OBSERVATOIRE DES FILIÈRES À RESPONSABILITÉ ÉLARGIE DES PRODUCTEURS EN INTERACTION AVEC LE SERVICE PUBLIC DE GESTION DES DÉCHETS

 

V.    CONCLUSION ET MISES EN PERSPECTIVE

Les filières basées sur le principe de la responsabilité élargie des producteurs constituent un volet important de la gestion des déchets. Un des signes de la réussite de la mise en place des filières REP est le déploiement de ce principe à de nouveaux produits générateurs de déchets. Il existe aujourd’hui treize organismes agréés ou non agréés qui interagissent avec le service public de gestion des déchets. Trois de plus doivent voir le jour concernant les déchets d’ameublement, les déchets diffus spécifiques et les déchets d’activités de soins à risques infectieux perforants des patients en auto-traitement, qui seront intégrés dans la prochaine analyse.

La hausse des contributions perçues sur les produits soumis à la REP témoigne du déploiement et de l’amélioration des filières. Ainsi en 2010, le montant des contributions de l’ensemble des filières REP représente environ 858 millions d’euros. Cette augmentation en amont s’est traduite en aval par une hausse des montants destinés à la gestion des déchets, représentant environ 777 millions d’euros en 2010. Les collectivités locales sont de plus en plus soutenues et, en 2010, le montant versé aux collectivités locales s’élève à 465 millions d’euros, ce qui représente 54 % du montant total des contributions.

La nouvelle commission d’harmonisation et de médiation des filières permet la concertation de l’ensemble des acteurs et également de résoudre les difficultés rencontrées au sein des filières. Cependant, le Cercle National du Recyclage regrette de ne pas y être présent pour faire remonter les difficultés et y apporter notamment sa vision sur l’harmonisation des données des éco-organismes.

En effet, au cours de cette étude, la principale difficulté a été de recouper les différentes données afin de pouvoir positionner au mieux les filières entre elles. De plus, pour une même information, les chiffres trouvés sont parfois différents d’une source à l’autre[1]. Les méthodes de déclaration et de calcul des quantités mises sur le marché, collectées et traitées peuvent être différentes d’un éco-organisme à l’autre, leur comparaison ou l’analyse globale de la filière doit se faire avec précaution et uniquement pour obtenir des tendances générales.
Concernant les données financières, les éco-organismes n’ont pas forcément les mêmes règles et comptabilisent de manière différente certains éléments. Un des problèmes rencontrés concerne le calcul du montant des frais de fonctionnement, les frais de structure, de sous-traitance n’apparaissant pas dans le compte de résultat et n’étant pas toujours détaillés par l’éco-organisme. Il n’est donc pas possible de comparer les filières entre elles sur ce point.
Les modalités de calcul, qu’elles concernent les quantités ou les éléments financiers, pourraient être harmonisées au sein de chaque filière et entre les filières afin de pouvoir tirer des conclusions plus précises. Le Cercle National du Recyclage propose à la commission d’harmonisation et de médiation des filières de travailler à l’amélioration de la perception des indicateurs cibles des filières REP. Par exemple, elle pourrait élaborer une grille unique préalablement définie que les éco-organismes rempliraient en détaillant par poste les recettes et les dépenses.

Au vu de l’ensemble des éléments étudiés dans ce document, de nombreux points sont encore à améliorer.

Amont : gouvernance, contrôle et contributions

  • A l’heure actuelle, la forme juridique des organismes est très différente. Ils se constituent en société anonyme, en société par actions simplifiées, association, ou groupement d’intérêt économique. Il est possible de s’interroger sur la pertinence de ces statuts, notamment pour les sociétés commerciales, qui sont normalement créées librement avec pour objectif de faire du bénéfice et de le partager entre actionnaires. Pour mémoire, les éco-organismes sont créés afin de répondre aux obligations réglementaires des producteurs et leur cahier des charges leur impose de ne pas poursuivre de but lucratif. Cet état de fait est en contradiction avec le principe de sociétés privées.
    De plus, une des questions restant en suspens concerne la gouvernance des éco-organismes. Ces entités dirigées par les producteurs viennent en appui au service public de gestion des déchets qui reste une mission d’intérêt général. Toutefois, il semble évident que la défense de l’intérêt général n’est pas la première des préoccupations des producteurs. Les éco-organismes n’admettent pas d’autres collèges que ceux des producteurs au sein de leur conseil d’administration, ne pouvant décider qu’en fonction d’une vision partielle de la filière. Même si les pouvoirs publics définissent le cahier des charges, et qu’une commission regroupant l’ensemble des acteurs assure le suivi de la filière, ils n’ont pas beaucoup de poids face aux décisions prises par l’éco-organisme.
    Le Cercle National du Recyclage propose de créer un nouveau statut spécifique aux éco-organismes, avec comme base les éléments de réflexion suivants :

