OBSERVATOIRE DES FILIÈRES À RESPONSABILITÉ ÉLARGIE DES PRODUCTEURS EN INTERACTION AVEC LE SERVICE PUBLIC DE GESTION DES DÉCHETS

 

II.    LA REP : DEFINITIONS ET APPLICATIONS

1. La naissance de la REP

1.1.    Principe de la REP

D’après le document « Responsabilité élargie du producteur – Manuel à l’intention des pouvoirs publics. » de l’OCDE, la REP est « un instrument de politique de l’environnement qui étend les obligations du producteur à l’égard d’un produit jusqu’au stade de son cycle de vie situé en aval de la consommation. La REP présente deux caractéristiques interdépendantes :

  • (1) le transfert en amont de la responsabilité (matérielle et/ou économique ; totale ou partielle), des communes vers les producteurs ;
  • Et (2) la création d’incitations en faveur de la prise en compte des aspects environnementaux par les producteurs dans le cadre de la conception des produits.

En rendant le producteur responsable de la phase du cycle de vie située en aval de la consommation, on lui envoie implicitement un signal pour qu’il diminue les incidences environnementales correspondantes en modifiant la conception de ses produits. Les producteurs acceptent cette responsabilité lorsqu’ils conçoivent leurs produits de façon à réduire au minimum les impacts durant le cycle de vie et lorsqu’ils assument la responsabilité matérielle et/ou économique des incidences qui ne peuvent pas être éliminées par la conception.

Dans le cadre de la REP, le premier type de responsabilité est la responsabilité matérielle. Elle renvoie à l’obligation directe ou indirecte de gérer physiquement les produits à la fin de leur vie utile (en aval de la consommation). Le deuxième type est la responsabilité financière. Elle recouvre l’obligation pour le producteur de payer tout ou partie du coût de la gestion des déchets issus du produit à la fin de sa vie utile, cette gestion comprenant notamment la collecte, le tri et le traitement.

Le transfert au producteur de la responsabilité matérielle et/ou financière de la gestion des déchets assumée jusque-là par les collectivités locales et l’ensemble des contribuables est une fonction essentielle de la REP. Il permet d’intégrer au coût du produit les coûts de protection de l’environnement qui sont liés à son traitement et à son élimination, ce qui crée des conditions propices à l’émergence d’un marché qui reflète réellement les répercussions environnementales du produit et sur lesquels les consommateurs peuvent faire leurs choix en conséquence.»

Le principe de la REP implique que : « les producteurs sont largement responsables (matériellement et/ou financièrement) des incidences de leurs produits sur l’environnement non seulement en aval, du fait du traitement et/ou de l’élimination de ces produits, mais aussi en amont, du fait des activités inhérentes aux processus de sélection des matériaux et de conception des produits. ». Il intègre le principe d’internalisation des coûts externes.

Les quatre objectifs principaux de l’instauration d’une filière REP sont :

  • la réduction à la source,
  • la prévention de la production de déchets,
  • la conception de produits plus respectueux de l’environnement,
  • la création de circuits fermés d’utilisation des matériaux pour favoriser le développement durable.

En fonction de la filière instaurée et le contexte national, différents objectifs supplémentaires peuvent émerger, par exemple :

  • diminuer l’utilisation des ressources naturelles,
  • réduire l’utilisation de substances toxiques,
  • augmenter le recyclage et la valorisation,
  • réduire le coût de gestion des déchets qui sont à la charge des communes,

Plus la REP est aboutie, plus son impact, notamment sur l’éco-conception, sera important. Le Cercle National du Recyclage réclame la prise en charge totale par le producteur des coûts de la gestion des déchets issus de ses produits en fin de vie.

