LE VERRE DANS LES DECHETS D'EMBALLAGES MENAGERS



DES IDEES FIXEES POUR UN OBJECTIF FIXE        PARTIE VI

1    Les PTM ou comment externaliser les coûts de traitements des matériaux

Les collectivités locales et les industries verrières coordonnent leurs efforts depuis plus de 20 ans pour rendre effectifs la récupération et le recyclage du verre d'emballages ménagers.

Depuis 1992, date de la mise en place du dispositif français de valorisation, le recyclage du verre s'est doté d'un nouveau maillon que sont les sociétés agréées. Aux relations déjà établies entre les collectivités locales et les verriers se sont greffées de nouvelles dispositions contractuelles induisant de nombreuses clauses aliénantes pour les collectivités : d'une obligation réglementaire d'élimination des déchets ménagers, les collectivités volontaires investies dans une gestion moderne des déchets se retrouvent aujourd'hui, en cas de contractualisation avec les sociétés agréées, dans l'obligation (contractuelle) de proposer, par le respect des PTM, des matériaux valorisables d'une qualité de niveau industriel.

La qualité souhaitée par la filière verre, imposée aux collectivités dès contractualisation avec une société agréée, permet à l'industrie verrière d'externaliser les coûts de préparation du calcin ménager : ces coûts évités rendent le verre français concurrentiel au prix de l'importante prise en charge de la purification du calcin par les collectivités. La qualité a un prix que paient actuellement les collectivités.

Le niveau industriel de qualité demandé n'est au demeurant pas atteint par l'ensemble des collectivités. En effet, la filière s'accorde à dire que 60 % des collectivités ne respectent pas les PTM. Il est à constater que cette part de collectivités ne voit pas son verre refusé pour autant. Comment l'industrie verrière peut-elle justifier les contraintes qualitatives qu'elle impose aux collectivités quand elle accepte, dans le même temps, pour plus de la majorité de ses approvisionnements une qualité inférieure à celle demandée ?

Cette situation avait déjà été constatée lors de la campagne nationale de caractérisation des calcins menée par l'ADEME et Eco-Emballages en 1995. Ces observations n'ont toutefois pas permis d'assouplir les PTM relatives au verre d'emballages ménagers lors du réagrément d'Adelphe et d'Eco-Emballages en 1996.

A l'heure de la renégociation du barème en faveur des collectivités locales, cette étude encore applicable et les nombreuses " tolérances " des verriers constatées sur le terrain amènent à revoir les conditions de reprise actuelles du verre ménager : les coûts inhérents au traitement du calcin doivent aujourd'hui être pris en charge par l'industrie verrière et non plus supportés par la collectivité (voir Propositions du Cercle National du Recyclage, chap. 7).

2    L'objectif est-il atteignable avec les moyens mis en oeuvre actuellement ?

Les verriers se sont engagés à recycler 75 % du gisement de verre d'emballages ménagers soit près de 2 200 000 tonnes . Cet objectif est-il atteignable avec les moyens actuels mis en oeuvre par les verriers et soutenus par les sociétés agréées ?

Compte tenu des pertes lors de la collecte et du traitement et des tonnages de verre non repris par la filière (fines de verre), pour atteindre cet objectif, le tonnage à collecter doit représenter plus de 80 % du gisement total de verre d'emballages ménagers soit près de 2 350 000 tonnes.

Aujourd'hui, chaque français dépose en moyenne 20 kg par an de verre dans un conteneur d'apport volontaire ; le gisement collecté variant sensiblement en fonction de la densité du parc de conteneur (5 à 10 kg si le conteneur concerne 1 000 à 1 500 habitants, 24 kg pour un conteneur concernant 300 à 350 habitants) . Outre les difficultés de mise en place de conteneurs en hyper-centre, le développement du parc de conteneurs densifié à un conteneur pour 500 habitants prévu en 2002 ne pourra suffir à collecter les 80 % de verre d'emballages ménagers attendus, la quantité collectée par habitant par apport volontaire restant trop faible pour atteindre ces tonnages.

Au vu des moyens de collecte jusqu'ici recommandés par les verriers et les sociétés agréées (apport volontaire), on peut alors se poser la question de la pertinence - ou de l'intérêt - de la réalisation de l'objectif pour les industries verrières : engagées à reprendre la totalité du verre collecté par les collectivités, comment peuvent-elle matériellement absorber 2 200 000 tonnes en 2002 quand les capacités d'utilisation du calcin se limitent aujourd'hui à 1 800 000 tonnes ?

