
un programme prévisionnel annuel d'épandage, avant chaque campagne, est obligatoire : ce document doit préciser les parcelles réceptrices pour la campagne suivante et leurs caractéristiques ainsi que les préconisations précises sur leur intégration dans les plans de fumure des exploitants agricoles,
un bilan annuel de programme d'épandage qui rend compte des épandages réalisés, présente les bases sur lesquelles a été établi le conseil pour la prise en compte des boues dans le programme de fertilisation ;
le producteur doit assurer une auto surveillance sur la qualité des boues qu'il produit, sur la qualité des sols ayant reçu des boues, et sur les traitements des boues mis en oeuvre. Les paramètres à surveiller et les fréquences sont précisées dans l'arrêté.
En outre, une solution alternative à l'épandage doit être prévue, dès le dossier initial, au cas où un lot de boues ne respecterait pas la qualité minimale exigée pour être épandues.

2.3. Une filière réglementée et contrôlée par l'Etat (préfets de départements)

Les épandages sont soumis à déclaration au titre de la loi sur l'eau dès que la quantité de boues produites par une station et destinée à être épandue en agriculture dépasse l'équivalent d'environ 200 habitants (0,15 t/an d'azote ou 3 t/an de matière sèche). La procédure d'autorisation est déclenchée au-dessus de 50 000 équivalent-habitants environ (40 t/an d'azote ou 800 t/an de MS).

Dans ces deux cas, l'étude d'incidence exigée par le décret du 29 mars 1993 doit être complétée par une présentation de l'état du système d'assainissement, des caractéristiques des principaux rejets non-domestiques dans les réseaux, et de l'étude préalable citée au 2.2).

Le préfet est en outre destinataire des programmes prévisionnels annuels d'épandage et des bilans annuels, ainsi que d'une synthèse annuelle de chaque registre tenu par les producteurs de boues (voir 2.5).
Le préfet est chargé de la validation de l'autosurveillance et du contrôle du respect de la réglementation.
Il peut en outre faire appel à un organisme indépendant des producteurs de boues pour mettre en place un dispositif de suivi général des épandages.

2.4. La qualité des boues doit assurer leur innocuité

L'ensemble des préconisations relatives à l'innocuité des boues prend en compte les recommandations du Conseil Supérieur d'Hygiène Publique de France (CSHPF).

- Maîtrise des teneurs et des flux en éléments-trace :

Les anciennes teneurs limites de la norme NFU 44-041 ont été divisées par 2. En outre, à l'échéance 2004 la valeur pour le Cd est divisée par 4.

En outre, des flux limites contraignant ont été introduits. Ainsi, des boues atteignant les nouvelles valeurs limites ne pourront être épandues qu'à des doses de 15 tonnes de matière sèche tous les 10 ans, alors que des boues deux fois moins chargées pourront être épandues à 30 tonnes de MS tous les 10 ans (quantité plafond ne pouvant être dépassée, mais souvent supérieure aux doses qui résulteront du raisonnement agronomique). Les flux qui en résultent sont environ 6 à 10 fois plus sévères que ceux imposés par la directive européenne de 1986. Ils sont très proches des valeurs de la réglementation allemande.

- Maîtrise des teneurs et des flux en micropolluants organiques :

Ont été introduites des teneurs limites et des flux limites pour les principaux micropolluants organiques les plus persistants dans l'environnement : HAP et PCB. Les valeurs limites sont issues des travaux du CSHPF.

En outre, les préfets peuvent demander la surveillance de micropolluants spécifiques dont le risque de présence aurait été identifié lors de l'examen des principaux rejets industriels dans les réseaux (cf. 2.3).

- Maîtrise des micro-organismes :

- les boues doivent être traitées de manière à réduire de manière significative leur pouvoir fermentescible et les risques sanitaires liés à leur utilisation. Seules les boues provenant d'ouvrages de moins de 2000 EH peuvent être épandues non traitées sous réserve de les enfouir immédiatement après épandage,

- la maîtrise des risques liés aux micro-organismes repose sur des limitations d'usage : distances à respecter vis à vis des habitations, des points d'eau, des cours d'eau, etc. et délais à respecter avant cultures maraîchères et avant mise au pâturage des animaux...

- ces restrictions d'usage sont assouplies dans le cas de boues ayant fait l'objet d'un traitement spécifique d'hygiénisation abattant à un niveau non détectable des germes potentiellement pathogènes.

2.5. La traçabilité des opérations doit être assurée

L'ensemble des dispositions ci-dessus permettent d'apporter les garanties d'innocuité des épandages. Il ne peut toutefois être exclus que des accidents ponctuels et temporaires puissent conduire à l'épandage de boues présentant un risque. C'est pourquoi, afin de pouvoir circonscrire l'ampleur de tels problèmes, très hypothétiques, il a été jugé nécessaire d'assurer une traçabilité totale de la filière. Ainsi :

les producteurs de boues doivent tenir à jour des registres permettant de connaître avec précision la destination (parcelle cadastrale) de chaque lot, sa date, et les caractéristiques du lot concerné.
les mélanges de boues sont interdits, afin de ne pas brouiller la traçabilité. Toutefois, dans le cas de regroupement de petites communes en vue d'un meilleur traitement des boues, le préfet peut déroger à cette interdiction. Il doit alors désigner clairement qui est responsable de l'application des textes (art. 5 du décret).
2.6. Le stockage ne doit pas engendrer de pollutions et de nuisances

Les ouvrages d'entreposage sont réglementés au titre de la procédure eau.

Ils doivent retenir les lixiviats générés pendant l'entreposage et minimiser les nuisances olfactives pour le voisinage.

Les dépôts temporaires de "bout de champ" ne sont tolérés que pour des boues solides et stabilisées et pour une durée limitée à la période d'épandage.

2.7. Délais

Les nouvelles teneurs limites en micropolluants dans les boues sont applicables immédiatement. Toutefois, jusqu'au 31-12-1999, des dépassements temporaires ne pouvant excéder 50% de la valeur limite sont tolérés.

Pour les épandages existants en situation régulière ou pour lesquels les procédures de déclaration ou d'autorisation ont été engagées, les délais suivants sont accordés pour la mise en conformité :

2 ans pour l'obligation de traitement des matières de vidange des ouvrages de collecte des eaux usées, pour l'application des dispositions relatives aux mélanges, et pour l'application de la réglementation aux matières de vidanges issues des dispositifs non collectifs d'assainissement des eaux usées.
3 ans pour l'obligation de traitement, la réalisation de l'étude préalable, des programmes prévisionnels annuels d'épandage et des bilans annuels des épandages ainsi que pour la mise en conformité des installations de stockage. 

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