Pour s’assurer de la pertinence de la création d’une filière, plusieurs critères sont pris en compte : le type de produit concerné, sa durée de vie, sa composition, son marché, ses modes de distribution, les marchés de ses matières de récupération, sa quantité, le critère d’homogénéité au sein de la catégorie du produit…Des filières REP sont envisageables pour les produits usagés susceptibles d’induire des effets indésirables sur l’environnement (durée de vie longue, composition nocive pour l’environnement, quantité importante…). Les REP existantes concernent donc ces types de produits, qui en mélange posent des difficultés pour le recyclage et la valorisation et qui nécessitent une gestion adaptée :

  • soit en raison de leur quantité (emballages),
  • soit du fait de leur dangerosité au vu de la composition (piles et accumulateurs),
  • soit du fait du coût de leur valorisation (pneumatiques),
  • soit parce qu’ils représentent un risque sanitaire (DASRI).

Cette responsabilité concerne les producteurs ou « metteurs sur le marché », c’est-à-dire les fabricants qui distribuent en France, importateurs depuis l’Union européenne ou en dehors, ou distributeurs pour leur marque propre. Ils doivent s’assurer de l’élimination de leur produit usagé vers des installations de traitement appropriées.
En France, le principe de REP se traduit concrètement par un partage des responsabilités financières et/ou organisationnelles.

Les collectivités locales ont un rôle capital dans le bon fonctionnement des REP, l’élimination des déchets ménagers relevant de leur compétence. En fonction des filières, soit elles assurent la collecte, le tri ou le regroupement des déchets, soit elles veillent à l’orientation des déchets vers la bonne filière. La communication de proximité des collectivités locales joue également un rôle déterminant dans l’adhésion des usagers au dispositif. Selon les filières, leurs responsabilités et leurs missions sont différentes, mais il est indispensable que les relations entre les collectivités locales et les éco-organismes soient définies avec précision pour permettre une bonne coordination de la REP.

Les pouvoirs publics établissent le cadre juridique de la REP (agréments, objectifs…), s’assurent du suivi de la mise en œuvre du dispositif et contrôlent les actions des éco-organismes.

D’autres acteurs jouent un rôle important dans le fonctionnement des REP, tels que :

  • les détenteurs de déchets, qui doivent remettre leurs déchets au niveau des systèmes de collecte dédiés à chaque filière ;
  • les consommateurs doivent être informés de la démarche pour adhérer au dispositif ;
  • les distributeurs doivent communiquer sur les conditions de gestion des produits usagés ;
  • les prestataires doivent respecter la réglementation pour l’élimination des déchets, leurs missions peuvent être précisées dans les contrats qu’elles passent avec les producteurs.

Le Cercle National du Recyclage regrette aujourd’hui que seul le transfert partiel ne soit mis en œuvre par les pouvoirs publics, et regrette aussi la lecture trop restrictive de ce principe en ne faisant prendre en charge par le producteur qu’une partie de la gestion des déchets alors que d’autres coûts pourraient être intégrés.

1.2.    Cadre réglementaire

La directive « Emballages » de 1994 a conduit à la première mise en œuvre du principe de REP par les pays de l’Union européenne. La volonté a été ensuite d’étendre ce mode de gestion à d’autres produits notamment à travers la directive cadre déchets 2008/98/CE du 19 novembre 2008 et son article 8 « Régime de responsabilité élargie des producteurs ».
Cet article prévoit, en vue de renforcer le réemploi, la prévention, le recyclage et les autres modes de valorisation des déchets, que les Etats membres puissent prendre des mesures législatives pour que le producteur du produit soit soumis au régime de REP.
Il précise que l’application de ce régime doit se faire en tenant compte « de la faisabilité technique et de la viabilité économique, ainsi que des incidences globales sur l’environnement et la santé humaine, et des incidences sociales, tout en respectant la nécessité d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur ».
Cette directive a été transposée en droit français par l’ordonnance n°2010-1579 du 17 décembre 2010 codifiée au code de l’environnement.

L’article L.541-10 du code de l’environnement précise les obligations des producteurs dans le cadre d’une filière REP.
Cet article rappelle qu’« En application du principe de responsabilité élargie du producteur, il peut être fait obligation aux producteurs, importateurs et distributeurs de ces produits ou des éléments et matériaux entrant dans leur fabrication de pourvoir ou de contribuer à la gestion des déchets qui en proviennent. ».