Les moyens de collecte préconisés aujourd'hui sont-ils plus performants pour atteindre l'objectif fixé de valorisation du verre d'emballages ménagers ou pour mettre en adéquation le " captage " du verre et l'alimentation des fours en calcin ?

3    Le verre d'emballages ménagers en apport volontaire ou mono-matériau : un mode ou une mode de collecte ?

3.1    Apport volontaire/porte-à-porte : la bataille ne peut avoir lieu

La réalisation de l'objectif passe nécessairement par le développement de la collecte en porte-à-porte conjointement à celle en apport volontaire.

Bien qu'elle ne puisse respecter ni la répartition granulométrique ni la teneur réduite en infusibles demandée à cause des ruptures de charges qui surviennent lors de la collecte, la collecte en porte-à-porte présente des performances quantitatives nettement supérieures à celles observées en moyenne en apport volontaire. De plus, cette collecte a également d'autres attraits, en terme de coûts notamment. Malgré les pertes inhérentes au porte-à-porte (fines de verre ou verre présent dans les refus de tri), la majeure partie du gisement est collectée et valorisée, ce qui réduit de manière considérable :

  • les coûts de collecte des matériaux valorisables par effet d'échelle ;
  • les coûts d'incinération et de mise en décharge du verre non capté par la collecte sélective (sans parler de l'absurdité d'envoyer du verre à l'incinérateur...).

L'essor de la collecte en porte-à-porte amène la filière verre à " recommander " aujourd'hui des bacs de collecte coiffés d'un couvercle verrouillé et operculé. Cet accessoire supplémentaire, dont le coût d'achat est supporté par les collectivités locales, permettrait selon la filière de garantir la qualité du gisement collecté. Il a pourtant déjà été expérimenté dans plusieurs collectivités sans grand succès.

Quel que soit le mode de collecte, la collectivité locale n'est ni à l'abri, ni responsable d'un geste distrait voire malveillant d'un citoyen. Les opercules des bacs de collecte ou des conteneurs ne peuvent empêcher l'introduction d'une bouteille en céramique bien connue ou d'une brique qui polluerait l'ensemble du contenant. Par ailleurs, outre la complication des consignes de collecte pour les rippeurs (déverrouillage des couvercles, collecte, reverrouillage), la taille des opercules entrave l'optimisation de la collecte du verre d'emballages ménagers par l'impossibilité d'introduire les grands contenants dans le bac de collecte. Ce gisement, aussi réduit soit-il, pouvait jusqu'à présent être capté et valorisé sans aucun problème par l'intermédiaire d'un bac classique.

Des répartitions granulométriques à respecter si la collectivité choisit de se charger de la collecte du verre, des bacs à opercule si elle choisit le porte-à-porte : par la multiplication d'obligations et de recommandations plus contraignantes les unes que les autres envers les collectivités, les agents opérationnels du dispositif français de valorisation des déchets d'emballages ménagers n'affichent pas de réelle volonté à associer tous les acteurs impliqués dans le recyclage du verre. La valorisation du verre tend aujourd'hui vers un circuit monopolistique, de la collecte au débouché, néfaste à l'optimisation du recyclage en France. . .

3.2    Verre en mélange : des justifications bien justifiées ?

Depuis la mise en place de la première collecte sélective en porte-à-porte de France à Dunkerque en 1989, les collectivités locales ont mis en place de nombreux systèmes de collecte et de tri avec un même objectif vertueux : préférer la valorisation aux autres possibilités d'élimination.

Aujourd'hui, en dépit de l'entière compétence des collectivités en matière de collecte et de tri des déchets d'emballages ménagers, la recommandation est donnée aux collectivités nouvellement engagées dans la mise en place d'une collecte sélective de ne pas collecter le verre dans le même flux que les autres matériaux valorisables. Cette organisation technique est d'ailleurs devenue une condition quasi-affichée de contractualisation pour Eco-Emballages. Les arguments avancés sont multiples : usure des tapis des centres de tri et de traitement, " pollution " des autres gisements de matériaux, ...

