LES TEXTES LEGISLATIFS


Circulaire du 28 avril 1998 concernant la mise en oeuvre et l’évolution des plans départementaux d’élimination des déchets ménagers et assimilés


Fait à Paris, le 28/04/1998

La Ministre de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement
à
Mme et MM les Préfets de région (pour information)
Mmes et MM les Préfets de départements (pour attribution)



Objet : Mise en oeuvre et évolution des plans départementaux d’élimination des déchets ménagers et assimilés.

A mi-chemin de l’échéance fixée par le législateur en 1992, l’état d’avancement de la planification départementale ou interdépartementale de l’élimination des déchets ménagers et assimilés, pour les 100 départements et les 2 collectivités territoriales concernés, est le suivant :

* 79 plans ont été adoptés par arrêté préfectoral, dont un couvrant 2 départements (Drôme et Ardèche) ;
* 6 plans départementaux sont en phase d’enquête publique ;
* 7 plans départementaux ont déjà été approuvés par les commissions départementales concernées ;
* 2 plans départementaux (Cher et Nièvre) dont l’arrêté préfectoral a été annulé par les Tribunaux Administratifs sont en cours de réexamen ;
* 5 plans départementaux (Meurthe et Moselle, Moselle, Nord, Paris et Tarn et Garonne), ainsi que les plans des 2 collectivités territoriales (St Pierre et Miquelon et Mayotte), restent à élaborer.

Au niveau national, je constate un retard dans l’élaboration des plans par rapport à la date du 3 février 1996 initialement prévue en application de la loi ; ce retard reflète aussi l’importance de l’enjeu et la difficulté des réflexions engagées au niveau local par l’ensemble des collectivités, des administrations et de leurs partenaires socio-économiques.

A contrario, certains plans montrent, par la qualité de leur contenu et par l’ouverture ayant présidé à leur élaboration, que nombre de solutions reposent en premier lieu sur la volonté des différents acteurs à définir, en concertation, des objectifs réalistes de gestion des déchets et garantissant un niveau élevé de protection de l’environnement. Dans cette perspective, l’échange d’expériences constitue aussi une condition essentielle de la réussite de cette politique.

Cette démarche de réflexions et de concertation locales a été validée par l’expérience : je souhaite désormais qu’elle soit approfondie et pérennisée.

Le cas des départements " retardataires "

Le nombre de départements pour lesquels les travaux d’élaboration du plan sont peu avancés ou inexistants reste relativement faible.

Néanmoins, pour ces derniers, je vous invite à engager l’analyse des causes de cette situation et à me présenter, sous un mois, un calendrier des études et des actions à entreprendre pour faire aboutir rapidement la procédure d’élaboration et d’adoption des plans, en prenant en compte les orientations définies par la présente circulaire.

Je vous demande de bien vouloir tout mettre en oeuvre pour que ces procédures soient menées à leur terme avant la fin de cette année.

Pour les plans adoptés ou en cours d’adoption

Pour les départements où les plans sont adoptés ou en cours d’adoption, la démarche que je vous demande d’engager maintenant est celle d’une réorientation qui doit se traduire par un aménagement des objectifs antérieurement définis de façon à intégrer davantage de recyclage matière et organique et, ainsi, de limiter le recours à l’incinération et au stockage aux seuls besoins. Je souhaite que cette réorientation soit réalisée de façon à permettre la réalisation des objectifs de la loi de 1992 et la mise en oeuvre, sans retard, des actions déjà prévues et compatibles avec les orientations qui suivent.

Ces orientations visent à redonner à la politique de prévention et de valorisation la place qu’il convient, notamment par rapport aux filières de traitement que sont l’incinération et le stockage.

En effet, un constat s’impose sur le recours à l’incinération. La définition très réductrice du déchet ultime qui prévalait jusqu’à présent, le définissant à tort comme les seuls résidus d’incinération, faisait de cette technique un traitement obligé. L’examen des premiers plans adoptés, basés sur cette conception du déchet ultime, a montré que le recours à l’incinération était alors à la fois presque systématique et important, et pouvait, dans ces conditions, obérer les possibilités de développement du recyclage et de la valorisation-matière.