Les producteurs, importateurs et distributeurs, s’acquittent de leur obligation en mettant en place :

  • des systèmes individuels de collecte et de traitement des déchets issus de leurs produits ;
  • ou collectivement des éco-organismes, organismes auxquels ils versent une contribution financière et transfèrent leur obligation et dont ils assurent la gouvernance.

« Les systèmes individuels qui sont approuvés par l'Etat le sont pour une durée maximale de six ans renouvelable, si les producteurs, importateurs ou distributeurs qui les mettent en place établissent qu'ils disposent des capacités techniques et financières pour répondre aux exigences d'un cahier des charges, fixé par arrêté interministériel. »

« Les éco-organismes qui sont agréés par l'Etat le sont pour une durée maximale de six ans renouvelable s'ils établissent qu'ils disposent des capacités techniques et financières pour répondre aux exigences d'un cahier des charges, fixé par arrêté interministériel.
Les cahiers des charges des éco-organismes prévoient notamment :

  • les missions de ces organismes ;
  • que les contributions perçues par ceux-ci et les produits financiers qu'elles génèrent sont utilisés dans leur intégralité pour ces missions ;
  • que les éco-organismes ne poursuivent pas de but lucratif pour ces missions. »

Les éco-organismes agréés sont soumis au censeur d'Etat. Les missions et modalités de désignation de ce censeur d'Etat sont fixées par décret.
Les contributions versées aux éco-organismes sont modulées en fonction de la prise en compte, lors de la conception, de l’impact du produit sur l’environnement en fin de vie et sa valorisation potentielle.

L‘article L.541-10 précise également les sanctions encourues en cas de non respect par le producteur de cette obligation (voir partie 2.4. Régulation, contrôle et suivi).

1.3.    Mise en œuvre des filières

Dans la majorité des cas et concernant les filières étudiées dans ce dossier, la mise en place de la filière REP résulte d’obligations réglementaires. Mais il existe des producteurs qui s’engagent dans des démarches volontaires (comme pour les produits phytosanitaires).
Les filières imposées réglementairement résultent :

  • d’une directive européenne qui oblige les Etats membres à mettre en place une filière REP pour tel type de produit (par exemple les D3E),
  • d’une directive européenne ou d’un règlement communautaire qui n’ordonne pas nécessairement la mise en place d’une REP mais dont la réponse réglementaire française va être la création d’une filière REP (par exemple les emballages ménagers),
  • d’une réglementation nationale qui prescrit la mise en place d’une filière pour une certaine catégorie de produit (par exemple les papiers graphiques).

Pour les filières mises en œuvre en France, contrairement à l’esprit de la REP, la prise en charge des coûts est toujours partielle :

  • soit la filière ne prend en charge qu’une partie de la totalité des coûts,
  • soit la totalité des coûts est prise en charge mais seulement pour une partie du gisement.

Comme la réglementation le précise les producteurs peuvent répondre à leur obligation individuellement ou collectivement. Lors de l’application de la mise en œuvre des filières REP, trois types d’organisation sont apparus. Leur principale différence concerne le transfert ou non de la responsabilité matérielle et/ou financière du producteur :

  • l’organisation « individuelle » : le producteur assume lui-même la collecte et le traitement des produits usagés qu’il a mis sur le marché ;
  • l’organisation « mutualisée » : les producteurs se regroupent au sein d’une même entité pour mutualiser les coûts de collecte et de traitement. L’entité agit comme un mandataire pour le producteur, elle assure l’organisation, la collecte et le traitement des produits usagés. Dans ce cas, la responsabilité n’est pas transférée à l’entité, chaque producteur reste responsable individuellement. L’entité peut être conventionnée par les pouvoirs publics. En France, seul FRP est en organisation mutualisée ;
  • l’organisation « collective » : le producteur transfère sa responsabilité à un éco-organisme auquel il adhère. En contrepartie, le producteur verse une contribution financière à l’éco-organisme qui assure l’organisation afin de répondre aux obligations réglementaires des producteurs. L’éco-organisme regroupe plusieurs producteurs.