-    l’exonération de l’impôt sur les sociétés pour le montant des contributions perçues ;
-    l’exonération de l’impôt sur les provisions pour charge ;
-    la non-réaffectation des bénéfices aux actionnaires ;
-    la constitution d’un conseil d’administration partenarial équitable composé à minima d’un représentant des pouvoirs publics, d’un membre du collège collectivités locales et d’un membre du collège consommation afin d’équilibrer les prises de décisions ;
-    la reconnaissance de la mission d’intérêt général ;
-    l’absence de jeton de présence…

  • Le Cercle National du Recyclage souhaite également soulever la question de la TVA à laquelle sont soumises les contributions payées par le consommateur. Cette taxe prélevée sur l’ensemble des contributions représente en 2010 plus de 168 millions d’euros, soit 2,6 €/hab. Cet assujettissement à la TVA de 19,6 % a donc un impact conséquent sur le consommateur. Afin de limiter la baisse potentielle du pouvoir d’achat des français et de diminuer l’inflation due au dispositif de REP, le Cercle National du Recyclage propose l’exonération de la TVA sur les contributions perçues.
  • Suite à la découverte des placements financiers hasardeux d’Eco-Emballages, l’Etat a décidé de renforcer le contrôle des éco-organismes. Désormais un censeur d’Etat est présent aux réunions du conseil d'administration de l’éco-organisme agréé et peut demander communication de tout document lié à la gestion financière de l'éco-organisme.
  • Même si le contrôle des éco-organismes s’est accentué avec la présence du censeur d’Etat, ses capacités d’intervention restent limitées, et les sanctions encourues en cas d’inobservation du cahier des charges sont insignifiantes. En effet, cette amende est au maximum égale à 30 000 € ce qui représente moins de 1 % du montant total des contributions perçues par chaque éco-organisme et semble donc peu dissuasive.
  • Le contrôle de l’Etat a été renforcé sur les éco-organismes bénéficiant d’un agrément. Cependant concernant les organismes non agréés, aucun contrôle spécifique n’existe. Aucun censeur d’Etat ne participe au conseil d’administration et l’organisme ne possède aucune obligation quant à la diffusion des éléments comptables, les pouvoirs publics n’ont connaissance que partiellement du montant des contributions qu’ils perçoivent. Ces organismes devraient soit être agréés par les pouvoirs publics, soit être soumis aux mêmes règles que les éco-organismes en ce qui concerne le volet financier.
  • Il est également primordial d’améliorer le contrôle des déclarations des producteurs. En effet, pour certaines filières, ils existent encore un décalage entre les quantités mises sur le marché et les quantités contribuant à un éco-organisme, cela pour deux raisons.

-    D’une part, un nombre certain de producteurs ne respectent pas leurs obligations réglementaires, en n’adhérant ni à un éco-organisme ni à un système individuel. Ceci pose des difficultés aux éco-organismes qui paient le traitement des déchets pour lesquels aucun producteur n’a contribué (exemple des pneus), aux collectivités locales qui disposent de soutiens financiers inférieurs aux quantités réellement collectées, et met en danger l’équilibre financier de la filière.
-    D’autre part, aucune disposition ne permet de certifier que tous les producteurs contribuent de manière réelle par rapport à leur mise sur le marché. Rien n’atteste qu’il n’y a pas de décalage entre les quantités déclarées aux éco-organismes et les quantités réellement mises en marché. Pour certaines filières, les producteurs estiment eux-mêmes la proportion destinée aux ménages et celle destinée aux professionnels, une libre appréciation qui peut être à l’origine de dérives. Il est nécessaire de vérifier les déclarations par des contrôles poussés des mises sur le marché.

  • Pour toutes ces raisons, le Cercle National du Recyclage réclame donc un dispositif de contrôle et de suivi plus conséquent et élargi. Par exemple, un organisme indépendant de contrôle et de régulation de l’ensemble des filières REP pourrait être créé. Il pourrait avoir en charge le contrôle et le suivi :

-    des éco-organismes et de l’application du cahier des charges,
-    des déclarations des producteurs,
-    de l’application du barème aval,
-    de l’application du barème amont,
-    des conventions entre les éco-organismes et les collectivités locales, les distributeurs,
-    des contrats passés entre éco-organismes et prestataires, des filières de traitement,
-    des éléments financiers des éco-organismes,
-    …