Si une relecture des objectifs antérieurs est ainsi nécessaire, il convient cependant de veiller à ne pas tomber dans l’excès. L’incinération avec récupération d’énergie et correctement dépolluée est un mode de traitement et de valorisation des déchets qui a sa place dans une approche multi-filières d’élimination. Elle peut parfois se révéler incontournable, comme pour les grandes agglomérations ou les régions ayant des débouchés limités pour la récupération matière ou organique. Pour l’avenir, il faudra trouver, après avoir étudié et mis en oeuvre des solutions concrètes de réduction du gisement et de valorisation des matériaux qu’il contient, un équilibre entre incinération et stockage, réalisés dans les conditions réglementaires prévues.

De plus, concernant les décharges brutes, j’ai déjà indiqué, dans ma circulaire du 10 Novembre 1997, que l’objectif de résorption de ces décharges, fixé depuis 1992, devait être fermement maintenu et traduit par un programme d’action destiné à être inclus dans les plans.

L’existence d’un mécanisme de cofinancement spécifique de ces opérations, mis en oeuvre par l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) écarte désormais la plupart des raisons avancées pour le retard actuel. Le souci de disposer d’installations de stockage conformes à l’arrêté ministériel du 9 Septembre 1997, dont l’image souffre de la situation actuelle concernant les décharges brutes, constitue pour moi un enjeu supplémentaire nécessitant cette résorption. Il est parfaitement clair que le modèle décrit dans l’arrêté du 9 Septembre 1997 constitue un cadre d’aménagement et de fonctionnement d’installations qui pourront stocker des déchets, issus de déchets ménagers, au delà de Juillet 2002.

Cette réorientation que je vous demande d’engager doit notamment être apportée à l’occasion de la révision des plans, prévue par le décret n° 1008 du 18 novembre 1996 pris en application de l’article 10-2 de la loi n° 75-633 du 15 Juillet 1975 (modifiée), compte tenu des modifications et ajustements rendus nécessaires par le retour d’expérience des opérations réalisées et l’évolution de la production de déchets et des techniques de traitement.

Vous pourrez également l’engager si vous deviez constater que le plan actuel s’écarte significativement des orientations décrites dans la présente circulaire.

Les objectifs et les principes à retenir pour l’élaboration et la réorientation des plans

L’annexe ci-jointe détaille les objectifs et les principes qui doivent guider votre action et les décisions des collectivités locales, tant pour l’élaboration des plans qui restent à élaborer que pour la démarche de réorientation des plans que je vous invite à engager.

Ces orientations encadreront également les interventions de l’Etat en termes de soutien financier des filières et des projets. Elles constitueront également des priorités qui pourront utilement être affichées dans la définition des prochains contrats de plan entre l’Etat et les régions.

J’attire tout particulièrement votre attention sur les points suivants, fondamentaux pour réussir la planification départementale de l’élimination des déchets ménagers et assimilés :

1 - La modernisation de la gestion des déchets a pour objectif premier de mettre en place un système d’élimination des déchets respectueux de l’environnement et de l’homme et en cohérence avec les spécificités territoriales de chaque commune ou groupement de communes constitué pour l’élimination des déchets.

Il implique une action volontariste pour réduire la croissance actuelle de la production de déchets, dont nombre de composantes dépendent ou nécessitent l’implication du niveau local. Dans la circulaire du 24 Février 1997, la ministre de l’environnement avait déjà attiré votre attention sur la faiblesse des plans élaborés sur ce point. Je constate que l’orientation générale actuelle des plans ne s’écarte pas significativement de cette situation antérieure. Une inflexion notable doit donc être donnée sur ce point essentiel.

Il sous-entend aussi une application stricte de la réglementation en vigueur que ce soit pour la création ou pour la mise en conformité des installations d’incinération ou de stockage de déchets.