Tableau présentant les filières REP étudiées

Filière imposée Date de mise en route (date du 1er décret) Produits concernés Réglementation en vigueur Organismes responsables
Organismes financeurs     
Emballages ménagers en réponse à une directive ou un règlement communautaire n'impliquant pas la REP avril 1992
(date d'application janvier 1993)
Emballages ménagers Directive 94/62/CE modifiée
Décret n° 92-377 du 1er avril 1992 Articles R.543-53 à R.543-65 du Code de l’environnement
Loi 2009-967 - Grenelle I - Article n° 46
2 éco-organismes :
Eco-Emballages (SA)
et Adelphe (SA)
Papiers graphiques par une réglementation nationale mars 2006
(date d'application janvier 2006)
Imprimés papier ménagers et assimilés et papiers destinés à être imprimés Décret n° 2010-945 du 24 août 2010
Article L.541-10-1 du Code de l’environnement
Articles D.543-207 à D.543-212 du Code de l’environnement
1 éco-organisme :
Ecofolio (SAS)
Textiles, linge de maison, chaussures par une réglementation nationale juin 2008
(date d'application janvier 2007)
Textiles d’habillement, linge de maison et chaussures des ménages Décret n°2008-602 du 25 juin 2008
Article L.541-10-3 du Code de l’environnement
Articles R.543-214 à R.543-224 du Code de l’environnement
1 éco-organisme :
Eco-TLC (SAS)
Organismes organisationnels et mixtes     
Equipements électriques et électroniques par une directive européenne juillet 2005
(date d'application août 2005)
Équipements électriques et électroniques ménagers Directive 2002/96/CE
Article L.541-10-2 du Code de l'environnement
Décret n° 2005-829 du 20 juillet 2005
Articles R.543-172 à R.543-206 du Code de l'environnement
4 éco-organismes :
Eco-systèmes (SAS),
Ecologic (SAS), ERP (SAS), Récylum (SAS)
1 éco-organisme coordonnateur :
OCAD3E (SAS)
Pneumatiques par une réglementation nationale décembre 2002
(date d'application janvier 2004)
Pneumatiques ménagers et professionnels (voitures, poids lourds, motos, engins de travaux publics, tracteurs, avions…) exceptés ceux équipant des cycles et cyclomoteurs Directive 99/31/CE
Décret n° 2002-1563 du 24 décembre 2002
Articles R.543-137 à R.543-152 du Code de l'environnement
2 organisations mutalisées sans agrément :
Aliapur (SA)
et Gie FRP
Piles et accumulateurs portables par une directive européenne mai 1999
(date d'application janvier 2000)
Tous les types de piles et accumulateurs (portables, automobiles et industriels), quels que soient leurs formes, leurs volumes, leurs poids, leurs matériaux constitutifs ou leurs utilisations Directive 2006/66/CE
Décret n° 2009-1139 du 22 septembre 2009
Articles R.543-124 à R.543-136 du Code de l’environnement
2 éco-organismes : Corepile (SA)
et SCRELEC (SA)
Médicaments non utilisés en réponse à une directive ou un règlement communautaire n'impliquant pas la REP juin 2009
(date d'application octobre 2009)
Médicaments non utilisés (MNU) à usage humain des particuliers Directive 2004/27/CE
Article L.4211-2 du Code de la santé publique
Décret n° 2009-718 du 17 juin 2009
Article R.4211-28 du Code de la santé publique
1 éco-organisme : Cyclamed (association)

2. Fonctionnement des éco-organismes

2.1.    Généralités

Les éco-organismes sont des structures de droit privé. Leur forme juridique peut être très différente d’un éco-organisme à un autre : société anonyme (SA), société par action simplifiée (SAS), association, groupement d’intérêt économique (GIE). La gouvernance des éco-organismes est donc assurée par les producteurs, les actionnaires ou les adhérents.

Dans le cas de filières imposées réglementairement, les éco-organismes sont agréés par les pouvoirs publics s’ils respectent le cahier des charges. Celui-ci fixe l’ensemble des obligations qui incombent aux éco-organismes en matière de moyens, de résultats, de partenariats avec les autres acteurs pour assurer l’obligation de prise en charge des produits usagés de leurs producteurs.