  • L’un des objectifs visé par la mise en place d’une filière REP est l’éco-conception. Afin d’atteindre cet objectif, l’article L.541-10 du code de l’environnement précise que les contributions financières des producteurs aux éco-organismes doivent être « modulées en fonction de la prise en compte, lors de la conception du produit, de son impact sur l'environnement en fin de vie, et notamment de sa valorisation matière ». Cette réglementation devrait à l’avenir inciter plus les industriels à entreprendre cette démarche d’éco-conception, qui n’est à l’heure actuelle que trop peu développée. Pour les filières « Emballages » et « D3E », la mise en place du barème éco-modulé et ses résultats devront être suivis dans la prochaine analyse.
  • Afin d’optimiser le fonctionnement de certaines filières, il serait opportun voire déterminant d’élargir leur périmètre de contribution. Ainsi, le Cercle National du Recyclage souhaite :

-    pour la filière « Papiers », l’élargissement du périmètre de contribution aux publications de presse et magazines payants, car ils représentent une part importante des papiers collectés et recyclés par les collectivités locales et leurs opérateurs, sans qu’elles ne bénéficient de soutien pour la prise en charge de ces déchets ;
-    pour la filière « Textiles », l’intégration le plus rapidement possible des déchets textiles d’ameublement, dont les modalités de traitement sont proches (pour mémoire, ils étaient inclus dans le périmètre de contribution de la filière « Mobilier ») ;
-    concernant la filière des « MNU », étant donné leur similarité, l’intégration à la filière existante des médicaments à usage vétérinaire et destinés aux animaux de compagnie non utilisés.

Aval : soutiens et gestion opérationnelle des déchets

  • Toutes les filières REP existantes à l’heure actuelle sont partielles, soit seule une partie de la totalité des coûts est pris en charge, soit l’ensemble des coûts sont pris en charge mais seulement sur une partie du gisement. Le Cercle National du Recyclage  souhaite qu’à l’avenir une réflexion soit menée sur la mise en place de REP dites intégrales ou abouties, c’est-à-dire que la responsabilité matérielle ou financière des producteurs soit totale. Les producteurs prendraient alors réellement conscience de l’impact de leur produit en fin de vie si la contribution couvrait entièrement le coût global de gestion des déchets. De plus, cela permettrait aux collectivités locales de se décharger du financement de ce type de déchets. Il est même possible d’imaginer d’aller plus loin en imposant aux producteurs de prendre en charge les coûts externes liés aux impacts environnementaux de leurs produits usagés.
  • Le Cercle National du Recyclage réclame une meilleure prise en charge des coûts supportés par les collectivités locales par les éco-organismes. Les producteurs doivent payer pour l’ensemble des déchets issus de leurs produits quelque soit leur mode d’élimination qu’ils soient valorisés ou enfouis en vertu du principe de REP.
  • Le taux de collecte de 20 % pour la filière « Textiles », le « taux de collecte directive » de 34 % pour les « Piles » et le taux de collecte de 29 % pour les « D3E » restent encore faibles, les éco-organismes devront multiplier les actions mises en œuvre pour l’accroître et parvenir aux objectifs fixés. Pour les « D3E », des efforts supplémentaires sont nécessaires puisqu’il s’agit notamment de faire participer au geste de tri les personnes qui n’y adhérent pas ou qui ne disposent pas des moyens techniques nécessaires (place de stockage en habitat vertical, véhicule pour aller en déchèterie…). 
  • Pour les « MNU », Cyclamed doit développer son réseau de collecte, informer les usagers que tous les pharmaciens sont tenus d’accepter leurs MNU et contrôler l’application de cette obligation faite aux officines. Les pharmaciens doivent présenter des conditions de reprise simples et claires afin de faciliter le tri pour les particuliers. De plus, Cyclamed devra veiller à la cohérence des consignes de tri avec celles relatives aux DASRI perforants des patients en auto-traitement. Il serait dommage que Cyclamed donne la consigne de ne pas ramener les boîtes jaunes dans les officines, alors que certaines d’entre elles les collectent.
  • Pour les « D3E » et les « Piles », les éco-organismes et l’ADEME devraient mener une étude afin de déterminer le gisement potentiellement captable. Il s’agit d’évaluer la part de ces déchets présents dans les ordures ménagères et celle stockée en tant que déchet chez les habitants afin de connaître la quantité de déchets mobilisable rapidement et la quantité maximale à récupérer.
  • Pour les filières « Piles », « MNU », « Papiers » et « Textiles », les dépenses destinées à la communication sont faibles voire insuffisantes, aux alentours d’un centime d’euro par habitant, alors que les quantités collectées ne correspondent pas à celles escomptées. Dans le cadre de l’engagement du grenelle visant à harmoniser au niveau national la signalétique et les consignes de tri, l’ADEME doit lancer une grande campagne nationale de communication en 2014, afin d’améliorer la connaissance et la compréhension des consignes de tri par le grand public. Cependant, en attendant, les filières doivent accentuer la communication, car il s’agit d’un outil indispensable pour faire connaître le dispositif, sensibiliser le grand public afin d’améliorer la collecte. Les éco-organismes doivent faire des efforts pour que le message délivré à la population soit clair, transparent et adapté à l’ensemble des situations locales. Une coordination des moyens des éco-organismes permettrait de favoriser et de faciliter la réalisation d’outils et de campagnes de communication.
  • Pour les « D3E » et les « Pneus », quelques collectivités locales font remonter des problèmes liés aux délais d’enlèvement. Pour les « D3E », les collectivités locales et les éco-organismes doivent renforcer leurs relations afin de les régler. Pour les « Pneus », ces difficultés sont dues à l’atteinte des quotas d’Aliapur et de FRP, d’où la nécessité de résoudre la question des producteurs qui ne répondent pas à leur obligation de contribution. Une solution consiste à changer les règles en imposant la reprise gratuite des pneus chez les distributeurs. Ainsi les collectivités locales pourraient ne plus avoir à collecter ce gisement, et pourraient bénéficier de place supplémentaire pour l’arrivée des nouvelles filières REP.
  • En 2010, trois éco-organismes, Eco-systèmes, Récylum et Screlec, ne répondent pas à leur cahier des charges, le montant total de leurs provisions pour charges cumulées à l’issue de l’année 2010 excédant le montant global des contributions perçues au titre de la même année. Dans ce cas, il est prévu que l’éco-organisme adapte le niveau des contributions qu’il perçoit, ainsi certains ont réduit le montant des contributions unitaires. Cependant, pour ces filières, les quantités collectées sont encore trop faibles, cet excédent devrait donc être utilisé pour améliorer les performances de collecte.
  • Concernant la filière « Emballages », le Cercle National du Recyclage réclame que la prise en charge par les producteurs de 80 % des coûts net de référence d’un service de collecte et de tri optimisé soit conforme aux réalités des coûts supportés par les collectivités. Ces coûts doivent notamment intégrer :