Je vous demande d’être particulièrement vigilant et intransigeant sur ce dernier point : les situations de non respect flagrant de la réglementation, du type de celles rencontrées aujourd’hui trop fréquemment pour des incinérateurs de déchets ménagers ou des décharges, ne peuvent et ne doivent ni perdurer, ni se renouveler.

Une large part des difficultés rencontrées, pour l’implantation de nouvelles unités de collecte ou de traitement, tient aussi aux difficultés passées et parfois persistantes à faire appliquer les règles prévues au plan national ou local.

2 - La maîtrise des coûts d’élimination des déchets est une préoccupation qui doit être constamment présente et prise en compte dans les différentes phases de l’élaboration de la mise en oeuvre, et l’évaluation des plans.

Je vous demande de veiller tout particulièrement d’une part à ce que les actions de récupération puissent reposer sur des débouchés qui permettront de couvrir une part suffisante des dépenses correspondantes et d’autre part à ce que les investissements lourds, comme les installations d’incinération, ne soient pas sur-dimensionnés.

A cet égard, le constat d’un besoin limité d’incinération ou de stockage, après mise en place des filières de collecte sélective et de recyclage, peut être le signe de la nécessité d’une vision allant au delà du périmètre défini, nécessitant l’établissement de coopérations entre périmètres. Cette perspective est préférable, du point de vue environnemental mais aussi économique, au fait de réduire la part consacrée au recyclage, sous prétexte d’assurer un approvisionnement suffisant aux unités d’incinération ou de stockage. Cette orientation peut ainsi constituer une application raisonnable du principe de proximité.

3 - La modernisation de la gestion des déchets et la maîtrise des coûts d’élimination doivent intégrer les priorités définies par la loi du 13 juillet 1992 :
  •   prévenir ou réduire la production et la nocivité des déchets ;
  •   valoriser les déchets par réemploi, recyclage ou toute autre action visant à obtenir à partir des déchets des matériaux réutilisables ;
  •   traiter les déchets pour récupérer de l’énergie ;
  • le traitement, respectueux de l’environnement, de la fraction non récupérable ou non réutilisable des déchets.
L’objectif que je retiens au niveau national est, qu’à terme, la moitié de la production de déchets dont l’élimination est de la responsabilité des collectivités locales soit collectée pour récupérer des matériaux en vue de leur réutilisation, de leur recyclage, de leur traitement biologique ou de l’épandage agricole.

Cet objectif tient également compte des obligations communautaires que notre pays s’est engagé à respecter, concernant notamment les déchets d’emballages des ménages.

Les délégations régionales de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), membres à part entière des commissions départementales, pourront assurer une fonction d’expertise dans cette double approche de modernisation de la gestion des déchets et de maîtrise des coûts. Elles pourront solliciter, en tant que de besoin, les compétences nationales de l’ADEME.

4 - Au 1er juillet 2002, seuls les déchets ultimes pourront être admis en centres de stockage. Si la définition précise du déchet ultime sera fonction des conditions locales, vous veillerez à restreindre progressivement, avant même la date de Juillet 2002, la mise en décharge d’ordures brutes, c’est à dire de déchets n’ayant pas subi au minimum une extraction, par collectes séparatives ou par tris :

  • des matériaux (verre, papiers-cartons, plastiques, ...) en vue de leur recyclage ;
  • de leur fraction fermentescible ou biodégradable en vue de leur traitement biologique (compostage, méthanisation) ou de l’épandage agricole
  • des produits usagés faisant l’objet d’une élimination dédiée : véhicules hors d’usage, huiles de vidange, vêtements , piles et accumulateurs, ..

Ce calendrier graduel est le seul permettant un ajustement des filières conforme aux objectifs de la loi du 13 Juillet 1992 et permettant de respecter les échéances prévues par celle-ci.

5 - Malgré l’ambiguïté possible de ce terme, un plan départemental adopté ne doit ni se lire ni se réduire à un document figé : c’est un outil qui se veut vivant et évolutif, notamment pour prendre en compte progressivement le retour d’expérience des premières opérations réalisées pour sa mise en oeuvre ou l’évolution de la production de déchets et des techniques de traitement. C’est d’abord et avant tout l’instrument d’une dynamique.