Pourtant, la séparation du verre des autres fractions a du mal à être justifiée par des explications d'ordre économique. L'externalisation des coûts de traitement des matériaux est flagrante quand la collectivité est contrainte dans ses choix de collecte dans le seul but de ne pas user les équipements des industriels ou de faciliter le traitement des matériaux valorisables chez ces mêmes industriels.

La seule justification recevable par les collectivités, engagées volontaires dans la valorisation, est de recycler plus pour éliminer au moindre coût.

Conforme à ce principe, la collecte du verre en mélange trouve facilement, dans certaines conditions, une rentabilité que ce soit en terme de tonnage ou de coûts évités.

4    Le tri par couleur : des éléments pour y voir plus clair

La collecte sélective des déchets d'emballages ménagers en verre, appliquée actuellement dans près de 85 % des collectivités locales, a permis de recycler la moitié du gisement de verre d'emballages ménagers.

Aujourd'hui, plusieurs collectivités expérimentent le tri du verre par couleur, distinguant deux catégories, le verre blanc et le verre de couleur. Là aussi, les raisons invoquées par les verriers sont plurielles :

  • la distinction des deux fractions permettrait d'augmenter le taux de captage global par rapport à une collecte classique ;
  • le développement de la récupération du verre d'emballages ménagers saturerait bientôt des lignes de fabrication du verre couleur dans certaines régions ; le verre collecté devrait alors être transporté vers d'autres usines verrières plus éloignées. La collecte du verre blanc éviterait alors le transport du gisement à recycler sur de longues distances puisqu'il serait utilisé dans des usines verrières blanches plus proches ;
  • l'industrie verrière blanche se sent aujourd'hui pénalisée par rapport à l'industrie verrière de couleur par l'impossibilité d'utiliser du calcin, source de réelles économies en terme de coûts de fabrication.

Plusieurs collectivités se sont engagées aujourd'hui dans le tri par couleur dès la collecte : cette démarche, difficilement justifiable du point de vue économique, est encore une illustration de la tentative des industriels d'externaliser les coûts de préparation des matières premières sur les collectivités locales.


1. Si le taux de captage du verre peut être amélioré par la séparation du verre par couleur, l'explication est d'ordre sociologique : comme toute " piqûre de rappel ", la communication supplémentaire qui est faite sur les modifications de consignes de tri dues à la séparation des fractions de verre induit une plus grande participation des citoyens pour le geste trieur. Mais cette implication forte reste ponctuelle ; les nouvelles consignes intégrées, le taux de captage varie peu ou prou.

2. Les autres arguments évoqués relèvent de préoccupations industrielles que la collectivité n'a pas à prendre en considération. L'inégalité des régions face au débouché verrier est indéniable mais elle vaut tant pour les lignes de fabrication blanches que pour les lignes de fabrication vertes. Enfin, la sauvegarde de la concurrence de l'industrie verrière productrice de verre blanc ne peut être supportée par la collectivité par la mise en place de la collecte sélective par couleur à ses frais puisque, de surcroît, il est entendu que le verre blanc serait repris au même prix que le vert.


Comme le niveau de qualité exigé, le tri du verre par couleur peut être obtenu automatiquement par des équipements industriels installés dans les centres de traitement. Mais, de l'avis des verriers, l'investissement d'équipements de tri par couleur ne trouve pas d'équilibre économique : ils préconisent alors la collecte du verre par couleur à la source.

Le gisement de verre blanc représente aujourd'hui 20 % du gisement total d'emballages ménagers en verre. Par l'instauration de collectes du verre par couleur, la filière verre espère récupérer 20 % du gisement blanc soit 100 000 à 200 000 tonnes.

Est-il alors raisonnable de demander aux collectivités d'engager des modifications dispendieuses de leur système de collecte, risquant au passage de perdre du gisement par les erreurs fatalement commises par les usagers, pour une si faible part du verre d'emballages ménagers, déjà récupérée par la collecte classique ? Il est vrai que les investissements pour un équipement automatique de tri par couleur ou pour la mise en place d'une collecte sélective du verre en deux fractions n'incombent pas aux mêmes acteurs.

Si les coûts supplémentaires inhérents à la collecte séparée du verre en deux fractions distinctes ne sont pas supportés par les industries demandeuses, le souhait de trier le verre d'emballages ménagers par couleur dans le cadre de la collecte sélective devient irrecevable.

