L'ACIER DANS LES DECHETS D'EMBALLAGES MENAGERS

DES CONSIDERATIONS OUBLIEES     PARTIE V


Si des raisons techniques ne peuvent expliquer le bien-fondé des exigences de la filière acier et d'Eco-Emballages dans la qualité des DEM acier à fournir, des raisons économiques le peuvent-elles ?

1    Le tri, condition nécessaire mais pas suffisante

" Qualité du tri à la source, agencement des overbands dans le centre de tri et compactage doivent permettent d'atteindre les PTM relatives à l'acier ". " Un bon gisement est collecté quand il y a :

  • une bonne sensibilisation des habitants,
  • une bonne organisation de la collecte,
  • un centre bien conçu avec des trieurs bien formés "

(Gilbert de GUERRY, magnétic avril 1997)

" les avantages du tri automatique...aussi bien en terme de simplicité des opérations qu'en termes de coût... Le passage par la fusion, qui élimine le maximum d'impuretés, nous permet de retrouver de l'acier pur "

(Gilbert de GUERRY, Agir pour l'environnement, Acier USINOR SACILOR 1996)

Pourquoi les 90 % de métal magnétique exigés par la filière sont difficilement atteints alors que les conditions déterminantes de la qualité des matériaux semblent remplies dans toutes les collectivités et centres de tri chargés de la collecte et du conditionnement des déchets ?

Pourquoi un surtri manuel au coût très élevé est préconisé sur la chaîne de tri/conditionnement alors que la qualité des ferrailles dépendrait en grande partie de la façon dont le tri est effectué par la population avant la collecte ?

Pourquoi demander une qualité qui ne peut pas être obtenue par le tri automatique qui pourtant est le seul économiquement rentable quand la fusion permet ensuite d'éliminer un grand nombre d'impuretés ?

Sur les 10 collectivités interrogées par le magazine magnétic, seules 3 collectivités montrent une teneur en métal magnétique - calculée et non mesurée - qui respecte les PTM, avec encore quelques réserves : d'après le contrat signé avec la filière, le SYMOVE de l'Oise n'est pas tenu de lui proposer des paquets de densité 1,2 ; ils sont pourtant repris à 200 F/t. De la même façon, Sollac reprend les paquets de la Communauté urbaine de Dunkerque bien qu'ils possèdent une teneur en métal magnétique inférieure aux PTM.

A l'heure où les programmes de gestion des déchets doivent prendre en compte les capacités contributives des collectivités locales, est-il légitime pour les recycleurs d'exiger une qualité " à tout prix " ?

2    Les DEM acier en paquets, cadeaux pour les aciéristes ?

" Une bonne presse suffit pour obtenir la densité des paquets voulue par les PTM. ":

(Gilbert de GUERRY, magnétic avril 1997)

Une " bonne presse " n'est pas une condition suffisante à l'obtention de paquets de densité acceptable. En effet, la densité des paquets faits à partir de la presse Copex (un des équipements recommandés par la filière) varie sensiblement suivant les centres de tri et pour un même centre, suivant les paquets ... Après maîtrise du poids des paquets à environ 11 kg, ces derniers présentent alors une densité respectant le cahier des charges des aciéristes.

L'emploi d'une presse pour conditionner les DEM acier sous forme de paquets est préconisé par Eco-Emballages et la filière acier. Ce conditionnement, à la charge de la collectivité, permet de réduire de façon substantielle les coûts de transport du centre de tri à l'industriel repreneur ainsi que les coûts de manutention et d'enfournement.

L'achat d'une presse et de ses équipements est un investissement lourd pour la collectivité locale : il représente entre 500 à 800 KF selon le type et la puissance de la presse.

Un tel investissement ne saurait être envisagé pour les centres de tri de petite et moyenne taille. Une presse mobile pourrait alors être la solution si les coûts de transport et de montage/démontage de la presse n'étaient pas à la charge de la collectivité locale.

Les collectivités locales n'ont pas à supporter un transfert de charge qui permet aux industriels d'externaliser les coûts de préparation. Est-il donc rationnel d'inciter les collectivités locales à l'achat d'une presse dont le retour sur investissement n'est possible que sur plus de 15 ans, même pour un centre de tri de taille importante (> 400 000 habitants) ?

3    Contrôle de la qualité : une précision inadaptée ?

La qualité des ferrailles issues de la collecte sélective est testée à l'IRSID (Maizières-lès-Metz) par la méthode B.S.L. (Broyage - Séparation - Lavage). Ce contrôle est effectué à la demande de la filière ou d'Eco-Emballages afin de vérifier si les ferrailles proposées par les collectivités locales respectent bien les PTM. La méthode B.S.L. permet de définir la teneur en fer des ferrailles avec une précision de ± 1 %.

