QUEL DEVENIR POUR LES MACHEFERS D'INCINERATION D'ORDURES MENAGERES ?



LE GISEMENT DE MACHEFERS EN FRANCE        PARTIE III


Le contexte actuel de la réutilisation des mâchefers d’incinération d’ordures ménagères (MIOM) oblige à distinguer les flux traités aux liants hydrauliques des flux non-traités. En effet, de plus en plus d’installations de maturation et d’élaboration des mâchefers (IME) ajoutent des liants pour proposer un produit aux caractéristiques géotechniques supérieures.

Même si des études et expérimentations avec essais de vieillissement sont actuellement en phase finale, le manque de retour d’expérience à long terme ne permet pas encore à ce jour de définir précisément les modalités d’utilisation des liants, ni même le comportement de ces MIOM traités. En cohérence avec la nature spécifique de ces matériaux, notre document distingue par la suite sous forme d’encadrés les paragraphes consacrés aux mâchefers traités avec liants.


1    Les origines

1.1    Les sources de production


Les textes français distinguent les sources de production selon deux critères qui sont la nature du déchet incinéré et le procédé d’incinération.

La circulaire du 9 mai 1994 précise que les MIOM sont les résidus d’incinération de déchets ménagers et assimilés. Elle s’applique aussi aux déchets hospitaliers contaminés coïncinérés dans le respect des conditions de l’arrêté du 23 août 1989. Au sens des textes nationaux, les MIOM ne résultent pas du passage de déchets dangereux en unité d’incinération. A l’inverse et comme énoncé en II.1., la directive 2000/76/CE ne fait plus cette distinction au niveau européen. La caractérisation des résidus se fait, selon ce texte, en fonction du potentiel polluant et non plus en fonction de l’origine.

La seconde distinction se fait au niveau du type de traitement thermique utilisé. En effet, l’apparition de nouveaux procédés de traitement thermique tels que la thermolyse et l’incinération sur lits fluidisés engendre la production de résidus aux propriétés différentes de ceux issus des traitements traditionnels. Ces résidus ne sont pas assimilés aux MIOM. Le manque de connaissance du comportement et de la nature de ces produits incite à la prudence. Un autre texte spécifique à ce flux devrait être rédigé pour en encadrer la gestion.

1.2    Les chiffres clés


En 1999, 3 804 000 tonnes de mâchefers ont été produites en France.

Les mâchefers bruts, en sortie de four et après refroidissement, représentent 25 à 30 % du tonnage de déchets incinérés et 10 % de leur volume.

On compte en France un peu plus de 30 installations de maturation et d’élaboration des mâchefers. 5 unités sont également en cours de construction.

L’Ademe estime que 46 % des mâchefers produits en 1999 étaient de catégorie V (valorisable), 37 % de catégorie M (mâturable) et 17 % de catégorie S (stockable). Les progrès attendus doivent faire évoluer le taux de production de mâchefers V à 80 %.

L’évolution des quantités de mâchefers produits est présentée dans le tableau suivant :

Années

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Quantités de mâchefers produits (en milliers de tonnes)

3 135

3260

3390

3490

3562

3804

+9 %

+7

Source : Ademe à partir d’estimations et prévisions BIPE-1999



2    La nature des flux

2.1    La nature physico-chimique des mâchefers


Les MIOM ont une nature hétérogène en rapport avec leur origine détritique. Après les étapes principales de traitement que sont le déferraillage et le criblage, les mâchefers se présentent sous forme d’une grave 0/20 ou 0/31,5 mm conformément aux attentes des utilisateurs potentiels. Le pH basique du matériau oscille entre 10 et 12,5.

La composition moyenne des mâchefers peut être définie d’une manière assez générale. Les éléments principaux constitutifs du matériau sont ainsi recensés :

Þ    la silice ;
Þ    l’alumine ;
Þ    le calcium ;
Þ    les métaux ;
Þ    les imbrûlés ;
Þ    les sels ;
Þ    l’eau.

Le document intitulé « Les mâchefers d’incinération d’ordures ménagères ; guide technique pour l’utilisation des matériaux régionaux d’Ile de France » donne les valeurs suivantes pour exemple de composition des mâchefers après le passage en unité de traitement :

mache01

On constate que la structure minérale après traitement est toujours constituée essentiellement de silice, d’alumine et de calcium.