Je tiens cependant à préciser que l’évolution progressive ou la révision d’un plan signifie l’arrêt des seules opérations qui apparaissent dès à présent incompatibles avec les nouvelles orientations définies dans la présente circulaire ou encore avec le retour d’expérience ou l’évolution de la production de déchets et des techniques de traitement.

La démarche initiée par les plans doit s’inscrire dans la durée et être pérennisée. Une évaluation régulière du plan, tous les deux ans par exemple, s’inscrit logiquement dans ce contexte.

6 - L’application du principe de proximité nécessité tout d’abord une évaluation précise des impacts des flux de déchets prévus par les différents scénarios.

Le souci de conduire des démarches communes entre divers périmètres ou départements doit être accompagné d’une volonté de privilégier des filières qui assurent une réduction des impacts dus aux transports, notamment routiers.

En particulier, vous étudierez le recours accru à des solutions de transports de déchets utilisant des modes moins polluants (rail, voie navigable), qui ne représentent actuellement que quelques pour cent des flux - importants - de déchets transportés chaque année. Le Fonds de Modernisation de la Gestion des Déchets (FMGD) et l’ADEME peuvent soutenir des initiatives de collectivités locales ou d’entreprises dans le développement de ces modes de transport moins polluants.

7 - Le Code Général des Collectivités Territoriales donne la compétence et la responsabilité de l’élimination des déchets ménagers et assimilés aux collectivités ou à leurs groupements : un plan départemental de qualité ne peut donc être qu’un plan porté par les collectivités et non un plan subi par ces dernières. L’élaboration et la mise en oeuvre d’un plan ne se conçoit ainsi qu’avec une forte implication des collectivités et une réelle et constructive concertation de leurs partenaires socio-économiques locaux.

Par ailleurs, l’établissement d’une concertation approfondie avec les mouvements associatifs constitue aussi le gage d’une démarche réussie. Je vous demande d’y veiller tout particulièrement. Les partenaires syndicaux peuvent également apporter une réflexion complémentaire sur ces questions.

Pour les départements où la compétence pour l’élaboration et le suivi du plan à été prise par le Conseil général, je vous demande ainsi de bien vouloir porter à leur connaissance les dispositions de la présente circulaire.

De façon générale, je vous invite à communiquer celles-ci à l’ensemble des collectivités locales et partenaires impliqués.

8 - L’organisation locale de l’Etat

Nombre de services interviennent dans le domaine, ce qui constitue une palette large de compétences que rend nécessaire la variété des déchets et des solutions de leur bonne gestion. Cette richesse des compétences ne doit pas se traduire par un manque, réel ou perçu, de coordination entre ces acteurs publics. Il vous appartient naturellement de veiller au bon déroulement de cette coordination et, au delà, de l’articulation entre l’exercice d’élaboration et d’évolution du plan départemental et la contribution que vous pourrez apporter au niveau régional, pour la prise en compte des autres déchets dont l’origine et les caractéristiques sont en partie définis au niveau départemental (déchets issus de l’incinération, déchets ménagers spéciaux, par exemple). A cet effet, je vous demande de mettre en place une coordination technique sur la question globale des déchets, pilotée par un représentant d’un service de l’Etat que vous aurez désigné. Ce coordonnateur technique pourrait, par exemple, être le Chef du Service Régional de l’Environnement Industriel ou son représentant.

Vous m’informerez sans délai, sous le timbre de la Direction de la Prévention des Pollutions et des Risques, du nom du coordonnateur technique que vous aurez choisi.

Je vous adresserai très prochainement un courrier personnalisé d’orientation, sur la base d’une évaluation de chaque plan au regard des orientations de la présente circulaire.

Vous voudrez bien me faire part, sous le timbre de la direction de la prévention des pollutions et des risques, des conditions d’application des présentes instructions et des difficultés que vous pourriez rencontrer dans leur mise en oeuvre.

DOMINIQUE VOYNET

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies pour réaliser des statistiques de visites