5    Verre ménager et verre C.H.R. : des gisements assimilés

Depuis la loi de 1975, les collectivités locales ont l'obligation réglementaire de pourvoir à l'élimination des déchets municipaux produits sur leur territoire. Par ailleurs, aujourd'hui cette prise en charge peut être élargie aux déchets industriels banals ; l'élimination/valorisation d'une partie du gisement des C.H.R. est actuellement assurée par le circuit de collecte - sélective - des ordures ménagères.

La filière verre estime que sur les 1 500 000 tonnes de verre d'emballages recyclées en 1996 :

  • 1 370 000 tonnes proviennent du gisement ménager ;
  • 130 000 tonnes sont issues du gisement C.H.R. soit près de 10 % du tonnage recyclé.

Il est à souligner que ce sont autant d'emballages en verre qui ne contribuent pas à leur élimination et qui se retrouvent néanmoins à la charge de la collectivité.

Difficilement identifiable, ce gisement fuyant se confond totalement avec le calcin ménager, induisant les difficultés de recyclage du verre envisagées par les verreries. Le tonnage de ce gisement correspond pratiquement au gisement de verre blanc que les verriers espèrent recycler :

  • si le gisement C.H.R. n'était pas introduit dans les déchets d'emballages ménagers mais suivait son propre circuit d'élimination - ou de valorisation -, le risque de saturation des lignes de fabrication serait écarté, aurait-on alors encore besoin d'envisager des collectes - ou des tris - du verre par couleur ?
  • si le gisement C.H.R. reste dans les déchets d'emballages ménagers en verre, la collectivité locale n'a pas à supporter le coût financier d'un nouveau mode de collecte du verre induit par la présence de ce gisement parasite. Le tonnage qu'il représente est quantifié par la filière, il doit alors contribuer à son élimination.

6    Verre ménager et verre C.H.R. : des gisements assimilés

Depuis maintenant vingt ans, le recyclage du verre a une réalité économique ; le tonnage collecté allant grandissant, le verre bouteille redevient encore et toujours du verre bouteille, invariablement. Force est de constater qu'il s'agit aujourd'hui de l'unique débouché du verre ménager.

La longue expérience du recyclage et les craintes des verriers de la saturation en calcin de certaines lignes de fabrication n'ont toutefois pas permis de développer les débouchés du calcin ménager.

Ces débouchés ont pourtant été identifiés dès 1993 dans le cadre de l'étude STRATECH INTERNATIONAL sur la recherche d'applications industrielles pour les fines de verre : une trentaine d'applications essentiellement dans le bâtiment (abrasifs, tuiles, briques, carrelages, verre expansé, ...) a pu être ainsi caractérisée.

Des essais sont également effectués pour introduire des fines de verre dans les sols argileux : l'ajout de verre permettrait d'aérer les terres et de modifier leur perméabilité, favorisant ainsi les cultures.

Eco-Emballages et les verriers travaillent également à la recherche de nouveaux débouchés pour le verre " impropre ". Les mêmes pistes ont été identifiées en 1998 ; elles seront destinées au verre d'emballages ménagers dont le niveau de qualité n'atteint pas celui des PTM.

Selon les organismes agréés et la filière verre, ce seraient près de 200 000 tonnes de verre d'emballages ménagers qu'il faudrait détourner vers les débouchés alternatifs pour espérer atteindre l'objectif de 75 % de recyclage en 2002 .

Rappelons que dès aujourd'hui, la part du calcin ménager ne respectant pas les PTM représente près de 60 % du gisement de verre recyclé soit 900 000 tonnes. Elle trouve pourtant une valorisation dans la fabrication de bouteilles.

Ayant à présent la mainmise sur le recyclage du calcin ménager, l'industrie verrière ne montre pas d'empressement dans la recherche de filières alternatives. A ce jour, ses investigations s'orientent plutôt vers l'utilisation des fines de verre dans la fabrication de... nouvelles bouteilles. Si ce procédé déjà utilisé par un centre d'affinage devait s'étendre à l'ensemble des centres de traitement, les contraintes granulométriques n'auraient de fait plus aucune justifications.

Quel que soit le produit fini obtenu, le développement des débouchés alternatifs du verre d'emballages ménagers est aujourd'hui nécessaire pour permettre aux collectivités locales de proposer du calcin en fonction de l'utilisation finale, carrelages, briques ou bouteilles.

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