Cette méthode détermine donc la teneur en fer d'un paquet qui a évolué avec le temps : pendant le temps de stockage du paquet au centre de tri puis pendant celui du transport entre le centre de tri et l'IRSID et enfin pendant celui du stockage à l'IRSID. Sachant qu'il ne faut que six semaines pour que la pureté varie de plusieurs points grâce à la décomposition des matières organiques (cf. : § 4.4.), quelle est la signification d'une telle précision quand la donnée mesurée varie de manière si sensible ?

Pour permettre aux collectivités de respecter les PTM, l'IRSID présente un exemple d'installation de récupération des APE issus des centres de tri sélectif. Cette installation comprend un overband en fin de chaîne auquel on ajoute un système de broyage et de criblage permettant ainsi de fournir des ferrailles respectant la teneur en fer exigée. Ce système induit un coût supplémentaire supporté par la collectivité.

Deux conclusions implicites issues de cet exemple s'imposent :

1. Sans système de broyage/criblage, il est impossible pour les collectivités locales de proposer systématiquement des DEM acier collectés en mélange qui possèdent la teneur en fer voulue.

2. La filière préfère aujourd'hui le conditionnement en paquets des DEM acier issus de la collecte sélective plutôt que quelques points de pureté en plus sur ces mêmes ferrailles proposées alors en vrac après broyage/criblage. Quand on sait que le transport est à la charge de la filière...

4    Les DEM acier issus des mâchefers : une récupération fumante ?

Aujourd'hui, la collecte après incinération est l'option la plus utilisée pour la récupération de l'acier dans les ordures ménagères : 86,7 % des DEM acier sont récupérés par cette méthode. Bien qu'elle soit performante par le tonnage récupéré, l'est-elle également par la qualité des ferrailles obtenues ?

L'acier représente 3 à 4 % du gisement total des ordures ménagères. A la sortie de l'incinérateur, sa concentration s'élève à 10 % présents dans les mâchefers. Outre le fait que cet acier récupéré ne provienne pas uniquement d'emballages ménagers (présence de clous, boulons, câbles à l'entrée de l'incinérateur par exemple), sa teneur en fer reste encore faible : entre 50 et 60 %. De plus, contrairement à l'acier proposé en paquets par les centres de tri, celui issu des mâchefers a besoin de plusieurs opérations supplémentaires (broyage, criblage) pour être utilisé par l'aciériste.

Etudions alors la perte réelle d'acier due aux étapes spécifiques de ce procédé de collecte :

  • perte lors de l'incinération

Actuellement, la part de l'acier à l'entrée et à la sortie de l'incinérateur est calculée de la façon suivante :

acier01  = 3 à 4 % d'acier en entrée,

acier02   = 10 % d'acier en sortie.

Mais ces taux ne peuvent prouver que l'incinération des DEM permet un quelconque enrichissement de la teneur en acier puisqu'ils ne sont pas comparables (les dénominateurs étant radicalement différents).

Par contre, il serait judicieux de faire le calcul suivant pour connaître l'efficacité (ou rendement) de ce mode de collecte :

acier03

Ce calcul permettrait pourtant de connaître la valeur des pertes d'acier dues au procédé d'incinération.

  • perte lors du broyage et du criblage des mâchefers

Les fines particules d'acier ne sont pas retenues par les mailles et partent dans les refus. La perte d'acier est alors fonction du nombre de passage dans le circuit de broyage (généralement 2) et de la taille des mailles lors du criblage. La récupération de l'acier sur les mâchefers présente une rentabilité au vu des tonnages collectés ; cette rentabilité est toute relative quand on s'intéresse au rendement.

Ne vaut-il pas mieux développer la récupération de l'acier dans les déchets ménagers en favorisant la voie de la collecte sélective puisque cette méthode ne connaît qu'une très faible perte de DEM due au process ?

Par ailleurs, après avoir subi un surtri spécifique, les DEM acier issus des mâchefers sont repris par la filière, en vrac, à un prix nettement supérieur aux 200 F/t de reprise proposés aux centres de tri pour les DEM acier, sous forme de paquets. Pourtant les deux types de ferrailles sont directement exploitables par les aciéristes.

Est-il judicieux que les sociétés agréées soutiennent en priorité les tonnes d'acier issues de l'incinération plutôt que de la collecte sélective au nom d'un développement plus rapide et plus facile, en l'occurrence moins durable, de la valorisation matière ?


Un " juste prix " doit être donné aux collectivités locales pour les ferrailles provenant de la collecte sélective qui sont directement exploitables par les aciéristes.

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