PASSAGE DE LA TAXE A LA REDEVANCE : IMPACT SUR LE STATUT JURIDIQUE DU SERVICE PUBLIC D’ELIMINATION DES DECHETS

4. REGLES COMPTABLES ET FISCALES

4.1. Modifications pour l’exploitation directe d’un SPIC

Dans le cas d’une régie, la collectivité doit individualiser le service dans une entité autonome, qui sera qualifiée de régie à autonomie financière[1]  ou de régie à personnalité morale et à autonomie financière[2] .

La modification de nature du service public implique un changement de norme comptable. Pour les communes et regroupements de communes avec un service public administratif, l’instruction comptable à appliquer est la M14. Pour les collectivités locales correspondantes à un service public à caractère industriel et commercial, elles relèvent de la norme comptable M4.

Ces normes comptables présentent des différences notamment au niveau des amortissements, de l’intégration des opérations relatives aux déchets dans le budget et de l’équilibre du budget.

  • Amortissement

Norme comptable M14 (SPA) : Pour les collectivités locales de moins de 3 500 habitants, seul l’amortissement des subventions d’équipements versées est obligatoire.
Pour les collectivités de plus de 3 500 habitants, les amortissements, qui doivent obligatoirement être pris en compte, sont : les biens meubles (table, véhicule, bien transportable…), les biens immeubles (terrain, maison…) et les immobilisations incorporelles (brevet, logiciel…). Ils sont à constater l’année d’exercice suivant l’acquisition du bien. Pour les autres immobilisations, l’amortissement est facultatif.

Norme comptable M4 (SPIC) : Pour toutes les collectivités, l’amortissement est obligatoire pour toutes les immobilisations. L’amortissement doit être constaté l’année d’acquisition du bien.

  • Postes relatifs à la gestion des déchets

Norme comptable M14 (SPA) :
D’après l’article L.2312-12 du CGCT :

- Le budget des communes de moins de 10 000 habitants est voté par nature ;
- Le budget des communes de 10 000 habitants et plus est voté soit par nature, soit par fonction. S'il est voté par nature, il comporte une présentation fonctionnelle ; s'il est voté par fonction, il comporte une présentation par nature.

Pour les collectivités de plus de 3 500 habitants, les comptes doivent obligatoirement être présentés par nature et fonction. Les collectivités doivent individualiser les opérations en annexe au budget dans une présentation croisée nature-fonction. Les postes relatifs aux déchets figurent dans la sous fonction (812) « Collecte et traitement des ordures ménagères » de la fonction (8) « Aménagement et services urbains, environnement ».
Cette annexe au budget n’est pas obligatoire pour les collectivités locales de moins de 3 500 habitants.

Norme comptable M4 (SPIC) : Pour toutes les collectivités, les opérations relatives à la gestion des déchets doivent figurer dans un budget annexe, y compris les charges indirectes.

  • Equilibre du budget

Norme comptable M14 (SPA) : Les collectivités n’ont pas l’obligation d’équilibrer les dépenses et les recettes de la gestion des déchets.
Le taux de couverture du service public d’élimination des déchets par la taxe est différent selon les collectivités :

- soit la TEOM couvre l’intégralité du service,
- soit la taxe collectée ne couvre pas le coût du service, alors les autres ressources fiscales du budget général viennent compléter ce coût,
- soit la taxe excède le coût du service déchets afin d’anticiper des projets nécessitant des investissements importants.

Norme comptable M4 (SPIC) : Le budget annexe relatif au service public d’élimination des déchets est obligatoirement équilibré. Cet équilibre financier est réalisé au moyen de la redevance perçue auprès des usagers, des soutiens versés par les éco-organismes et des recettes de valorisation.
Lors du passage de la taxe à la redevance d'enlèvement des ordures ménagères, une dérogation existe concernant l’obligation d’équilibre budgétaire lors des 4 années suivant l’institution de la redevance (Article L.2224-2 du CGCT).

Exonération de la TEOM ou de la REOM :
Pour la TEOM, les possibilités d’exonération sont précisées par l’article 1521 du code général des impôts, elles concernent :

- les usines,
- les locaux sans caractère industriel ou commercial loués par l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, scientifiques, d'enseignement et d'assistance et affectés à un service public,
- les locaux situés dans la partie de la commune où ne fonctionne pas le service d'enlèvement des ordures, sauf délibération contraire des communes ou des organes délibérants de leurs groupements.

En général, si l’éloignement du point de collecte est supérieur à 200m, la TEOM peut être exonérée.

