REDEVANCE SPECIALE : ACCOMPAGNEMENT A LA MISE EN PLACE ET RECUEIL D’EXPERIENCES

QU’EST CE QUE LA REDEVANCE SPECIALE ? - PARTIE II

1 - CADRE GENERAL ET FINANCEMENT DE SERVICE PUBLIC D’ELIMINATION DES DECHETS

Selon la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 relative à l’élimination des déchets et à la récupération des matériaux, codifié par l’article L2224-13 du Code général des collectivités territoriales, les communes sont responsables de l’élimination des déchets issus des ménages. Afin de financer le service public, les collectivités locales disposent de différents moyens :

  • le budget général : basé sur les quatre taxes locales (taxe d'habitation, taxe professionnelle, taxe foncière sur les propriétés bâties et taxe foncière sur les propriétés non bâties) ;
  • la Taxe d’Enlèvement des Ordures Ménagères (TEOM) : taxe facultative instaurée par les communes ou leurs groupements afin de financer le service public d’élimination des déchets. Elle est basée sur le foncier bâti ;
  • la Redevance d’Enlèvement des Ordures Ménagères (REOM) : mode de financement, du service public d’élimination des déchets ménagers, géré comme un service à caractère industriel et commercial et basé sur le service rendu à l’usager

L’article L2333-76 du Code général des collectivités territoriales permet également aux collectivités d’assurer l’élimination d’autres déchets pouvant être collecté et traité sans sujétions techniques particulières. Une Redevance Spéciale devra être créé pour financer la prise en charge des déchets non ménagers.

La Redevance Spéciale correspond donc au paiement, par les producteurs de déchets non ménagers, de la prestation de collecte et de traitement de leurs déchets effectuée par la collectivité ou par un prestataire désigné et rémunéré par elle.

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Schéma du financement du service public des déchets

En 2008, dans les communes, les différents modes de financement se répartissaient comme ci-après.

PART DES COMMUNES
Budget général
4%
TEOM 71%
REOM 25%

Source ADEME : www.ademe.fr

Aujourd’hui, il est difficile d’estimer la part des communes qui ont mis en place une Redevance Spéciale.

2 - ASPECTS REGLEMENTAIRES

Chaque commune est responsable de l’élimination des déchets sur son territoire au travers des compétences « collecte » et « traitement » des déchets. Ces compétences peuvent être, individuellement ou totalement, transférées à un Etablissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI).

La loi n° 92-646 du 13 juillet 1992, reprise dans l’article L2333-78 du Code général des collectivités territoriales, rend l’institution de la Redevance Spéciale obligatoire à compter du 1er janvier 1993, pour toutes les collectivités prenant en charge les déchets non ménagers et n’ayant pas instauré la Redevance d’Enlèvement des Ordures Ménagères (REOM).

Si la commune est compétente en termes d’élimination des déchets, elle peut instaurer la Redevance Spéciale.

Cette redevance ne peut également être mise en place par un Etablissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI) que si ce dernier exerce à la fois les compétences « collecte » et « traitement » des déchets et que ces compétences n’aient pas été transférées à un groupement plus important. Néanmoins, si une intercommunalité n’a que la compétence « collecte » ou que chaque compétence a été transférée à deux établissements distincts, il revient alors à la commune de mettre en place la Redevance Spéciale.

Selon l’article L2333-78 du Code Général des Collectivités Territoriales, lorsque la Redevance Spéciale est mise en place, elle se substitue pour les déchets concernés à la redevance camping. De plus cette redevance est calculée en fonction du service rendu et notamment de la quantité de déchets éliminés. Elle peut également être fixée de manière forfaitaire pour l’élimination de petites quantités de déchets. Les collectivités peuvent décider, par délibération motivée, d’exonérer de la TEOM les locaux dont disposent les personnes assujetties à la Redevance Spéciale. Néanmoins, elles peuvent décider d’instituer à la fois la TEOM et la Redevance Spéciale.