Ce cahier des charges précise également que ces éco-organismes ne doivent pas poursuivre de but lucratif pour assurer cette responsabilité des producteurs. Une contradiction apparaît donc entre la forme juridique de certains éco-organismes, société commerciale, et la nécessité d’absence de redistributions des bénéfices citée par le cahier des charges. Ne serait-il pas nécessaire d’imposer aux éco-organismes un statut juridique particulier voire d’en créer un en concertation avec l’ensemble des acteurs ?

Chaque filière nécessite l’instauration de partenariats et d’une concertation entre les différents acteurs intervenant tout le long du cycle de vie du produit.

En général, les collectivités locales qui le souhaitent peuvent signer un contrat ou une convention avec l’éco-organisme. Elles s’engagent alors à collecter, trier et/ou regrouper les produits usagés suivant des prescriptions techniques définies et à instaurer une communication auprès de leurs habitants. En contrepartie, elles reçoivent généralement un soutien financier pour la collecte, le traitement et la communication. L’éco-organisme garantit la reprise des produits usagés quelles que soient les conditions du marché.

Les éco-organismes signent également des contrats avec des prestataires pour le traitement des déchets ou avec des repreneurs des matériaux.

Afin d’améliorer la conception des produits et le recyclage des déchets, l’éco-organisme peut financer des programmes de recherche et de développement. Pour certains éco-organismes, le cahier des charges leur impose de consacrer un pourcentage minimum du montant total des contributions à des projets de recherche et de développement.

Les éco-organismes peuvent être de deux types en fonction de leur responsabilité : essentiellement financière ou organisationnelle et financière.

2.2.    Eco-organisme à responsabilité essentiellement financière

Dans le cas d’un éco-organisme dit « financeur », la responsabilité du producteur est essentiellement financière. Une partie des contributions perçues par l’éco-organisme auprès des producteurs est alors reversée à certains acteurs qui assurent la collecte et/ou le tri des déchets tels que les collectivités locales. L’éco-organisme ne passe donc pas d’appel d’offre pour qu’un prestataire assure la collecte et le traitement. Dans ce cas la responsabilité juridique du déchet est à la charge des collectivités locales, et non de l’éco-organisme.

Schéma de fonctionnement d’un éco-organisme essentiellement financeur

schem1

2.3.    Eco-organisme à responsabilité organisationnelle et financière

Lorsqu’un éco-organisme est de type « organisateur », la responsabilité assumée par le producteur est organisationnelle, c’est-à-dire que l’éco-organisme prend en charge la collecte et le traitement. Dans ce cas, il sélectionne ses prestataires sur appel d’offres. L’éco-organisme en tant que donneur d’ordre possède la responsabilité juridique du déchet, une fois qu’il est pris en charge et a quitté l’enceinte de la collectivité locale.

Dans certains cas, l’éco-organisme organisateur est également financeur, il peut soutenir certains acteurs pour la collecte et prendre en charge lui-même le traitement. C’est le cas, par exemple, de la filière des déchets d’équipements électriques et électroniques (D3E), où l’éco-organisme soutient la collecte réalisée par les collectivités locales et les distributeurs.

Schéma de fonctionnement d’un éco-organisme organisateur et financeur

schem2 

2.4.    Régulation, contrôle et suivi

Les filières sont mises en œuvre par les pouvoirs publics qui assurent ensuite, leur suivi et leur contrôle. Pour y parvenir, les pouvoirs publics fixent des règles de fonctionnement et des objectifs, et jouent le rôle d’arbitre entre les différents acteurs.
Le rôle des pouvoirs publics est notamment de :

  • définir le cahier des charges des éco-organismes dans le cadre de leur agrément,
  • valider les bases du barème amont relatif à l’éco-contribution des producteurs,
  • valider le barème aval relatif notamment au soutien financier versé aux collectivités locales,
  • répartir les objectifs entre éco-organismes s’il y en a plusieurs,
  • déterminer les règles de mise en œuvre des garanties financières,
  • approuver les contrats types.

Dans le cadre d’une nouvelle réglementation instaurant une filière REP, un décret de mise en œuvre est publié. Plusieurs phases permettent ensuite l’agrément de l’éco-organisme nécessaire au lancement de la filière.

