COURRIER

Date Lille le 18 septembre 2002
Destinataire Monsieur Rémi GUILLET, Ministère de l'Ecologie et du Développement durable

                     Monsieur le Directeur,

       
La lecture attentive du projet de compte-rendu de la réunion consultative relative aux déchets d'emballages ménagers du 25 juin dernier m'amène à vous faire part de quelques commentaires et observations quant aux perspectives d'évolution de la garantie de reprise.

        Mon courrier est principalement motivé par la transcription de votre expression qui mentionne qu'« il est de la responsabilité de la collectivité locale d'assurer le recyclage effectif des matériaux » si la collectivité locale a choisi de ne pas recourir à la garantie de reprise.

        Cette interprétation des textes réglementaires et législatifs m'apparaît totalement erronée et de nature à transférer aux collectivités locales une responsabilité qui ne leur revient en aucune manière. La loi du 15 juillet 1975 relative à l'élimination et à la récupération des matériaux précise que « l'élimination des déchets comporte les opérations de collecte, transport, stockage, tri et traitement nécessaire à la récupération des éléments et matériaux réutilisables ou de l'énergie [...] ». La jurisprudence a complété cette définition de la responsabilité des collectivités locales en précisant que celles-ci pourraient être considérées comme ayant rempli leur obligation d'élimination quand, dans le cas de matériaux triés, ces derniers franchissaient l'enceinte de l'unité industrielle qui procéderait à leur traitement.

        Pour le Cercle National du Recyclage, les limites du service public d'élimination des déchets municipaux se situent :

    - au niveau de la présentation des déchets lorsqu'ils sont collectés et entrent dans le processus d'élimination ;

    - au niveau du stockage et du rejet dans le milieu naturel lorsque le déchet peut être considéré comme ultime et que les conditions du rejet sont propres à éviter les nuisances mentionnées par la loi ;

    - à la frontière du marché lorsque la valorisation du bien devient économiquement intéressante et que ce dernier peut être réintroduit dans le circuit économique.

        Il s'en suit donc un désaccord quant à l'imputation a priori aux collectivités locales d'une quelconque responsabilité de recyclage, activité éminemment industrielle (cf. : cour européenne de justice ; Affaire Mayr Parry Recycling Ltd versus the Environment Agency). A ce jour, la réalisation des objectifs de valorisation des déchets d'emballages ménagers énoncés dans la directive 94/62/CE du Parlement européen et du Conseil incombe à la France en tant qu'Etat membre de l'Union européenne. Pour les emballages ménagers, cette responsabilité est transférée pour partie aux organismes agréés suite à la publication du décret n° 377-92 du 1er avril 1992. Aucun objectif de valorisation n'a été fixé aux collectivités locales. Depuis plusieurs années, nous dénonçons la pratique des sociétés Adelphe et Eco-Emballages qui, dans les contrats établis avec les collectivités locales, transfèrent leur responsabilité de valorisation en rémunérant, non pas la tonne collectée sélectivement, mais la tonne triée ou valorisée. D'une aide financière à la mise en œuvre de moyens de collecte sélective et de tri, on passe ainsi insidieusement à une obligation de résultats en terme de qualité de tri ou de valorisation.

        Par ailleurs, notre association a récemment mis en avant (cf. : commentaires et observations relatifs au bilan triennal des organismes agréés Eco-Emballages et Adelphe réalisé par l'ADEME) l'incohérence qui existe à exiger la fourniture par les collectivités locales d'un certificat de recyclage quand elles font appel à des repreneurs « choisis » alors que dans le cadre de la garantie de reprise il n'est pas expressément exigé des repreneurs « désignés » de faire la preuve d'un recyclage effectif. Cela apparaît plutôt comme une contrainte administrative supplémentaire qui a pour effet de renforcer la situation de quasi monopole observée au stade de la reprise des matériaux.

        D'un point de vue plus pragmatique, je veux rappeler que les collectivités locales qui s'engagent dans le tri des déchets recyclables ont bien pour ambition qu'ils soient in fine recyclés pour la bonne raison que si tel n'était pas le cas, elles auraient à payer une deuxième fois pour l'élimination de ces déchets. Pour autant, même lorsqu'elles sont détentrices de matériaux triés, les collectivités doivent garder la liberté du devenir de ces matériaux pour peu qu'elles justifient de leur élimination dans des conditions conformes à la réglementation en vigueur. Pourquoi donc vouloir ainsi imposer aux collectivités des conditions d'élimination spécifiques alors que dans le même temps rien ne les oblige à utiliser les calories dégagées par l'incinération ni même à valoriser les mâchefers ? Pour mémoire, le versement des soutiens aux collectivités locales par les sociétés agréées s'effectue actuellement sur la base des tonnes triées et non pas des tonnes effectivement recyclées ce qui vient bien confirmer les limites de la compétence des collectivités locales à la seule élimination.

        Vous l'avez compris, mon intervention n'a d'autre ambition que de susciter le débat et aussi de presser les pouvoirs publics à fournir une réponse claire quant à l'éventuelle responsabilité des collectivités locales en matière de valorisation. En effet, depuis la publication de la loi
« Chevènement » en juillet 1999, les collectivités locales sont détentrices d'une compétence « élimination et valorisation » sans qu'il ait jamais été précisé ce que recouvrait le terme « valorisation ».

        En ce qui concerne les perspectives d'évolution de la garantie de reprise présentées et discutées au cours de la dernière réunion de la commission consultative, je ne peux que souligner, malgré les éléments évoqués par Monsieur Pascal LOSTE, le danger inhérent aux mécanismes d'accréditation envisagés qui s'apparentent plutôt à une cooptation susceptible de toujours plus enfermer les collectivités locales dans un marché captif. De la même manière, dans le cas de la garantie de reprise, la fixation d'un prix de reprise basé sur les cours réels du marché (sans que l'on connaisse la corrélation qui sera appliquée) s'apparente plus dans notre esprit à une entente qu'à une réelle ouverture sur le marché.

        Au passage, je signale à nouveau que malgré les demandes répétées depuis 1995, les collectivités locales et plus largement les membres de la commission n'ont toujours pas eu connaissance des conventions qui actuellement lient les sociétés agréées et les organismes
« filières désignées ».

        Dans la perspective de la réunion programmée sous l'égide du Ministère de l'Ecologie et du Développement durable le 24 septembre prochain entre les acteurs concernés (hormis les collectivités locales pourtant intéressées au premier chef !) par l'élaboration de nouvelles propositions, j'ai souhaité vous transmettre ces quelques éléments de réflexion.

        Je reste bien évidemment, ainsi que toute l'équipe permanente du Cercle National du Recyclage , à votre disposition et à celle de vos collaborateurs, pour préciser les raisons qui fondent nos positions sur ces sujets.

        Je vous prie d'agréer, Monsieur le Directeur , l'expression de mes sincères salutations.

Paul DEFFONTAINE
Président