PASSAGE DE LA TAXE A LA REDEVANCE : IMPACT SUR LE STATUT JURIDIQUE DU SERVICE PUBLIC D’ELIMINATION DES DECHETS

2.    DEFINITION DE LA NATURE DU SERVICE PUBLIC D’ELIMINATION DES DECHETS

Les services publics de gestion des déchets peuvent être de deux natures :

  • service public administratif (SPA) (avec un régime de droit public),
  • service public à caractère industriel et commercial (SPIC) (avec un régime majoritairement de droit privé).

De manière générale, un service public est présumé administratif sauf si la réglementation précise la qualification en SPIC, c’est le cas par exemple pour l’assainissement, ou si trois critères jurisprudentiels convergent vers le caractère industriel et commercial.

Critères jurisprudentiels définissant le service public

SPA SPIC
Objet du service public Exécution même du service public, assurer la mission liée à ce service public sans but industriel et commercial Activité se rapprochant de celle d'une entreprise privée : vente ou production de biens, prestation de services…
Mode de financement Financement par une voie fiscale (taxe…) Redevance c'est-à-dire un prix facturé à l'usager
Modalités d'organisation Modalités du droit public :
- statut de la fonction publique territoriale,
- comptabilité publique,
- …
Modalités du droit privé :
- salariés soumis au code du travail,
- comptabilité privée,
- équilibre budgétaire…

Si tous ces critères sont similaires à ceux d’une entreprise privée, le service est qualifié de SPIC. La qualification du service en SPA ou en SPIC est donc simple lorsque ces trois critères convergent, mais dans le cas contraire cela est plus complexe.
En général, le critère déterminant est le mode de financement. Si le service public d’élimination des déchets est financé par la redevance, il est qualifié d’industriel et commercial. S’il est financé par une taxe ou le budget général, il est considéré comme administratif. Le caractère décisif du mode de financement a été précisé par l’arrêt du Conseil d’Etat du 10 avril 1992 (cas SARL Hofmiller) : « lorsqu'une commune décide de financer son service d'enlèvement des ordures ménagères par la redevance […], ce service municipal, qu'il soit géré en régie ou par voie de concession, doit être regardé comme ayant un caractère industriel et commercial. ».

D’autres textes juridiques ont réaffirmé le lien entre le mode de financement et le statut du service public :

  • l’arrêt du 25 mars 1997 de la Cour administrative d’appel de Nantes mentionne « que lorsqu’une commune décide de financer son service d’enlèvement des ordures ménagères par la redevance mentionnée à l’article L.233-78 du code des communes, ce service doit être regardé comme ayant un caractère industriel et commercial » ;
  • le Tribunal des conflits le 7 octobre 1996, (n°02976, Mme X contre Communes de Gennes) précise que « […] le législateur a entendu permettre aux collectivités publiques précitées, en substituant une rémunération directe du service par l’usager à la recette de caractère fiscal que constitue la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, de gérer ce service comme une activité industrielle et commerciale. » ;
  • le Tribunal des conflits dans l’arrêt du 12 février 2007 rappelle que « Considérant que le service d’enlèvement des ordures ménagères de la communauté de communes du Pays Thénézéen est financé au moyen d’une redevance calculée en fonction du service rendu, instituée en application de l’article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales ; […] il doit, dès lors, être regardé comme ayant un caractère industriel ou commercial  […] ».
Polémique sur la qualification du service public d’élimination des déchets (SPED) en SPIC :

Des discussions existent entre les juristes sur la pertinence de définir la nature de ce service public en fonction du financement.
En effet, la création de la REOM en 1975 est liée à l’assujettissement des services d’enlèvement des ordures ménagères à la TVA, ce droit à « déduction » est l’argument pour expliquer que le service relève d’une gestion de type industriel et commercial.
Mais avec l’article 46 de la loi du 3 août 2009 dite Grenelle 1, la mise en place d’une redevance incitative est liée à une volonté politique de réduction des déchets. Le but poursuivi n’est donc pas celui d’une entreprise privée.
La RI s’inscrit dans la même logique que la TGAP, dont le but est de réduire la part d’ordures ménagères destinée à l’enfouissement ou à l’incinération. L’engagement concernant la RI a été pris avec pour objectif de réduire la production de déchets des usagers.
De plus, l’incitation des usagers à produire moins de déchets rentre dans une démarche environnementale et non commerciale. L’objectif pour une entreprise privée est de pousser les usagers à utiliser le plus possible ses services, et non le contraire.
Pour certains juristes, ses arguments montrent que le mode de financement du service n’inclut pas un mode de fonctionnement similaire à celui d’une entreprise privée, et que l’objectif d’incitation à la réduction des déchets relève plus d’un service public administratif.
Toutefois, à l’heure actuelle, la jurisprudence qualifie un service public d’industriel et commercial s’il est financé par la redevance.

flecheretour

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