COURRIER

Date Lille, le 19 avril 2000
Destinataire Membres du comité de concertation collectivités locales / Eco-Emballages

               Monsieur, cher collègue,

        Au cours de la dernière réunion du comité de concertation collectivités locales/Eco-Emballages, j 'ai eu l 'occasion d 'exprimer différent points de vue concernant la rédaction actuelle du contrat programme de durée proposé par la société agréée.

        Afin de mieux vous faire appréhender les motifs de mon désaccord persistant au sujet de cette nouvelle version du contrat programme de durée, j 'ai souhaité vous adresser ce courrier qui détaille chacune des raisons qui étaye la position du Cercle National du Recyclage .

A/Les collectivités locales ne sont pas prestataires des sociétés agréées

        Malgré toute la pertinence à la mise en oeuvre d 'une gestion moderne des déchets qui recoure à la collecte sélective et au tri, il n 'existe à ce jour aucune obligation législative ou réglementaire qui oblige les communes à choisir ces modes d 'élimination. Les collectivités locales engagées dans la collecte sélective et le tri ont opéré un choix délibéré, propre à mieux répondre aux aspirations de leurs administrés. Pour autant, ces collectivités doivent garder leur complète autonomie de décisions et s 'attacher à établir un schéma global de gestion des déchets. Il en est de même pour la fourniture aux repreneurs des matériaux triés. En effet, les collectivités n 'étant pas prestataires d 'opérations de préparation pour l 'industrie, elles doivent d 'abord considérer l 'économie globale du système et définir ensuite le niveau de qualité des produits issus de tri des déchets. Attention aussi à ne pas confondre les recettes issues de soutien versé par les sociétés agréées en fonction des tonnes triées et les recettes issues de la vente des matériaux qui elles devraient varier en fonction de la qualité fournie. Nous récusons donc la subordination du versement des soutiens à l 'atteinte des PTM. Il s 'en suit une revendication permanente de libre choix pour les collectivités de niveau de qualité de tri. C 'est aux collectivités locales qu 'il revient d 'apprécier le niveau de qualité à atteindre en fonction des débouchés. Encore faudrait-il que leur choix ne les expose pas à perdre le bénéfice du soutien des sociétés agréées qui, rappelons-le, a pour objet la prise en charge d 'une partie du coût d 'élimination des déchets d 'emballages ménagers.

B/Les PTM sont des entraves à l 'émergence de nouvelles voies de recyclage

        Malgré les engagements initiaux du premier agrément de la société Eco-Emballages, depuis 1996, le versement des soutiens à la tonne triée est subordonné à l 'atteinte des PTM et cela même quand la collectivité choisit son repreneur et que, de ce fait, elle ne bénéficie plus de la garantie de reprise. D 'une obligation de valorisation, le système a évolué vers une obligation de produire des matériaux respectant les PTM pour pouvoir prétendre au
versement de soutiens. Pourtant, il est clair à ce jour que les PTM ne constituent pas un gage de « recyclabilité » pour les matériaux triés. Certains processus de valorisation acceptent une matière peu affinée ; d 'autres à l 'inverse ne peuvent se satisfaire du niveau PTM et exigent un tri complémentaire.

        Animé d 'une farouche volonté de sortir de l 'enfermement du couple PTM/garantie de reprise, le Cercle National du Recyclage a depuis longtemps fait valoir toute la pertinence à laisser émerger localement des industries de recyclage approvisionnées par les centres de tri situés à proximité. Nos propositions ont pour partie abouti à la rédaction de l 'article 4.3 du CPD intitulé « voies nouvelles ; voies innovantes ». Malgré la possibilité laissée par l 'application de cet article, nous ne pouvons nous satisfaire d 'un libellé qui laisse à Eco-Emballages la prérogative exorbitante d 'accepter ou de refuser le cahier des charges attaché aux nouvelles voies de recyclage. Cela revient de fait à donner à la société agréée la possibilité d 'un veto préalable à toute orientation de matériaux collectés et triés hors PTM vers des nouvelles filières de valorisation. De plus, cet article ne porte que sur des procédés de valorisation détenteurs d 'un caractère innovant. L 'exigence attachée à ce critère semble également être une entrave au développement d 'initiatives locales de recyclage mettant en Suvre des procédés reconnus.

C/ Le soutien différencié ne traduit pas la responsabilité des emballeurs

        Le soutien distribué aux collectivités locales par les sociétés agréées est destiné à aider ces dernières dans la mise en place de la collecte sélective et du tri des déchets d 'emballages ménagers (DEM). Aux termes du décret du 1er avril 1992, il s 'agit de faire supporter une partie du coût d 'élimination des DEM par les producteurs d 'emballages. Eco-Emballages est donc l 'interface financière entre ces derniers et les collectivités locales qui ont la charge de l 'élimination des DEM. Dans une logique de partage des coûts, il convient que les sommes distribuées par la société agréée traduisent financièrement la responsabilité de ses adhérents. Or le principe même du soutien différencié va à l 'encontre de la traduction complète et entière de cette responsabilité. Comment expliquer en effet qu 'il puisse exister une différenciation du soutien en fonction du mode d 'élimination des DEM choisi par la collectivité ? Que les DEM soient incinérés, triés ou enfouis, la part du coût d 'élimination supportée par l 'emballeur, c 'est à dire la traduction financière de sa responsabilité doit être constante car la responsabilité exercée par la collectivité, celle d 'élimination, est la même dans tous les cas. En totale contradiction avec ce fondement de dispositif national né de l 'application du décret du 1er avril 1992, l 'article 4.3 du CPD indique que le soutien à la tonne « voie innovante » ou « voie nouvelle » sera déterminé en fonction du coût supporté par la collectivité pour mobiliser (collecte + tri) les matériaux. Cela revient bien à considérer que les collectivités locales sont prestataires pour la préparation des matériaux avant leur intégration dans un cycle de production ce que nous avons dénoncé au point A. Par analogie avec un marché concurrentiel, nous revendiquons que le critère de qualité des matériaux soient pris en compte dans le prix de reprise et non pas dans le soutien. Il s 'en suit que quel que soit le choix de la collectivité, celle-ci a droit à un soutien à l 'élimination des DEM. Le montant de ce soutien est fixe et est calculé de manière à ce que les sommes distribuées aux collectivités locales correspondent à la prise en charge par les emballeurs de la plus grande partie du coût d 'élimination des DEM. Rappelons à ce sujet qu 'en cas de mise en place d 'un système de consigne, c 'est bien l 'emballeur qui supporte l 'intégralité de ce coût et que le coût résiduel à la charge de la collectivité tend vers zéro. Avec le dispositif sociétés agréées et en l 'état actuel de son fonctionnement, le coût résiduel supporté par la collectivité est toujours trop important et ne correspond pas à une traduction financière satisfaisante de la responsabilité des emballeurs.