Schéma de la procédure d’agrément

 schem3
Auparavant le cahier des charges était publié en même temps que l’arrêté d’agrément.

Tableau présentant les objectifs nationaux fixés aux éco-organismes

   Objectifs fixés
de collecte de recyclage et valorisation
Emballages ménagers Absence d'objectif L’éco-organisme participe à l’atteinte de l’objectif national de recyclage matière et organique de 75% en 2012 (cahier des charges)
Papiers graphiques Absence d'objectif Absence d'objectif
Textiles, linge de maison, chaussures L’éco-organisme travaillera à l’atteinte de l’objectif suivant : Quantités de déchets textiles triés = 50% du tonnage de produits mis sur le marché par ses contributeurs (cahier des charges) L’éco-organisme travaillera à l’atteinte de l’objectif : Quantités de déchets textiles triés faisant l’objet de recyclage, de valorisation matière ou de réemploi effectifs = au minimum 70% des quantités de déchets textiles triés (cahier des charges)
Pneumatiques Objectif implicite de collecte 100% Objectif implicite de valorisation 100%
Equipements électriques et électroniques L’éco-organisme doit contribuer à l’atteinte de l’objectif national de collecte sélective des D3E ménagers : 6 kg/hab/an en 2010 et + 1 kg/hab/an jusqu'en 2014 (cahier des charges) L’éco-organisme s’engage à ce que les D3E ménagers qu’il prend en charge soient traités en respectant chaque année, en fonction de la catégorie, un taux minimum de recyclage de 50%, 65% ou 75% et un taux minimum de valorisation entre 70%, 75% ou 80% en poids moyen par appareil (cahier des charges)
Médicaments non utilisés L’éco-organisme a annoncé dans sa demande d’agrément un objectif de progression de la collecte de 2% par an à partir du 25 janvier 2010 Absence d'objectif
Piles et accumulateurs portables L’éco-organismes doit contribuer à l’atteinte de l’objectif national de collecte sélective des piles et accumulateurs portables usagers de 33% en 2010 et de +2% par an jusqu’en 2015 (cahier des charges) L’éco-organisme s’engage à ce que les piles et accumulateurs portables usagés qu’il prend en charge soient traités en respectant chaque année un rendement minimal de recyclage de 50%, 65% ou 75% du poids moyen des piles et accumulateurs en fonction de leur catégorie (cahier des charges)

Les termes « participer à l’atteinte », « contribuer à l’atteinte » et « travailler à l’atteinte » ne permettent pas de sanctionner les éco-organismes pour non respect de leur cahier des charges s’ils n’ont pas atteint ces objectifs de collecte, de recyclage ou de valorisation.
Le Cercle National du Recyclage souhaite que l’atteinte de ces objectifs soit une obligation réglementaire assignée aux éco-organismes.

Les pouvoirs publics transfèrent à l’ADEME le rôle d’observateur des différentes filières. L’observatoire comprend les données des producteurs, des distributeurs et des opérateurs relatives à la mise sur le marché, la collecte et le traitement. Le rapport de cet observatoire est publié annuellement. L’ADEME conduit également des audits de mise en œuvre des agréments des éco-organismes.

Pour la majorité des filières, le suivi est également assuré par une commission. Elle est composée des différents acteurs intervenant dans la filière de REP :

-    des représentants des ministères concernés,
-    de l’ADEME,
-    des producteurs (metteurs sur le marché et distributeurs),
-    des collectivités territoriales (AMF, Cercle National du Recyclage, AMORCE),
-    des associations de consommateurs,
-    des associations de protection de l’environnement,
-    des opérateurs privés de la gestion des déchets.

Cette commission peut être dite « d’agrément ».
Ce suivi permet de vérifier l’atteinte des objectifs fixés par la réglementation européenne et ceux fixés aux éco-organismes, de relever des dysfonctionnements et éventuellement d’envisager des améliorations au système existant. Cette commission n’a aucun pouvoir décisionnel, elle ne peut formuler que des avis.

L’observatoire de l’ADEME et la commission permettent à l’Etat d’avoir un avis sur la situation et éventuellement de prendre les mesures nécessaires.