-    la TVA, les collectivités locales s’en acquittant ;
-    une différenciation des coûts entre les déchets d’emballages et les papiers graphiques,
-    les souillures, les collectivités locales collectant des déchets d’emballages et non des emballages.

Le Cercle National du Recyclage demande que les sociétés agréées prennent en charge 80 % des coûts des déchets d’emballages ménagers et que les prix de reprises prennent en charge les 20 % restant pour ainsi aboutir à une application complète du principe de responsabilité élargie des producteurs.

  • Les collectivités locales souhaitent que l’expérimentation en cours sur l’élargissement des consignes de tri à tous les déchets d’emballages plastiques soit une réussite pour l’étendre à l’ensemble du territoire, ce qui permettra d’atteindre l’objectif de recyclage de 75 % des déchets d’emballages ménagers en 2012 fixé par le grenelle et de faire émerger de nouvelles technologies de recyclage permettant l’économie de matières premières.
  • En ce qui concerne la filière « Papiers », le Cercle National du Recyclage réclame une augmentation de la prise en charge des coûts supportés par les collectivités locales pour atteindre 50 % à la fin du prochain agrément.
    De plus, il demande la mise en place d’un indicateur sur le recyclage propre au champ et au périmètre de la filière, et ainsi définir le taux de recyclage comme le rapport des quantités soutenues au titre du recyclage sur les quantités contribuantes.
  • Pour la filière « Textile », le Cercle National du Recyclage réclame la prise en charge des TLC non collectés sélectivement, dont l’élimination à un coût, qui est aujourd’hui entièrement supporté par les collectivités locales. Eco-TLC doit également augmenter les soutiens destinés aux opérateurs de tri en utilisant les montants provisionnés.
  • Concernant la filière « Pneus », le Cercle National du Recyclage demande une indemnisation des coûts de collecte supportés par les collectivités locales, au même titre que les autres filières.
    De plus, les pouvoirs publics doivent s’assurer que les nouveaux déclarants et les constructeurs automobiles mettent en place un dispositif de collecte et de traitement de leurs pneus usagés. Le Cercle National du Recyclage réclame un réel suivi sur les déchets pneumatiques partant à l’étranger avec plus de traçabilité et des indicateurs précis sur la répartition géographique des exportations. L’agrément prévu par les pouvoirs publics permettra d’améliorer la transparence, notamment au niveau financier. Dans le futur cahier des charges, le Cercle National du Recyclage demande à intégrer une obligation de contribution pour les trois années précédant la date de première déclaration pour les nouveaux contributeurs qui n’ont pas participé au dispositif.

Pour améliorer le principe de responsabilité élargie des producteurs, les règles doivent encore être clarifiées et il est nécessaire que la totalité des filières REP soit positionnée dans un ensemble cohérent.


[1] Les données utilisées sont issues des rapports d’activités, des rapports annuels, des comptes de résultats et de rapports de l’ADEME.

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