REDEVANCE SPECIALE : ACCOMPAGNEMENT A LA MISE EN PLACE ET RECUEIL D’EXPERIENCES

METTRE EN PLACE LA REDEVANCE SPECIALE - PARTIE IV

1 - ETABLIR DES DEVIS

La constitution du fichier et la répartition des dotations par redevable permettra de réaliser des devis de facturation pour chacun d’entre eux. Il est important que les solutions d’élimination des déchets non ménagers qui seront pris en charge par le service public respectent les capacités financières des redevables. Ces devis permettront aux redevables d’avoir une première approche financière du coût du service et de leur présenter les règles de gestion et les tarifications de services supplémentaires. Ils pourraient également permettre de proposer aux redevables des solutions leurs offrant la possibilité de bénéficier de tarifications dégressives :

- massification des déchets en conteneurs gros volumes ;
- points d’apport volontaire pour les recyclables (emballages ménagers, papiers/cartons) auprès des établissements collectifs
- …

2 - INFORMER LE REDEVABLE

La communication et l’information sont des éléments clé d’acceptation de la Redevance Spéciale auprès des redevables et permettront de limiter le nombre de contentieux. Les redevables doivent être sensibilisés sur différents points concernant la Redevance Spéciale. Les objectifs sont :

- de répondre à une obligation réglementaire ;
- d’assurer la transparence du financement du service public d’élimination des déchets ;
- d’assurer l’équité fiscale et la prise en charge de la politique déchet par chaque producteur ;
- de maitriser l’évolution des dépenses de la collectivité (maîtrise du parc de bacs, amélioration du tri, amélioration de l’efficience de collecte, …) ;
- de gérer l’adaptation des besoins des producteurs par le recensement.

Pour cela l’ensemble des moyens de communication disponibles doit être utilisé. Afin d’accroître l’efficacité de la communication, il est conseillé de mettre en place un plan de communication qui comprendra :
  • des outils de communication « institutionnels[12] »  :

- presse, journal de la collectivité ;
- lettre du Président de la collectivité aux responsables et représentants d’administrations, de collectivités et tout autre redevable, précédant une réunion d’information ;
- lettre du Vice-président en charge du dossier de la Redevance Spéciale aux responsables et représentants d’administrations, de collectivités et tout autre redevable ;
- séances publiques d’information sur le dossier de la Redevance Spéciale ;

  • des outils de communication « fonctionnels » :

- lettre d’accompagnement de la convention ou du contrat de Redevance Spéciale accompagnée du règlement communautaire de la Redevance Spéciale ;
- lettre d’accompagnement de la première facturation ;
- accompagnement terrain par les services de la collectivité ;
- mise en place d’une ligne téléphonique dédiée à la Redevance Spéciale ;
- développement de pages spécifiques à la Redevance Spéciale sur le site internet de la - collectivité, de supports téléchargeables[13], d’un extranet accessible aux redevables.

La campagne d’information préalable demandera un engagement fort et permanent de la part des élus pour éviter que la mise en place de la Redevance Spéciale ne soit un échec. Pour cela, le plan de communication peut s’appuyer sur une formation des élus à la Redevance Spéciale.

La communication devra également préciser les solutions alternatives proposées à la prise en charge dans le cadre de la Redevance Spéciale :

- les accès en déchèteries ;
- le recours à des prestataires privés ;
- l’élimination des déchets par leurs propres moyens ;
- la généralisation du tri pour bénéficier de tarifs privilégiés.

Enfin, la communication devra cibler l’ensemble des acteurs concernés :

- les élus et leurs conseillers ;
- les organismes consulaires : Chambres de Commerce et d’Industrie, Chambre des métiers et de l’artisanat ;
- les fédérations de professionnels ;
- les réseaux associatifs ;
- les gestionnaires des autres établissements publics : établissements scolaires, universités, établissements socio-éducatifs, établissements de soins, d’hébergement, de retraite, …
- les agents communautaires (direction et finances) pour leur permettre une préparation de l’approche « commerciale » auprès des redevables publics ou privés ;
- les agents de collecte (prestataire ou régie) qui peuvent être « sollicités » par les redevables.

La communication est un outil indispensable à l’acceptation et à la réussite du projet.

3 - CONTRACTUALISER

La contractualisation entre la collectivité et le redevable n’est pas obligatoire ; un simple accord verbal peut permettre l’envoi d’une facture ou d’un titre de recettes. Cependant, le Cercle National du Recyclage recommande une contractualisation car elle limitera ainsi les risques de contestations et permettra de formaliser l’accord entre les deux parties sur :

- la nature du service rendu et les contraintes ;
- les obligations du redevable ;
- le respect des prescriptions du règlement de Redevance Spéciale ;
- le prix du service rendu.

