LE TRAITEMENT BIOLOGIQUE DES DECHETS ORGANIQUES
LES DEBOUCHES - PARTIE VIII
Assurer la pérennité de la filière de valorisation passe par une identification précise et exhaustive des débouchés potentiels à un niveau local. Les voies d'écoulement envisageables pour les produits répondants aux textes en vigueur sont présentées de manière à mettre en évidence la diversité qui s'offre aux producteurs de compost et de biogaz. Certaines filières d'utilisation exigeront des critères plus sévères, surtout lorsqu'elles sont liées au domaine alimentaire. Si le contexte législatif est peu contraignant, certains acteurs n'hésitent pas à mettre en place des chartes de qualité ou à exiger le respect de certaines valeurs telles que le label écologique ou encore à faire référence à des textes étrangers.1 Pour le compost
1.1 L'épandage en agriculture, maraîchage, viticulture
Le domaine agricole ayant supporté trop longtemps l'épandage de produits de qualité médiocre craint aujourd'hui l'application de ces méthodes. Cependant, une fois établie la garantie d'innocuité d'un compost respectant des critères de qualité sévères, les voies d'écoulement s'ouvrent peu à peu.
La carte ci-dessous présente " l'aléa d'érosion par petites régions agricoles " (sources : Inra - Ifen - MATE). Cela permet d'avoir un premier aperçu des régions les plus touchées par les risques d'érosion. Le compost tient un rôle essentiel dans la protection des sols contre l'érosion et cette carte offre une vision d'une partie des débouchés potentiels.
Certaines zones mises en évidence sur la carte présentent de grands risques d'érosion liés au climat, au relief ou à la nature initiale des sols. Parallèlement à ces risques naturels, le mode de culture devenu productiviste depuis plusieurs décennies accélèrent la minéralisation de la matière organique.
Les apports nécessaires au sol varient entre une culture légumière et une culture céréalière. Les cultures légumières puisent la matière organique dans le sol et n'y apportent rien. Les cultures céréalières, quant à elles, puisent aussi de la matière organique dans le sol et réapprovisionnent en partie les stocks en laissant derrière elles des déchets de culture qui se dégradent sur le sol. Une analyse de la parcelle cultivée permet d'évaluer les apports à réaliser pour équilibrer consommation et apport de matière organique.
L'apport de matière organique à une culture légumière est estimé à un équivalent de 30 tonnes de compost tous les trois ans (source : Chambre départementale d'agriculture du Nord). Pour une culture céréalière, les apports complémentaires nécessaires sont définis en fonction des analyses de parcelles. L'apport est égal à 30 tonnes moins l'apport des déchets de culture.
Ecouler un stock de compost vers le milieu agricole peut suggérer de faire appel à une coopérative. Il est possible par ce biais de réduire les coûts de transport de l'unité vers les exploitations agricoles ou encore d'étendre les zones potentielles d'épandage.
Les multiples intérêts de l'épandage de compost ne positionnent plus le milieu agricole comme étant l'exutoire des déchets urbains. Aujourd'hui, le compost de qualité a une valeur positive.
1.2 Le retour aux habitants
Donner ou vendre le compost aux habitants est un débouché possible. Certes, cela ne permet pas d'écouler des tonnages aussi importants que ceux envoyés vers la filière agricole. Cependant, il peut y avoir un impact psychologique intéressant sur les habitants. En effet, le trieur perçoit la finalité et l'intérêt de son geste. La quantité et la qualité des déchets organiques collectés peuvent alors augmenter.
Cela nécessite une campagne de communication réalisée auprès des habitants afin de les motiver à permettre de " boucler la boucle ".
1.3 Les espaces verts des collectivités et l'horticulture
La quantité potentiellement utilisable dans ces filières est variable selon la localité.
L'absence de norme alimentaire facilite l'écoulement d'un compost. L'utilisation en tant qu'amendement organique de fond pour la plantation d'arbres ou encore pour l'installation de nouveaux gazons est particulièrement intéressante et nécessite environ 15 à 20 t/ha. La même notion de restitution aux apporteurs intéresse les collectivités et les entreprises horticoles qui y trouvent une rentabilité par le fait de remplacer l'achat de terreau ou autres substances par un compost.
1.4 La végétalisation de terrains
Talus et abords autoroutiers, décharges, carrières, pistes de ski sont autant de zones qui nécessitent de gros tonnages de compost pour leur réhabilitation, même si certains de ces apports restent circonstanciels. En effet ces zones, pour des questions esthétiques ou de lutte contre l'érosion, doivent être végétalisées. L'épandage d'une couche de compost offre un support idéal à ces pratiques.
Cependant, si cette voie d'écoulement n'a pas de fins alimentaires, il n'en est pas moins obligatoire d'assurer l'innocuité du produit afin de toujours garantir la protection des eaux et des sols.