Concernant la redevance, aucune réglementation définit les conditions de son exonération. Seule la circulaire n°249 du 10 novembre 2000 relative à la gestion de l’élimination des déchets des ménages précise que « Contrairement à ce qui prévaut pour la taxe, il est possible de demander et d'obtenir une décharge de paiement de la redevance, en faisant valoir qu'il n'y a pas eu recours au service. ».
Les usagers peuvent ne pas avoir au recours au service :

- soit parce qu’ils ne produisent pas de déchets au niveau du bâtiment concerné, par exemple pour les logements inoccupés mais sur la foi de facture d’eau et d’électricité ;
- soit parce qu’ils assurent eux-mêmes l’évacuation et l’élimination des déchets de manière conforme à la réglementation en matière de santé et de salubrité publique (Art. L.541-2 du code de l’environnement).

La jurisprudence, par le Conseil d'Etat du 5 décembre 1990 n° 59891, précise qu’un habitant qui se borne, pour refuser le paiement de la redevance, à soutenir que son foyer ne concourt d’aucune façon à la production d’ordures ménagères, sans apporter les preuves de cette allégation, se doit de payer la redevance.
L’éloignement d’un usager par rapport à la zone desservie par la collecte n’est pas un motif de dégrèvement.
En vertu du principe de proportionnalité, la redevance ne peut faire l’objet d’exonération ou de réductions qui seraient sans lien avec le service rendu. Une délibération qui exonère certains habitants pour des raisons sociales est ainsi illégale (Conseil d’Etat, 27 février 1998, commune de Sassenay n°160932).

4.2. Cas de la délégation de service public

Dans le cas d’une délégation de service public à une entreprise privée, entreprise du secteur concurrentiel ou société d’économie mixte, les mouvements de fonds entre la collectivité locale et l’entreprise se font par un budget annexe, placé sous le contrôle d’un comptable de l’Etat. Les entreprises pouvant réaliser des bénéfices, l’obligation d’équilibre entre recettes et dépenses ne s’applique pas.

4.3. Règle commune à la régie et à la délégation de service public

En régie ou en DSP, le budget général de la collectivité locale ne doit pas venir abonder le service d’élimination des déchets.
Cependant des exceptions existent (Article L.2224-2 du CGCT), vérifiées par le juge et rarement mises en œuvre :

- lorsque les exigences du service public conduisent la collectivité à imposer des contraintes particulières de fonctionnement ;
- lorsque le fonctionnement du service public exige la réalisation d'investissements qui, en raison de leur importance et eu égard au nombre d'usagers, ne peuvent être financés sans augmentation excessive des tarifs ;
- lorsque, après la période de réglementation des prix, la suppression de toute prise en charge par le budget de la commune aurait pour conséquence une hausse excessive des tarifs.
Ces dérogations revêtent un caractère exceptionnel et ne peuvent être pérennisées.

Ce passage de la TEOM à la RI peut entraîner par exemple :

- une augmentation du montant total perçu auprès du redevable si le montant total de la taxe perçue sur le contribuable ne couvrait pas la totalité du coût du service ;
- une modification du nombre d’assujettis, les entreprises, qui avant contribuaient à la taxe et n’utilisaient pas le service, ne seront plus assujetties ; à l’inverse, des usagers, qui bénéficiaient auparavant du service mais étaient exonérés, devront payer la redevance.

Lors du remplacement de la taxe par la redevance, un ajustement des contributions est donc généralement nécessaire.


[1] Dans les régies à seule autonomie financière, le service public reste intégré à la collectivité, comme dans la régie directe. La régie est un organisme individualisé mais qui ne dispose pas de personnalité morale propre. Néanmoins, ses recettes et ses dépenses sont individualisées dans un budget distinct, annexé à celui de la commune et elle dispose d’un organe de direction : le conseil d’exploitation. La création d’une telle régie entraîne une compétence résiduelle de la part de son conseil d’exploitation. En effet, l’essentiel des pouvoirs est ici conservé par l’assemblée délibérante de la collectivité créatrice. L’ordonnateur de la régie est le maire.

[2] C’est un établissement public local disposant d’une entière autonomie par rapport à la commune ou à l’établissement qui a créé la régie. La collectivité souhaite ici individualiser de manière beaucoup plus affirmée le service public. Ainsi, elle dispose d’organes distincts de ceux de la commune : un conseil d’administration, qui dispose de l’essentiel des pouvoirs et un représentant légal et ordonnateur.

flecheretour

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