Pour contractualiser, un accord moral ou un courrier personnalisé n’est pas suffisant. Il faut mettre en place un bulletin d’abonnement au service, une convention ou un contrat[14]. Ceux-ci doivent être détaillés et comprendre les éléments suivants :

- l’identification des partenaires (collectivités et redevables) et le statut du redevable (commerce, industrie, administration public, établissement scolaire, …) ;
- le descriptif  du service rendu au redevable : type de dotation, nature et quantités des déchets acceptés, conditions de présentation, organisation de l’enlèvement (lieu, fréquence, jour et horaire, …) ;
- la tarification détaillée : structure tarifaire, formule de calcul, abattement ou majoration, incitation financière à la collecte sélective, échéance et modes de recouvrement ;
- les conditions de reconduite, résiliation ou modification de la convention, les conditions de révision du tarif ou les modifications affectant le service rendu.

4 - GERER

Pour gérer la Redevance Spéciale, les services techniques, administratifs et financiers de la collectivité devront prendre en charge différentes tâches :

  • en phase préparatoire :

- la constitution et la mise à jour du fichier des redevables : le développement en interne d’une application peut permettre une connexion avec l’outil comptable et la trésorerie. Un serveur dédié peut également permettre la collecte des informations ;
- le recours éventuel à un prestataire d’étude et/ou d’économétrie pour la gestion de la tarification possible de la Redevance Spéciale ;
- l’établissement des devis aux redevables ;

  • en phase de gestion :

- le contrôle sur le terrain du bon usage et de l’adéquation des bacs aux besoins des redevables ;
- l’apport d’informations et de renseignements complémentaires sur la collecte sélective des déchets et les alternatives à la Redevance Spéciale (prestataires privés, apport-volontaire, déchèteries) ;
- la gestion du relationnel avec les redevables sur le terrain, par exemple par la mise à disposition d’une ligne téléphonique dédiée ;
- l’établissement des contrats et des factures ;
- l’émission des titres de recettes ou des Titres Interbancaires de Paiement (TIP) ;
- le recouvrement de la Redevance Spéciale et l’envoi des rappels de paiement ;
- le suivi des litiges.

Il est nécessaire pour la collectivité de dédier du personnel pouvant réaliser ces différentes tâches. La charge financière engendrée par le personnel doit être intégrée dans le calcul du coût de la Redevance Spéciale.

Les frais de recouvrement de la Redevance Spéciale doivent inclure les frais de personnel, l’amortissement du matériel informatique, les dépenses de facturation et la couverture des impayés. Dans un premier temps, et par précaution, ces frais représenteront 8 à 10 % du montant des recettes de Redevance Spéciale appelées. Ils devront par la suite être ajustés. Généralement, une fois la Redevance Spéciale mise en place depuis quelques temps, les frais de recouvrement sont de l’ordre de 4 %.

Concernant les impayés, ils peuvent être limités par une procédure d’Opposition à Tiers Détenteur[15] (OTD). C’est une procédure contentieuse du comptable public de saisies de fonds, auprès de tiers détenteurs, des débiteurs de collectivités n’ayant pas acquitté leur dette (article 63 de la loi de Finances Rectificative de 2004 et article L1617-5 du CGCT).

5 - AUTRES ELEMENTS DE MISE EN ŒUVRE

Dans le cadre de la mise en œuvre, la création d’un ensemble de documents administratifs et juridiques est nécessaire.

Tout d’abord la délibération d’instauration de la Redevance Spéciale[16] doit être votée par la collectivité locale avant le 1er juillet de l’année N pour une mise en application au plus tôt au 1er janvier de l’année N+1. Cette délibération peut également comprendre le tarif applicable ainsi que sa date de révision.

Pour toute modification de la grille tarifaire appliquée dans le cadre de la Redevance Spéciale, ou dès lors que les délais de révision des tarifs arrivent à échéance, une nouvelle délibération doit être votée[17].

Le règlement de Redevance Spéciale[18] devra être créé afin de définir le cadre et les conditions générales d’application.

Enfin, il est conseillé de rédiger un contrat/convention de Redevance Spéciale permettant de définir, entre la collectivité et le contractant, la nature du service rendu, les obligations des deux parties et le tarif du service.

6 - MISE EN PLACE PROGRESSIVE

La collectivité locale peut choisir la rapidité à laquelle elle souhaite mettre en place la Redevance Spéciale.

