DISPOSITIF FRANCAIS D'ELIMINATION DE DECHETS D'EMBALLAGES MENAGERS : Analyse des mécanismes actuels de soutiens financiers



ANALYSE DES FLUX FINANCIERS - PARTIE IV


Objet du décret du 1er avril 1992, la mise en place d'un système financier permettant la prise en charge d'une partie du coût d'élimination des déchets par celui qui l'a produit s'est traduit par la création des sociétés agréées Eco-Emballages et Adelphe. Le rôle de ces sociétés est de collecter auprès de leurs adhérents, en échange de la prise en charge de la responsabilité de l'élimination des déchets générés par leurs emballages, des sommes qui seront distribuées aux collectivités locales qui mettent en place la collecte sélective et le tri des déchets d'emballages ménagers. Bénéficiant de l'agrément des pouvoirs publics délivré en fonction de leur capacité technique et financière à mener à bonne fin les opérations requises pour l'élimination des déchets d'emballages ménagers, les sociétés Adelphe et Eco-Emballages se sont vues confier la mission de valoriser 75 % des déchets d'emballages ménagers.

Après 7 années de fonctionnement de ce dispositif, le Cercle National du Recyclage, ayant rappelé son appréciation favorable des principes fondateurs constate que la majeure partie du coût d'élimination des déchets d'emballages ménagers reste à la charge des collectivités locales et appelle l'attention des différents partenaires sur les points suivante :

  • les contributions des adhérents aux sociétés agréées sont versées en contrepartie de la prise en charge de la responsabilité d'élimination des déchets d'emballages ménagers. Le fonds ainsi constitué est destiné à aider la mise en place de système de collecte sélective et de tri, opérations constitutives de l'élimination, au sein des collectivités. Or, aujourd'hui le versement des sommes aux collectivités ne s'effectue pas en fonction de la mise en œuvre de moyens de collecte sélective et de tri mais sur la base de résultats qualitatifs de tri. Cette situation a pour effet de placer les collectivités face à une obligation de résultats pour pouvoir bénéficier d'une aide au fonctionnement. Une application rigoureuse du principe pollueur-payeur aurait comme conséquence d'aider les collectivités en fonction des tonnes de déchets d'emballages ménagers éliminées dans des conditions environnementales satisfaisantes. La subordination du versement des aides à la réalisation d'objectifs qualitatifs demeure une entrave au processus de modernisation de la gestion des déchets. Dans une optique de partage des coûts basé sur un partage de responsabilités, c'est bien l'élimination des déchets d'emballages ménagers qui doit être soutenue par l'instauration d'un dispositif d'internalisation. Or, dans le cadre législatif et réglementaire actuel, l'organisation de l'élimination des déchets ménagers reste du ressort de la collectivité locale. Il reste donc inconcevable que cette dernière ne puisse percevoir d'aides au fonctionnement de la part des sociétés agréées alors qu'elle met en œuvre des moyens d'élimination satisfaisants au regard de la loi.
  • les sommes rassemblées par les sociétés agréées ont pour vocation essentielle d'aider les collectivités locales dans la mise en place du système de collecte sélective et de tri. Or, on constate aujourd'hui l'existence de flux financiers à destination d'autres partenaires que les collectivités locales. Ces dépenses des sociétés agréées (aides aux filières de valorisation, aides au transport, études diverses, etc.) sont sans rapport avec l'objet de leur agrément et constituent autant de soutiens que ne perçoivent pas les collectivités locales. Ce constat pose le problème de financement des étapes de la valorisation qui suivent la collecte sélective et le tri. En effet, rien n'indique que les fonds rassemblés au titre de l'élimination puissent être dévolus à la valorisation des déchets. Plus généralement, l'existence de flux financiers à destination autre que les collectivités pose le problème du financement de la mission confiée par l'Etat aux sociétés agréées.
  • l'investissement d'Eco-Emballages dans des missions annexes comme la prévention ou la promotion des produits recyclés est aussi synonyme de ressources diminuées pour les collectivités locales. · l'appréciation de l'efficacité globale du dispositif est rendue particulièrement difficile par la confusion permanente entre le rôle des sociétés agréées (interfaces financières) et la réalisation de l'objectif de 75 % de valorisation des déchets d'emballages ménagers. Dans la situation actuelle, le seul critère retenu pour appréhender l'efficacité du dispositif est le taux de valorisation. Il conviendrait plutôt de s'attacher à déterminer l'efficacité du franc investi en mesurant le taux de détournement ou de diversion obtenu dans les collectivités locales. Les aides des sociétés agréées étant destinées à soutenir la mise en place de la collecte sélective et du tri, il serait pertinent de s'attacher avant tout à apprécier leur efficacité sur le terrain. La valorisation s'effectuant en aval de cette étape de diversion, il est nécessaire de connaître les quantités détournées entrant dans un programme de valorisation pour pouvoir déterminer les responsabilités de chacun dans la réalisation de l'objectif fixé.
  • le fonctionnement actuel du dispositif ne permet pas d'identifier clairement les responsabilités de chacun de ses acteurs. Il s'en suit trop souvent un glissement des responsabilités qui incombent à l'Etat et aux sociétés agréées vers les collectivités locales. Ces dernières n'ont pas d'obligation de valorisation. Toutefois, la réalisation des objectifs nationaux passe par l'engagement volontaire des collectivités locales. Pour autant, il ne faut pas qu'elles subissent de transfert de charges financières en relayant la vision parcellaire délivrée par les sociétés agréées. La responsabilité de la collectivité porte sur l'ensemble des déchets municipaux. La vision globale doit être privilégiée dans la réflexion relative à la modernisation de la gestion des déchets. Du fait de l'ambiguïté entretenue concernant les responsabilités, il existe de nombreuses incertitudes quant à l'application d'éventuelles sanctions en cas de manquements dans la réalisation des objectifs assignés à l'Etat, aux sociétés agréées et aux collectivités locales.
  • une réflexion corollaire au point précédent porte sur la validité des objectifs qui ont été fixés. De fait, tant au niveau de la Directive " emballages " que de l'arrêté d'agrément des sociétés Adelphe et Eco-Emballages, rien n'étaye la définition des taux à atteindre. A terme et en cas de contestation, il sera difficile de faire valoir la pertinence des pourcentages indiqués d'autant plus que les modes de calcul ne sont pas harmonisés.

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