Dans le cadre de la loi de finance de 2006, la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 a modifié l’article L2333-78 du Code général des collectivités territoriales. Désormais, les Syndicats Mixtes ayant institué la REOM peuvent mettre en place la Redevance Spéciale. Dans ce cas précis, la Redevance Spéciale sera limitée aux territoires des communes ou intercommunalités membres, à fiscalité propre, qui appliquent et perçoivent pour leur compte la TEOM.

C’est donc à la collectivité de décider et de délibérer sur la mise en place de la Redevance Spéciale, sur les modalités d’application, de tarification, de facturation, de recouvrement et l’exonération de la TEOM. Seules les collectivités ayant institué la Redevance Spéciale peuvent la percevoir ; les entreprises prestataires de collecte ne peuvent en aucun cas percevoir la Redevance Spéciale. Cependant, ces entreprises prestataires peuvent fournir à la collectivité l’ensemble des données (référence des redevables, litrages installés, quantités collectées, …) nécessaires au calcul et à la facturation de cette redevance.

3 - L’ARTICULATION AVEC LES AUTRES MODES DE FINANCEMENT DU SERVICE PUBLIC D’ELIMINATION DES DECHETS

L’institution de la Redevance Spéciale va dépendre du mode de financement appliqué par la collectivité en charge de l’élimination des déchets :

  • budget général : instauration de la Redevance Spéciale ;
  • Redevance d’Enlèvement des Ordures Ménagères (REOM) : l’application de cette redevance s’applique à la fois aux ménages et aux professionnels dont les déchets sont pris en charge par le service public. Les professionnels étant déjà assujettis, la mise en place de la Redevance Spéciale n’a pas lieu d’être ;
  • redevance des terrains de campings : la Redevance Spéciale l’annule et la remplace ;
  • Taxe d’Enlèvement des Ordures Ménagères (TEOM) : instauration de la Redevance Spéciale.

Le tableau ci-dessous résume l’articulation possible avec les autres modes de financement :

FINANCEMENT REDEVANCE SPECIALE
Budget général compatible
TEOM compatible
REOM incompatible
Redevance campings annule et remplace

Concernant le cas particulier de la TEOM, les collectivités ont le choix entre deux principes :

  • soit la collectivité considère que la Redevance Spéciale couvre un service spécifique et en exonère de la TEOM les redevables. La collectivité doit alors en faire la demande auprès des services fiscaux et doit délibérer, avant le 1er juillet pour l’année suivante, sur la liste des entreprises exonérées de TEOM ;
  • soit la collectivité considère que la Redevance Spéciale couvre un service supplémentaire et le redevable paye à la fois la TEOM et la Redevance Spéciale [2].

Le choix entre exonération ou non de la TEOM est propre à la collectivité. Néanmoins, il faut éviter aux usagers professionnels de payer deux fois le même service. Pour cela, une solution peut être d’intégrer la TEOM dans le calcul de la Redevance Spéciale .

4 - POUR QUELS REDEVABLES ?

La Redevance Spéciale s’applique à l’ensemble des producteurs de déchets qui ne sont pas des ménages et qui utilisent le service de collecte et de traitement des déchets de la collectivité.

La circulaire n° 249 du 10 novembre 2000 relative à la gestion d’élimination des déchets des ménages définit clairement la notion de redevable à la Redevance Spéciale :

« Le paiement de la Redevance Spéciale est demandé à toute personne physique ou morale (en dehors des ménages) indépendamment de sa situation au regard de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, dès lors qu'elle bénéficie de la collecte des déchets assimilés (une telle redevance ne peut être instituée pour la seule utilisation d'une installation de traitement par des usagers qui y apportent eux-mêmes leurs déchets).

