Courriers

Date : le 26 septembre 2016, à Lille

Destinataires : Madame Ségolène ROYALE, Ministre de l’Environnement, de l'Energie et de la Mer

Madame la Ministre,

Après une phase poussée de concertation autours de l’écriture du cahier des charges pour les filières emballages et papiers, je souhaitais vous indiquer plus précisément les raisons du vote négatif des collectivités locales lors de la commission de la formation des filières REP du 12 septembre dernier.

En premier lieu, la définition des coûts nets de référence à l’horizon 2022, issue de vos services, omet déjà un certains nombres de postes de charges subies par les collectivités que sont : La TGAP sur les emballages finissant dans les ordures ménagères résiduelles, la TVA sur le service public de gestion des déchets d’emballages, les souillures sur les emballages dans les OMR, l’inflation l’ensemble de ces éléments représente environ 100 millions d’euros.

Le calcul des coûts nets de référence du service de collecte et de tri optimisé qui est la base des soutiens versés aux collectivités locales dans le cadre de la filière emballages mis en place par vos services, pénalise les collectivités de la manière suivante :

-    Le service de collecte et de tri optimisé permet l’atteinte de l’objectif national de recyclage de 75% des emballages ménagers. Il reste donc concrètement environ 25 % des déchets d’emballages dans les ordures ménagères qui font partie des coûts de la gestion des déchets d’emballages du service optimisé. Or, contrairement aux conventions de calculs du précédent agrément vos services n’intègrent pas ces coûts dans leur calcul pénalisant ainsi les collectivités locales de près de 170 millions d’euros. Ils s’expliquent en précisant que tous les déchets d’emballages devraient être déposés dans la collecte sélective et ne devraient plus être dans les ordures ménagères résiduelles mais refusent cependant de comptabiliser les coûts de tous les déchets d’emballages dans la collecte sélective. Ces déchets disparaissent donc purement et simplement de l’équation.
La couverture des coûts de collecte, de tri et de traitement sera portée à 80 % des coûts nets de référence d'un service de collecte et de tri optimisé mais uniquement sur un peu plus 75 % du gisement de déchets d’emballages, ce qui est contraire à la Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement, et évidemment contraire au principe de la REP.

Cette omission conduit à élaborer un barème de soutiens dimensionné à environ 712 millions d’euros si les collectivités dans leur ensemble atteignent 75 % de recyclage. Le barème proposé par vos services est extrêmement pénalisant pour les collectivités provoquant de lourdes pertes financières. Les collectivités locales ne pourront continuer leur chemin vers le recyclage et la performance écologique alors que les montants envisagés et leurs modalités de distribution font perdre des financements à quasiment toutes les collectivités. Les collectivités performantes et celles qui ont déjà mis en place l’extension des consignes de tri en anticipant les délais de la Loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte seront, elles-aussi pénalisées par l’application de ce nouveau barème.

Les conventions de calcul actuelles de vos services, aboutissent à une enveloppe de 712 millions d’euros, et ne sont aucunement compatibles avec la mise en place d’un barème de soutien à destination des collectivités visant à

-    Inciter les collectivités locales à étendre la consigne de tri à tous les emballages plastique comme prévu dans la Loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte ;
-    Inciter les collectivités à développer des systèmes visant à plus de performance de recyclage tout en maîtrisant leurs coûts ;
-    Ne pas pénaliser les collectivités déjà très performantes et ayant du poids dans l’atteinte de l’objectif national de 75 % de recyclage ;
-    Dédommager les collectivités qui valorisent énergétiquement les emballages qui ne sont pas dans les collectes sélectives conformément au principe de la REP.

De plus, même si le Cercle National du Recyclage a une large préférence pour supprimer les soutiens à l’investissement au profit du soutien aux fonctionnements, le choix de vos services a été de créer cette possibilité qui pose des questions de légalité au regard du droit de la concurrence. Le montant, de 150 millions d’euros envisagé sur 5 ans est trop faible par rapport au 1,5 milliard d’euros nécessaire à la modernisation des centres de tri en France. D’ailleurs ce montant ramené annuellement ne représente qu’environ 5 % du budget d’Eco-emballages alors même qu’Ecofolio prévoit plus de 10 % de son budget aux mesures d’investissement.

Enfin, d’autres éléments nous déroutent également puisque, malgré nos alertes, le cahier des charges transforme les futurs éco-organismes (sociétés privées dont la gouvernance est détenue par les metteurs en marché) en organe de contrôle de l’application de la loi, ce qui, dans notre vision, et je l’espère dans la vôtre également, est parfaitement inconcevable.

Comme vous pouvez le constater, ce cahier des charges n’est absolument pas compatible avec les orientations politiques de votre Loi et c’est pour ces raisons que les collectivités locales ont donné un avis négatif sur ce document.

Si ce texte reste en l’état, il causera, sans nul doute, une très forte démobilisation des élus et des collectivités au détriment du recyclage et de l’économie circulaire : ce qui n’est pas envisageable alors qu’il est impératif de relancer la dynamique de la collecte sélective et du tri.

Afin de faire des cinq années d’agréments une véritable réussite, il est nécessaire que les montants qui seront versés aux collectivités locales pour la collecte et le tri des déchets d’emballages ménagers et des papiers en 2022 soit à la hauteur des ambitions de la loi que vous avez fait voter. Les demandes des collectivités visent à leur permettre de continuer la transition écologique vers l’économie circulaire grâce notamment à la collecte sélective et au tri des déchets.

Par ailleurs, le Cercle National du Recyclage a présenté lors de son 14ème forum un projet de barème F basé sur 80 % des coûts nets de référence d’un service de collecte et de tri optimisé devant indemniser les collectivités à hauteur de 1,2 milliard d’euros.

Les collectivités locales souhaitent qu’au minimum soit intégré le coût des déchets d’emballages dans les OMR et la suppression des scénarios incompatibles avec l’atteinte de l’objectif de recyclage, ce qui conduirait à une enveloppe d’environ 920 millions d’euros. Ce montant financé par les consommateurs via les metteurs en marché permettra aux collectivités d’obtenir un barème compatible avec les objectifs de la Loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Votre soutien dans l’obtention de ce montant servira aussi à faire croître les éco-contributions et à donner plus d’impact aux éco-modulations permettant ainsi d’améliorer la qualité écologique des emballages mais aussi de contribuer à l’atteinte des objectifs de prévention.

Le montant supplémentaire demandé de 200 millions d’euros par an est à mettre en regard du chiffre d’affaire des industries agro-alimentaire évalué à plus de 170 milliards d’euros et ne peut en aucun cas être prélevé sur le contribuable via la fiscalité locale « déchets ».

Aussi, pour permettre aux collectivités locales de continuer leur transition vers l’économie circulaire créatrice de valeurs et d’emplois non délocalisables, je vous demande, Madame La Ministre, d’arbitrer en faveur des collectivités locales afin qu’elles puissent obtenir la juste rétribution des efforts qu’elles font et feront pour atteindre les objectifs fixés par la Loi de transition énergétique.

Bien entendu, je suis à votre disposition pour préciser l’ensemble des éléments développés précédemment.

Comptant sur votre soutien, je vous prie de croire, Madame la Ministre, en l’expression de ma très haute considération.
 
Jean-Patrick MASSON
Président

P.J. : Courrier à Madame Ségolène ROYALE, Ministre de l'Environnement, de l'Energie et de la Mer

Imprimer Envoyer cette page par E-mail

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies pour réaliser des statistiques de visites