PASSAGE DE LA TAXE A LA REDEVANCE : IMPACT SUR LE STATUT JURIDIQUE DU SERVICE PUBLIC D’ELIMINATION DES DECHETS

7. CONCLUSION

Lors du passage de la TEOM à la RI, les changements imposés par la modification du statut juridique du service sont conséquents.

Le passage d’un contrat de marché public à une délégation de service public (excepté en régie intéressée) présente l’avantage pour la collectivité de ne pas supporter le risque financier puisque la rémunération est liée aux résultats d’exploitation du service confié au délégataire. Mais la collectivité locale ne maîtrisant pas les flux financiers, les comptes du service délégué peuvent être plus difficiles à interpréter d’où la nécessité pour la collectivité d’assurer un contrôle.

Le passage en norme comptable M14 nécessite que la collectivité dispose d’un budget annexé pour la gestion des déchets. Cette conséquence peut permettre aux collectivités de mieux maîtriser leurs dépenses relatives aux déchets et d’apporter plus de transparence auprès des usagers.
De plus, l’obligation d’équilibre du budget semble nécessaire pour assurer le bon fonctionnement du service. Cependant, le passage de la taxe à la redevance nécessite de reconsidérer l’ensemble des équilibres budgétaires. En effet, les flux de déchets vont être détournés, le périmètre des contributeurs va être redistribué, de nouveaux postes vont devoir être pris en charge comme la gestion et le suivi du fichier des usagers ou la gestion des impayés. L’ensemble de ces modifications est difficilement évaluable avant la mise en place de la redevance, et rend très difficile le dimensionnement de la tarification afin d’assurer l’équilibre du budget.
D’autre part, l’incitation est censée permettre la réduction de la production de déchets, mais l’évaluation de la diminution de la part variable est très difficile, l’équilibre budgétaire sur le long terme est délicat à assurer.
Des exemples de collectivités qui sont passées de la TEOM à la REOM montrent que certaines ont rencontré des problèmes de déficit budgétaire chronique. L’équilibre du budget peut donc être très dur à atteindre.

Concernant l’application du droit privé pour les SPIC, il peut être délicat d’avoir deux statuts différents pour les salariés au sein d’un même service, avec un statut de droit commun pour le personnel existant avant le passage à la redevance et un statut de droit privé pour tout nouvel employé.

L’option de l’assujettissement à la TVA pour une collectivité ayant mis en place la redevance lui permet de récupérer la TVA en totalité sur l’investissement et le fonctionnement ; contrairement au FCTVA qui ne permet de récupérer la TVA qu’en partie et sur l’investissement uniquement.
Pour chaque collectivité, un bilan des avantages et des inconvénients doit être fait pour savoir ce qui s’avère être le plus intéressant entre l’option à l’assujettissement à la TVA et le FCTVA.

Le passage de la taxe à la redevance a donc pour conséquence une restructuration générale du service de gestion des déchets en imposant un changement de statut juridique de SPA en SPIC.

La mise en place de la TEOM incitative permettrait au moins d’être sûr de ne pas être confronté à ce changement de statut juridique. Le résultat des collectivités locales, qui mettront en place une TEOM incitative expérimentale, est donc très attendu.

Le Cercle National du Recyclage rappelle qu’il est opposé au caractère obligatoire de la tarification incitative car il n’est pas avéré que cela permette de répondre au but visé de réduire la production de déchets. Le financement du service public d’élimination des déchets par la tarification incitative doit être issu d’un choix politique éclairé.
Par ailleurs, pour réellement réduire la production de déchets, l’incitation doit se faire en amont lorsque le consommateur peut prendre conscience de l’impact du produit qu’il achète et du déchet résultant de ce produit.

La qualification du service public d’élimination des déchets en SPIC, au vu du seul critère qu’est le financement par la redevance, se justifie-t-il encore aujourd’hui ?

En effet, la décision prise par l’arrêt du Conseil d’Etat du 12 avril 1992 était sur la REOM, qui a été créée en 1975 en lien avec l’assujettissement du service d’enlèvement des ordures ménagères à la TVA. Le choix politique d’instaurer la REOM à cette époque était donc de faire payer en fonction d’un service rendu, le fonctionnement du service se rapprochait alors de celui d’une entreprise privée.
Mais à l’heure actuelle, l’article 46 de la loi du 3 août 2009 dite loi Grenelle 1 a mis en place la redevance incitative dans le but de réduire la production de déchets, ce qui ne rentre pas dans une logique industrielle et commerciale, mais environnementale.
La décision de l’arrêt de 1992 semble donc obsolète.

De plus, la RI a été créée afin d’inciter les usagers à produire le moins possible de déchets. Tandis que l’objectif pour une entreprise industrielle et commerciale est de faire augmenter la consommation du service par les usagers, afin de faire du bénéfice. Seul un service public de type administratif semble pouvoir répondre à une diminution de l’utilisation du service. La mise en place de la redevance incitative résulte d’une décision politique et ne suit pas la logique d’une entreprise industrielle et commerciale.

Le service de gestion des déchets est différent de celui de l’assainissement, où l’usager paie la part relative à l’assainissement en fonction de sa consommation d’eau. Si les impayés perdurent, l’eau peut être coupée. Pour la gestion des déchets, il n’est pas possible de déconnecter l’usager du service, car si ses déchets ne sont pas collectés, il les déposera dans la nature ou sur la voie publique et donc leur ramassage sera quand même financé par la collectivité qui doit assurer la salubrité publique. Cette possibilité de couper le service rendu à l’usager pour les SPIC, comme l’assainissement, ne peut pas s’appliquer au service de gestion des déchets.

Au vu de ces éléments, pour les collectivités locales qui font le choix de passer à la redevance incitative, le Cercle National du Recyclage souhaiterait que l’ensemble des difficultés liées au passage de la taxe à la redevance soit levé et que le service public d’élimination des déchets soit qualifié de service public administratif quelque soit le mode de financement. Cependant, l’établissement d’un état annexé au budget est une condition obligatoire pour améliorer la connaissance et la gestion du service de la collectivité locale.

Le Cercle National du Recyclage a adressé une saisine à la direction générale des finances publiques (DGFiP) afin de connaître le taux de TVA à appliquer à la tarification facturée aux usagers, pour une collectivité locale ayant mis en place la redevance. Aujourd’hui, le Cercle National du Recyclage est en attente de cette réponse. Cette question est importante car s’il s’avère que la facturation est soumise à un taux de TVA normal, en passant de la taxe à la redevance, les usagers subiront une augmentation de 19,6% du tarif pour le même service.
Dès que le Cercle National du Recyclage aura un retour de la DGFiP, ses adhérents seront informés de son contenu et des répercussions induites.

flecheretour

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