Peuvent donc aussi être concernés par cette Redevance Spéciale :

- les locaux exonérés de plein droit du paiement de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, en application de l'article 1521-II du CGI : usines, locaux sans caractère industriel et commercial loués par l'État, les départements, les régions et les établissements publics, affectés à un service public ;
- les locaux à usage industriel ou commercial que les conseils municipaux ou des EPCI ont la faculté d'exonérer au titre de l'article 1521-III-1.
- les autres locaux normalement assujettis à la TEOM, à l'exception de ceux occupés par les ménages et pour lesquels les collectivités disposent désormais du droit par délibération motivée, de les exonérer de la TEOM en tant qu'assujettis à la Redevance Spéciale. »

Par cette précision, différents producteurs de déchets, ayant recours au service public, peuvent être concernés par la Redevance Spéciale :

  • artisans/commerçants ;
  • collectivités locales ;
  • administrations, établissements publics ;
  • associations ;
  • industriels ;
  • entreprises privées ou publiques ;
  • hôpitaux ;
  • établissements scolaires (écoles, collèges, lycées, universités) ;

Contrairement à la TEOM, la Redevance Spéciale s’applique à l’ensemble des usagers du service sans aucune exonération possible.

5 - QUELS DECHETS ?

Les déchets collectés et traités, par le service public d’élimination des déchets, auprès des producteurs doivent être assimilables aux ordures ménagères quant à leurs caractéristiques et leurs conditions de collecte et de traitement.. Il peut donc s’agir des :

- ordures ménagères résiduelles ;
- déchets d’emballages ;
- biodéchets et déchets verts ;
- déchets encombrants en porte-à-porte ou en déchèteries.

Les producteurs de ces déchets doivent également pouvoir être identifiés par la collectivité.

La collectivité reste de libre de ses choix quant à la limite du service qu’elle assure. Elle détermine donc les producteurs de déchets entrant dans le cadre de prise en charge par le service public et les conditions (types et quantités de déchets, modalités de collecte et de traitement, …).

6- LIMITES DU SERVICE PUBLIC

Les collectivités locales peuvent assurer l’élimination de déchets non ménagers dès lors que ces derniers peuvent être collectés et traités sans sujétions techniques particulières.

La notion de « Sujétions techniques particulières » n’a jamais été définie de manière législative et réglementaire et reste donc à l’appréciation des collectivités locales. Elles peuvent donc fixer librement les limites du service apporté : caractéristiques, types et quantités de déchets, modalités de collecte et de traitement, … Contrairement à ce que peuvent penser de nombreuses collectivités, la limite de prise en charge des déchets n’est pas cautionnée à 1 100 l (voir encadré ci-après)

LES 1 100 L : QU’EST CE QUE C’EST ?

Le décret n° 94-609 du 13 juillet 1994, repris dans l’article R543-67 du Code de l’Environnement, portant application de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 relatif aux déchets d'emballage dont les détenteurs ne sont pas les ménages, a apporté une certaine confusion pour la mise en place de la Redevance Spéciale. En effet, ce décret indique que les entreprises produisant plus de 1 100 l de déchets d’emballages par semaine doivent les valoriser ou les faire valoriser par réemploi, recyclage ou toute autre action permettant d’obtenir des matériaux ou de l’énergie.

Dans ce cas précis, le producteur de déchets peut alors :

- assurer lui-même la valorisation de déchets dans son installation dès lors que cette dernière soit autorisée au titre des Installations Classées Pour l’Environnement (ICPE) ;
- les céder par contrat à l’exploitant d’une installation agréée au titre des ICPE ;
- les céder par contrat à un intermédiaire assurant une activité de transport, négoce ou courtage des déchets ;
- les céder à une collectivité dès lors que cette dernière respecte les règles de la concurrence et les dispositions du décret n° 94-609 du 13 juillet 1994.