D/ De nombreuses incohérences de rédaction demeurent dans le CPD

        Considérant que les collectivités ont la latitude de mettre à la disposition de l 'industrie du recyclage des matériaux satisfaisant des cahiers des charges autres que ceux des sociétés agréées et de leurs filières, le Cercle National du Recyclage déplore de nombreuses références qui sont faites au sein du CPD à l 'obligation de livrer des matériaux aux PTM. De plus, en aucun cas, le respect des PTM ne peut être la condition sine qua non du versement d 'un soutien. Le cahier des charges attaché à l 'arrêté d 'agrément d 'Eco-Emballages est sur ces points particulièrement clair.

        Dans sa rédaction actuelle, le CPD n 'est pas conforme au cahier des charges et nous suggérons les modifications suivantes :

article 2 :
supprimer « et le tri conforme aux PTM (sous réserve des dispositions de l 'article 4.3. [...] du présent contrat » ;

        Cette suppression s 'impose car même au bout de six ans, la collectivité a toujours la possibilité de fournir à ses repreneurs des matériaux non conformes aux PTM en dehors des dispositions de l 'article 4.3.

article 4.2. :
supprimer la première puce « reprendre et/ou trier aux PTM l 'intégralité des tonnes de la collectivité pendant toute la durée du contrat » ;

        L 'article 4.2 précise les modalités contractuelles en cas de cession des matériaux à un repreneur choisi par la collectivité. Nous sommes donc bien ici en dehors du cadre de la garantie de reprise pour lequel le cahier des charges indique que « lorsque la collectivité locale n 'opte pas pour la garantie de reprise [...], le contrat prévoit : [...] qu 'elle s 'assure que les repreneurs valorisent effectivement les tonnes collectées et triées [...] » Seule l 'obligation de valorisation par les repreneurs est mentionnée ; en aucun cas, la collectivité qui choisit un repreneur n 'a d 'obligation de fournir des matériaux aux PTM.

article 5.1:
supprimer la totalité de l 'article

        Cette suppression s 'impose car rien dans le cahier des charges attaché à l 'agrément ne subordonne le versement d 'un soutien à la réalisation des PTM. Cette clause est complètement abusive et démontre bien la volonté d 'Eco-Emballages de limiter aux seuls repreneurs désignés le bénéfice de la fourniture des matériaux collectés et triés.

Annexe A.2 :
supprimer le dernier alinéa de la page 1
supprimer sur chaque certificat industriel la référence aux PTM


        L 'annexe A.2 constitue le certificat de recyclage à produire au cas de mise en jeu de l 'article 4.2, c 'est à dire de cession par la collectivité des matériaux triés à un repreneur choisi. Comme expliqué ci-dessus, rien n 'impose alors la réalisation des PTM et seul le recyclage doit être avéré.


E/ D 'autres ambiguïtés subsistent

        L 'activité de la société agréée me semble trop souvent se situer à la marge des règlements du droit administratif.

        D 'une manière plus précise, nous nous interrogeons tous depuis plusieurs années sur la légalité administrative pour une collectivité de se dessaisir d 'un bien (les tonnes triées ont une valeur marchande) sans mise en concurrence d 'acheteurs ou d 'estimations des services fiscaux. Aujourd'hui, les procédures du nouveau contrat vont encore plus loin puisque par le biais de l 'exigence des PTM au soutien il s 'agit pratiquement d 'un abus de situation dominante.

        Si j 'ai maintes fois poser la question première sans avoir aucune réponse des différents services de l 'Etat, je constate en trois contrats successifs le glissement vers cette situation dominante qui peut être considéré pénalement comme de l 'abus de bien social.

- en 1993 : le contrat stipule « tonnes triées »
- en 1996 : le contrat est passé aux « tonnes au PTM »
- en 1999 : on veut nous imposer « soutien normal si tonne aux PTM »

        L 'expérience et l 'observation des exigences administratives imposées aux élus ces dernières années m'amènent à estimer que ces glissements progressifs sont inacceptables pour les collectivités et les élus.

        Je tenais à vous en faire part sachant là aussi d 'expérience qu 'au delà de la rigueur et de l 'honnêteté de gestion à laquelle nous sommes attachés, c 'est encore et en premier lieu l 'image « du politique » qui en souffrirait.

        Voulant croire à votre aimable attention, je vous prie d 'agréer, Monsieur, cher collègue, l 'expression de mes sincères salutations.




Paul DEFFONTAINE
Président