2 Pour le biogaz
Issu de décharge ou produit en digesteur, il existe aujourd'hui de nombreuses voies de valorisation pour le biogaz qui est un puissant gaz à effet de serre. Si certaines sont aujourd'hui bien en place, d'autres stagnent au seuil de simples expérimentations. D'autres enfin ne sont pas favorisées par le contexte législatif et réglementaire. La France est retardataire en matière de méthanisation en comparaison à d'autres pays tels que l'Allemagne qui dispose aujourd'hui d'une capacité de traitement de 450 000 t/an et aussi les Pays-Bas.
En l'absence d'étude approfondie, les estimations suivantes destinées à présenter le gisement de biogaz ont une valeur d'ordre de grandeur (source : ADEME - mai 1999) :
- * le biogaz dans le monde représenterait un gisement comparable aux quantités de gaz fossile utilisé soit 1 800 Mtep/an ;
- * le potentiel valorisable dans le monde serait de 100 à 300 Mtep/an ;
- * le potentiel valorisable en France serait de 11 % du gisement contre 0,5 % valorisé aujourd'hui.
2.1 Le brûlage en torchère, en chaudière ou en alimentation de fours de procédés
Le biogaz peut être brûlé en chaudière, ce qui permet la production de chaleur, d'eau chaude ou de vapeur d'eau. Une partie peut être utilisée au sein de l'unité et une autre partie peut alimenter en chaleur des bâtiments communaux tels qu'une piscine ou une salle de sport. Le brûlage du biogaz peut enfin servir à alimenter des fours de procédés dans des domaines d'activité que sont par exemple les cimenteries et les briqueteries. Certaines applications industrielles pour lesquelles la qualité du combustible ou de ses produits de combustion peut agir sur le produit fabriqué peuvent nécessiter une épuration des composés indésirables. Cette épuration peut remettre en cause toute la pertinence économique de cette pratique.
Le biogaz de décharge représente un gisement important encore peu valorisé. L'arrêté du 9 septembre 1997 en renforce l'obligation de captage mais celui-ci reste encore majoritairement brûlé en torchère, ce qui réduit déjà considérablement son impact négatif sur l'effet de serre.
2.2 La production d'électricité
Le biogaz peut alimenter un moteur ou une turbine doté d'un alternateur pour produire de l'électricité. L'utilisation d'une turbine à vapeur engendre des contraintes moindres. L'énergie produite est alors consommée au sein de l'unité, le surplus est revendu à EDF. Une fois transformée sur place, l'électricité est plus facile à transporter. Dans certains cas, la chaleur produite par le groupe électrogène peut être récupérée puis exploitée : c'est la cogénération.
Aujourd'hui, la volonté des pouvoirs publics à relancer la maîtrise de l'énergie grandit face à la crise pétrolière. L'ADEME a donc lancé un appel d'offres en 1999 en partenariat avec EDF, auprès des centres d'enfouissement technique. Cinq projets sur les vingt-quatre déposés ont été retenus pour le rachat par EDF de l'électricité produite à partir du biogaz capté en décharge. Le prix qui varie entre 29 et 34 centimes par KWh permet une exploitation rentable des équipements sur une durée d'amortissement de quinze ans, sachant qu'une décharge produit du biogaz jusqu'à trente ans après sa fermeture (source ADEME 2000).
2.3 Le biogaz carburant
Ce mode de valorisation est encore en voie de développement et semble fermer ses portes au biogaz de décharge pour son niveau de qualité insuffisant. Le caractère encore " expérimental " induit que l'utilisation se réserve uniquement à l'alimentation de véhicules des collectivités tels que les autobus ou les bennes de collecte des déchets ménagers. L'intérêt environnemental est démontré par la forte réduction des émissions de polluants. De plus, les calculs économiques montrent un temps de retour intéressant de trois à quatre ans lorsque l'on exploite des capacités de production équivalentes à l'alimentation de plusieurs dizaines de véhicules. L'utilisation du biogaz comme carburant nécessite une épuration poussée afin d'obtenir un gaz de très bonne qualité, ce qui limite encore aujourd'hui les débouchés.
Une unité traitant 20 000 t/an de biodéchets peut produire une quantité de carburant qui permet à 2 000 voitures de parcourir 10 000 km/an. Un kilogramme de biodéchets correspond donc à la consommation de carburant pour un parcours d'un kilomètre en voiture (source : VINCI ENVIRONNEMENT).
2.4 L'injection du biogaz dans le réseau du gaz naturel
Aujourd'hui, un certain nombre d'incertitudes persistent quant à la détermination qualitative du gaz acceptable dans le réseau de distribution. L'ADEME et GDF ont mis en place un programme de recherche et développement sur ce thème. La présence combinée d'eau, d'hydrogène sulfuré, de méthane et de dioxyde de carbone le rend corrosif et engendre une réticence de la part de GDF quant à l'injection du biogaz dans le reseau. C'est sur la présence des composés indésirables que se concentrent les recherches. Le transport est un autre paramètre restrictif. En effet, cette pratique n'est envisageable que lorsque le lieu de production est situé à proximité du réseau.