Quel que soit le volume produit, un producteur de déchets non ménagers peu les faire prendre en charge par la collectivité compétente, dès lors que celle-ci le permet, en vue de leur recyclage, valorisation et élimination. Le tableau ci-dessous résume les différentes possibilités :

VOLUMES DE
DECHETS
D’EMBALLAGES
PRESTATAIRES
DE COLLECTE
Application
du décret
N°94-609
Redevance
Spéciale
COMMENTAIRES
< 1 100 l/semaine Collectivité ou
son prestataire
NON OUI Aucune obligation
pour la collectivité au
regard du décret
> 1 100 l/semaine Collectivité ou
son prestataire
OUI OUI
dès le 1er litre
Obligation de
déclaration et de
valorisation pour
la collectivité
Quel qu’il soit Entreprise privée OUI Sans objet Obligation de
déclaration et
de valorisation
pour l’entreprise

Source : Guide ADEME – « La Redevance Spéciale pour les déchets non ménagers »

Les 1 100 l de déchets d’emballages constituent donc bien une limite réglementaire au-delà de laquelle les producteurs sont tenus de faire valoriser leurs déchets d’emballages et non une limite au-delà de laquelle la collectivité peut refuser la prise en charge de déchets.

Une collectivité peut donc prendre en charge les déchets non ménagers dès lors que leurs producteurs produisent plus de 1 100 l de déchets d’emballages par semaine. Pour cela elle doit être autorisée au titre du décret n° 94-609 du 13 juillet 1994 (déclaration auprès de la préfecture) et valoriser ou faire valoriser les déchets dans une installation spécialement agréées pour la valorisation des déchets d’emballages (centre de tri, incinérateur avec récupération d’énergie, unité de compostage, …)

7 - LES RAISONS DE LA MISE EN PLACE DE LA REDEVANCE SPECIALE

Tout d’abord, la mise en place de la Redevance Spéciale permet aux collectivités de se mettre en conformité avec la réglementation. Elle applique également le principe de transparence quant à la rémunération réelle du service.

Ensuite, l’intérêt de la mise en place de la Redevance Spéciale pour les collectivités locales est essentiellement financier :

- amélioration du financement du service public : les administrations exonérées de TEOM deviennent redevables ;
- paiement par les redevables du service rendu et non plus uniquement par la TEOM ;
- allégement potentiel de la charge fiscale des ménages.

Cette redevance incitera également à une meilleure gestion du service d’élimination des déchets, notamment au travers de l’identification des producteurs, de la nature du gisement, des quantités prises en charge et des coûts du service rendu. Elle pourrait également permettre de responsabiliser les producteurs de déchets non ménagers sur les déchets produits, leur coût, l’intérêt du tri et la nécessité de la prévention de production de déchets.

GRENELLE DE L’ENVIRONNEMENT ET REDEVANCE SPECIALE

La loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dite « Grenelle 1 » précise dans son article 46 qu’il faut :

« améliorer la gestion des déchets organiques en favorisant en priorité la gestion de proximité de ces derniers, avec le compostage domestique et de proximité, et ensuite la méthanisation et le compostage de la fraction fermentescible des déchets ménagers et plus particulièrement celle des déchets des gros producteurs collectés séparément pour assurer notamment la qualité environnementale, sanitaire et agronomique des composts et la traçabilité de leur retour au sol. »

La mise en place de la redevance spéciale peu favoriser la collecte sélective des biodéchets auprès de « gros producteurs » et pourra donc permettre de répondre aux objectifs du Grenelle de l’environnement.

La loi « Grenelle 1 » précise également qu’il faut :

« Un cadre législatif permettant l’instauration par les collectivités territoriales compétentes d’une tarification incitative pour le financement de l’élimination des déchets des ménages et assimilés. La redevance d’enlèvement des ordures ménagères et la taxe d’enlèvement des ordures ménagères devront intégrer, dans un délai de cinq ans, une part variable incitative devant prendre en compte la nature et le poids et/ou le volume et/ou le nombre d’enlèvements des déchets. »

La Redevance Spéciale permet de répondre, en parti, à cet engagement Grenelle pour les producteurs de déchets, pris en charge par le service public, qui ne sont pas des ménages. De plus, la mise en place de la Redevance Spéciale permettra de tester un système financier basé sur l’incitativité, à petite échelle, avant d’appliquer une redevance ou une taxe incitative sur les ménages.


[2] Voir V page 28 « Facturation et recouvrement »

flecheretour

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