Les principaux éléments susceptibles de porter atteinte à l’environnement sont ceux identifiés par la circulaire du 9 mai 1994 pour mesurer le potentiel polluant :

Þ    le plomb ;
Þ    le cadmium ;
Þ    le chrome ;
Þ    l’arsenic ;
Þ    le mercure ;
Þ    le sulfate ;
Þ    le carbone organique total.

Après les fumées, on peut s’interroger sur la présence de dioxines dans les MIOM et sur leur toxicité relative. En effet, des analyses ont déjà démontré que les mâchefers contiennent des dioxines en concentration variable selon les unités d’incinération. L’Ademe annonce des concentrations généralement inférieures à 20 pg/g de matière sèche et toujours inférieures à 50 pg/g révélées lors de tests effectués en France et en Allemagne soit des valeurs couramment rencontrées dans les sols. Ces molécules ne sont pas solubles dans l’eau. Les risques de voir ces polluants lessivés vers les nappes phréatiques semblent donc limités. Toutefois, le manque de connaissances constaté sur ce sujet doit pousser les acteurs à la prudence.

Le Mate et l’Ademe initient actuellement une réflexion sur les niveaux de toxicité afin de déterminer les seuils à ne pas dépasser. Jusqu'à l’aboutissement de la réflexion, le principe de précaution reste de mise.

2.2    Les caractéristiques géotechniques des mâchefers


Lorsqu’ils sont valorisés en techniques routières ou en remblais, les mâchefers se substituent à un matériau naturel face auquel ils peuvent présenter un inconvénient majeur : la sensibilité à l’eau. Gonflement et matelassage des couches de MIOM peuvent résulter d’un taux d’humidité trop important, ce qui engendre des déformations de la surface routière. En règle générale, les matériaux alternatifs ont des propriétés mécaniques inférieures à celles des matériaux naturels traditionnellement utilisés.

Le développement de la collecte sélective entraîne une forte baisse du pourcentage de la fraction de verre, ou silice, contenue dans les mâchefers. De nombreux acteurs se posent d’ores et déjà la question de savoir quel sera l’impact de cette évolution sur le comportement des mâchefers. Les hypothèses supposent deux conséquences principales qui sont d’une part, la baisse de la dureté du matériau soit une baisse de portance et d’autre part, le développement possible des gonflements après mise en place en technique routière. Ces déficiences pourraient toutefois être corrigées par l’apport de fines de verre issues, par exemple, de centre de tri. Il reste à définir les quantités nécessaires pour pallier le manque et aussi à savoir si le diamètre de ces fines est satisfaisant pour assurer une portance suffisante et un gonflement minimum.

La liste suivante présente les paramètres qui permettent de caractériser un lot de mâchefers pour ensuite l’orienter vers le débouché adéquat :

Þ     granularité ;
Þ     teneur en fines inférieures à 0,08 mm ;
Þ     teneur en fines entre 0,08 et 2 mm ;
Þ     propreté ;
Þ     résistance mécanique ;
Þ     teneur en eau.

Rappelons qu’un diamètre trop important empêche un bon compactage et que l’inverse, soit un diamètre trop faible, accentue la sensibilité à l’eau du matériau.

La masse volumique du matériau ainsi que sa portance sont les paramètres qui caractérise la stabilité du matériau. Les essais Proctor, test de compactage effectué en laboratoire permettent de définir ces valeurs. Toutefois, compte tenu de l’hétérogénéité des mâchefers, les résultats de ces essais doivent être exploités à titre indicatif.

Des recherches sont actuellement en cours pour permettre une définition plus précise des caractéristiques des MIOM qui ne se limite plus à l’état et à la résistance mécanique du matériau.

Les caractéristiques géotechniques des mâchefers peuvent évoluer avec l’addition de liants hydrauliques qui doit permettre d’optimiser le comportement du matériau en agissant sur les paramètres suivants :


Þ  homogénéisation des caractéristiques physiques ;
Þ  augmentation de la résistance mécanique ;
Þ  réduction de la sensibilité à l’eau ;
Þ  réduction du risque environnemental de lixiviation.

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