En effet, les collectivités dont le nombre de redevables est limité peuvent envisager de mettre en place rapidement et en une seule fois la Redevance Spéciale. Cependant, pour les collectivités dont le nombre de redevables devient important (> 1000 par exemple), une mise en place progressive est recommandée. Cela peut se faire :

- par catégorie d’activités ;
- selon les quantités de déchets produits ;
- par combinaison de ces deux critères (établissements publics, puis aux gros producteurs et enfin aux petits producteurs) ;
- …

La mise en place progressive permet notamment :

- de mieux cerner les contraintes d’une activité et le type de déchets produits ;
- travailler avec les organismes professionnels pour établir les fichiers de redevables ;
- adapter la gestion de la redevance au fur et à mesure de son déploiement.

Cette progressivité ne doit cependant pas s’étaler sur un laps de temps trop important pour éviter les inégalités de traitement et d’être source de contentieux[19].

Cette mise en œuvre progressive sur le territoire de la collectivité devra être clairement définie, en termes de calendrier dans la délibération de création de la Redevance Spéciale.

Cette mise en œuvre progressive sur le territoire de la collectivité devra être clairement définie, en termes de calendrier dans la délibération de création de la Redevance Spéciale.

Pour exemple, le SMICTOM de Saône et Dombes a déployé progressivement la Redevance Spéciale sur son territoire :

- au 1er janvier 2003 : lycées, collèges, hôpitaux, maisons de retraites, administrations ;
- au 1er janvier 2004 : gros producteurs non ménagers ayant une production estimée supérieure à 2000 l/semaine ;
- au 1er janvier 2005 : producteurs non ménagers ayant une production hebdomadaire supérieure à 340 l.

7 - LES CONTRAINTES DE LA REDEVANCE SPECIALE

La mise en place de la Redevance Spéciale engendre un certain nombre de contraintes :

  • techniques :

- délai important (2 à 3 ans) ;
- mise en œuvre : constitution du fichier de redevables, évaluation des coûts, décision de tarification, délibération d’instauration de la Redevance Spéciale, contractualisation avec les producteurs, … ;
- gestion au quotidien de la Redevance Spéciale : mise à jour des fichiers, recouvrement, gestion des impayés, … ;
- risques d’incivilités et de dépôts sauvages ;

  • d’acceptation :

- par les professionnels (double tarification avec la TEOM, charge supplémentaire sans service supplémentaire, …) ;
- par les administrations, les établissements publics jusque là exonérés de TEOM.

Ces contraintes peuvent généralement être surmontées si la collectivité se donne les moyens de réussir la mise en place de la Redevance Spéciale. Des études préalables doivent être faites :

- en dédiant du personnel à la gestion ;
- en utilisant l’ensemble des moyens de communication, notamment avec les partenaires professionnels (exemple : Chambres de Commerce et d’Industrie, …), pour expliquer la nécessité et l’intérêt de la mise en place de la Redevance Spéciale.

8 - EXEMPLE DE PROCESSUS DE MISE EN PLACE

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Source : Lille Métropole Communauté urbaine : Rapport d’étude sur la Redevance Spéciale
Réflexions préalables à la mise en place



[12] Voir annexe 3 page 34 « Courrier de lancement de la Redevance Spéciale – SIOM de la vallée de Chevreuse »

[13] Voir annexe 4 page 35 « Supports de communication sur la Redevance Spéciale – Communauté urbaine de Bordeaux et CALITOM »

[14] Voir annexe 5 page 48 « Contrat/convention de Redevance Spéciale – CARENE »

[15] Pour plus d’informations consulter l’instruction codificatrice N° 05-050-M0 du 13 décembre 2005 sur le recouvrement des recettes des collectivités territoriales et des établissements publics locaux :
http://www.minefi.gouv.fr/directions_services/Tresor_public/bocp/bocp0512/icd05050.pdf

[16] Voir annexe 6 page 53 « Délibération de mise en œuvre de la Redevance Spéciale – SIOM de la vallée de Chevreuse »

[17] Voir annexe 7 page 55 « Délibération de modification des tarifs de la Redevance Spéciale – Communauté d’agglomération Pau Pyrénées »

[18] Voir annexe 8 page 56 « Règlement de la Redevance Spéciale – SIVOM de la vallée de l’Yerres et des Sénarts »

[19] Voir Annexe 9 page 64 « Extrait du rapport d’observation définitive de la Cours Régionale des comptes de Franche Compté – 3 juin 1998 »

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