    La régulation et le contrôle des filières ont été récemment renforcés avec la loi du 3 août 2009 dite Grenelle I (Titre III, Chapitre II, article 46) :

  • Elle prévoyait la création d’ « une instance de médiation et d'harmonisation des filières agréées de collecte sélective et de traitement des déchets ». La commission a ainsi été créée par le décret n°2009-1043 du 27 août 2009. Elle est constituée de plusieurs collèges représentant l’Etat, les élus locaux, les associations et les professionnels. Cette commission est saisie :

-    pour avis des programmes annuels d’étude et de communication des organismes agréés pour l’élimination de déchets ;
-    par le ministre chargé de l’environnement sur des projets réglementaires portant sur les filières ;
-    par le ministre chargé de l’environnement, ou par deux de ses collèges au moins ou par le président du conseil national des déchets (CND), de toute question relative aux filières.

Enfin, la commission peut proposer au ministre chargé de l’environnement des missions d’expertise et des contrôles ponctuels dans le cadre de la mise en œuvre et du suivi des filières.

  • Un des objectifs du Grenelle était également la mise en place d’un censeur qui « assistera aux réunions du conseil d'administration des éco-organismes agréés et pourra demander communication de tout document lié à la gestion financière de l'éco-organisme ». Le décret n°2011-429 du 19 avril 2011 précise les fonctions du censeur d’Etat. Elles doivent être exercées par des membres du service du contrôle général économique et financier. Le chef de ce service désigne un censeur d’Etat auprès de chaque éco-organisme.

Le censeur d’Etat veille à ce que les éco-organismes agréés disposent, pendant toute la durée de leur agrément, des capacités financières qui leur ont permis d’être titulaire d’un agrément. Il peut demander à l’éco-organisme de lui communiquer tous documents et informations nécessaires sur la gestion financière, et faire procéder à tout audit en rapport avec sa mission. S’il l’estime nécessaire, il peut adresser un rapport aux ministres chargés de l’écologie, de l’industrie et de la santé.

  • Le Grenelle I précise aussi que « tout éco-organisme ne pourra procéder qu'à des placements financiers sécurisés dans des conditions validées par le conseil d'administration après information du censeur d'Etat ».

L’article L. 541-10 du code de l’environnement, modifié par l’ordonnance n°2010-1579 du 17 décembre 2010, instaure un régime de sanctions pour les producteurs qui ne respectent pas leurs obligations et pour les éco-organismes ou les systèmes individuels approuvés qui ne respectent pas les clauses de leur cahier des charges.
Ainsi, le ministre de l’environnement peut :

-    soit ordonner le paiement d’une amende :

•    pour les producteurs, importateurs ou distributeurs, au maximum de      1 500 € pour une personne physique et 7 500 € pour une personne morale, par unité de produit ou par tonne ;
•    pour les éco-organismes ou les systèmes individuels au maximum de 30 000 € ;

-    soit suspendre ou retirer l’approbation des systèmes individuels ou l’agrément des éco-organismes.

De plus, pour la plupart des filières, le code de l’environnement prévoit des sanctions pénales en cas de non respect des dispositions réglementaires fixées pour ces filières. Par exemple, un producteur d’équipements électriques et électroniques, qui ne fournit pas une garantie de répondre à ses obligations de contribution, à défaut d'avoir versé par avance sa contribution à un éco-organisme agréé, est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe (soit au maximum 1 500 €) (Art. R. 543-206).

    Le contrôle du respect par un producteur, importateur, distributeur de l’obligation de pourvoir ou de contribuer à la gestion des déchets issus de leurs produits est réalisé par des services de l’Etat. Par exemple, la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) assure le contrôle des producteurs d’emballages.

Même si la mise en place de ces sanctions financières est une avancée, elles présentent des limites. Cette amende pour les éco-organismes agréés représente au maximum moins de 1 % du montant des contributions perçues par chacun d’entre eux, elle semble donc très peu dissuasive. De plus, si en théorie le retrait de l’agrément d’un éco-organisme semble possible, il paraît difficile de l’appliquer si aucun autre éco-organisme ne peut prendre en charge la filière.

En amont des filières, les points ci-dessous doivent être améliorés :

-    les producteurs qui n’adhérent pas à la filière : la difficulté est de les identifier, le contrôle de la DGCCRF ou des douanes étant limité ;
-    le contrôle des quantités déclarées : rien n’empêche un producteur de déclarer 10 % de moins de ce qu’il a mis sur le marché ou de modifier les proportions représentant les ménages de celles des professionnelles. Les éco-organismes étant chargés des audits, il reste très compliqué pour eux de dénoncer leurs propres adhérents qui ne respectent pas leur obligation ; cela pose à nouveau question sur le statut juridique des éco-organismes.

Les producteurs, qui ne remplissent par leurs obligations en matière de REP, décrédibilisent le système de REP. Les éco-organismes et l’Etat doivent assurer l’égalité de traitement de tous les metteurs sur le marché soumis à la REP. Aujourd’hui, l’Etat essaie de remplir son rôle, ainsi contre les non-contributeurs, la Direction Générale de la Prévention des Risques (DGPR) commence à mener diverses actions.

En 2011, la DGPR a débuté ses premières actions notamment avec l’envoi de courriers aux non-contributeurs de la filière « Piles ». En 2012, elle a poursuivi cette démarche à l’ensemble des filières REP (Emballages, Papiers, D3E, Piles, Textiles et Pneus). 900 courriers ont ainsi été envoyés, dont 700 en lettre recommandée avec accusé de réception, sur la base des registres tenus par l’ADEME, des fichiers des éco-organismes et des codes de la Nomenclature d’Activités Françaises (NAF).

Par exemple, pour la filière « Emballages », 303 courriers en lettre recommandée avec accusé de réception ont été envoyés sur la base d’un fichier transmis par Eco-Emballages. Les résultats sont les suivants :
-    68 régularisations,
-    68 sociétés sont concernées mais refusent de se régulariser,
-    10 sociétés ont répondu de manière non satisfaisante,
-    49 situations ont été éclaircies (mauvaise adresse, personnes non concernées).
En 2013, il est prévu de poursuivre ces démarches et de lancer des sanctions administratives dans le cas de manquement caractérisé des producteurs à leurs obligations.

Une mission confiée au Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable (CGEDD) a abouti à un rapport1  visant à proposer, sur les bases du dispositif législatif existant, les modalités du contrôle administratif des non-contributeurs à l'éco-contribution et du recouvrement des amendes administratives prononcées.
Ce rapport recommande notamment :
-    d’intégrer des clauses dans le cahier des charges de l’éco-organisme visant à la recherche et l’identification des redevables, l'information des non-contributeurs sur le risque d'amende administrative, la constitution du dossier relatif au non-contributeur, la transmission du dossier au ministère chargé de l'environnement, le rendu de l'ensemble de ces actions ;
-    solidifier juridiquement la procédure suivie par la DGPR,
-    fixer des amendes dont la valeur est deux à trois fois celle de l’éco-contribution qui aurait été due pour l’année et moduler en fonction de la gravité du manquement,
-    harmoniser entre les filières le niveau minimal d’activité à prendre en compte  pour soumettre un metteur sur le marché l’obligation d’éco-contribution, ainsi que la conduite des éco-organismes en matière de rétroactivité.

Les éco-organismes et l’Etat doivent poursuivre leurs efforts afin de s’assurer que l’ensemble des producteurs, importateurs et distributeurs respectent leurs obligations.

Les contrôles et le suivi des filières concernent essentiellement les éco-organismes agréés ou approuvés, ils sont moins poussés pour les systèmes individuels ou mutualisés. Par exemple, une structure comme France Recyclage Pneumatiques (FRP) n’est pas contrôlée par un censeur d’Etat et n’a pas l’obligation de communiquer les éléments financiers le concernant. Ses comptes sont seulement certifiés par un commissaire aux comptes.

1 Rapports Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable n°008409-01 « Responsabilité élargie des producteurs et amende administrative », Octobre 2012,  François Durand et Rémi Guillet.

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