COURRIER

Date Lille le 18 juin 2001
Destinataire Monsieur Jacques PELISSARD, Vice-Président, Association des Maires de France

                Monsieur le Vice-Président,

        En date du 1er juin 2001, Monsieur Guillaume DUPARAY, chargé d’études à l’Association des Maires de France, m’a transmis la copie du projet de partenariat entre industriels, collectivités locales et pouvoirs publics établi « dans la perspective d’une gestion durable de la filière graphique » et présenté sous l’égide de la Fédération du Commerce et de la Distribution.

        Dans l’optique de la réunion prévue le 20 juin à 18 H 00 entre l’AMF, la FCD et les pouvoirs publics, vous trouverez ci-après mes remarques et observations relatives au projet transmis.

        Je tiens à rappeler au préalable mon investissement permanent sur ces questions depuis plus de deux années en qualité de représentant de l’Association des Maires de France. J’ai ainsi participé à de nombreuses réunions au moment de la conduite des diverses études destinées à évaluer le coût de l’élimination des courriers non-adressés ainsi que, plus récemment, au moment de l’élaboration d’un projet de décret relatif à la collecte, la valorisation et l’élimination des déchets papiers imprimés. Au final, je m’étonne donc de ne pas avoir été contacté par la FCD pour bénéficier d’une présentation détaillée du projet de partenariat. Par delà cet étonnement, je m’interroge également sur les étapes antérieures à la communication de ce projet par l’AMF alors que nul débat ou discussions n’ont eu lieu au sein de notre association sur ce sujet.

        Pour autant, j’ai le plaisir de vous faire connaître ci-après mes commentaires et suggestions issus d’une étude approfondie des propositions de la FCD et présentés dans l’ordre chronologique de lecture du document.


PREAMBULE


    a) La prise en compte des principes du développement durable est tout à fait louable mais ne doit pas dénaturer la portée du décret envisagé qui a pour premier objet de mettre en place un système d’indemnisation financière des collectivités qui éliminent les déchets papiers imprimés. Les deux axes mentionnés comme définissant le cadre du partenariat à établir entre industriels, collectivités locales et pouvoirs publics sont certes indispensables à suivre mais ne doivent pas occulter la vocation financière du dispositif envisagé.
    b) Les collectivités locales sont responsables de l’élimination des déchets municipaux mais la législation en vigueur ne leur impose aucun objectif de valorisation particulier. Il est donc malvenu d’indiquer que le partenariat proposé aux collectivités locales leur permettra « d’assurer les objectifs fixés en terme de valorisation ».

    c) La charge financière supportée par les collectivités locales est liée à l’élimination des déchets papiers imprimés. Il ne s’agit donc pas pour les industriels de « contribuer avec les collectivités locales à la charge financière supplémentaire liée à l’atteinte de ces objectifs [...] » mais bien d’indemniser les collectivités locales qui éliminent les déchets papiers imprimés. Il s’agit pour les industriels de la filière graphique de pourvoir à l’élimination des déchets papiers imprimés, éventuellement en faisant appel à un tiers endossant pour leur compte la responsabilité d’élimination du producteur.



PARTENAIRES

Plusieurs questions se posent à la lecture de ce point :

    - pourquoi exclure de la définition des « déchets graphiques » les déchets issus de documents papiers imprimés adressés ?

    - pourquoi présenter Eco-Emballages comme l’interlocuteur unique des collectivités locales ?

    - comment est juridiquement organisée la Filière ? Quelles conditions pour en faire partie ?



ORGANISATION JURIDIQUE

    a) L’expérience du dispositif « déchets d’emballages ménagers » m’amène à m’inquiéter de la présence, même minoritaire, des représentants des sociétés utilisatrices ou recycleurs de vieux papiers, c’est-à-dire de la Filière, parmi les actionnaires de la société créée pour assumer la responsabilité d’élimination des Industriels. En effet, la répartition du capital de la société Eco-Graph envisagée me paraît être la première étape dans la mise en place d’un dispositif dans lequel les exigences qualitatives des repreneurs auront tôt fait d’être exorbitantes et justifieront la baisse du prix de reprise des matériaux collectés (cf. : baisse du prix de reprise du calcin au moment de la création du dispositif « déchets d’emballages ménagers ».

    b) Même si la priorité doit être donnée par les collectivités locales aux modes d’élimination qui autorisent une valorisation-matiètre en aval, l’agrément des pouvoirs publics ne comprend pas nécessairement la fixation d’objectifs de valorisation. De fait, dans sa rédaction actuelle, le projet de décret fait supporter au producteur la responsabilité d’élimination ou de valorisation. Ici encore, l’expérience antérieure m’amène à une certaine méfiance à l’encontre de la fixation d’un objectif de valorisation dans le cahier des charges de la société Eco-Graph et ceci pour au moins trois raisons :

      - trop souvent, dans le cadre du dispositif « déchets d’emballages ménagers », cet objectif fixé aux société agréées a été transféré vers les collectivités locales par la mise en œuvre des Prescriptions Techniques Minimales ;

      - arguant de l’objectif de 75 % de valorisation qui leur est fixé, les sociétés agréées dans le cadre du dispositif « déchets d’emballages ménagers » subordonnent le versement des soutiens à la réalisation d’objectifs qualitatifs et limitent ainsi leur responsabilité financières aux seuls déchets d’emballages ménagers valorisés. On est ainsi passé d’une aide aux moyens mis en œuvre par la collectivité au versement d’une rémunération de la prestation de préparation des matériaux triés ;

      - la valeur de l’objectif reste difficile à fixer de manière objective et non-arbitraire.


    c) Le contrat à établir entre les collectivités locales et l’organisme mutualisant la responsabilité des industriels de la filière graphique (Eco-Graph, Eco-Emballages, Adelphe ( ?) ou le « guichet unique » appelé de nos voeux) n’a pas à intégrer la notion de valorisation dans la définition et les modalités de versements financiers destinés, rappelons-le une nouvelle fois, à indemniser toutes les collectivités locales qui éliminent les déchets papiers imprimés en lieu et place de ceux qui en assume la responsabilité légale.



LE GISEMENT

    Pour une réelle équité du dispositif, nous continuons de préconiser un assujettissement de tous les producteurs-émetteurs de papiers imprimés y compris la presse payante, les courriers adressés et les publications émanant des collectivités ou administrations. Le gisement concerné par le dispositif financier en préparation doit être le plus important possible car cela permettra de mieux répercuter le coût de l’élimination des déchets papiers imprimés sur les responsables de leur production. Des effets positifs en terme de valorisation peuvent aussi être attendus si c’est tout le gisement des déchets papiers imprimés qui est visé par la récupération.


OBJECTIFS

    Bien qu’en accord total avec les priorités sous-jacentes qui privilégient l’élimination ouvrant sur des possibilités de valorisation, je suis en complet désaccord avec une éligibilité aux soutiens subordonnée par la prise en considération des modes d’élimination rencontrés dans les collectivités. Si bien entendu la précaution relative aux respects des normes pour les usines d’incinération est légitime, il est inacceptable de limiter les soutiens aux seuls déchets papiers imprimés éliminés dans des installations avec récupération d’énergie, de compostage et de tri. Quel que soit le mode d’élimination choisi par la collectivité, c’est elle qui assure la responsabilité qui incombe à l’émetteur-producteur de documents imprimés. Il est donc juste qu’elle perçoive l’indemnisation correspondante. C’est d’ailleurs dans cet esprit, en envisageant un soutien éventuellement bonifié en cas de tri ou compostage, que ce sont déroulés les discussions préalables à la rédaction du projet de décret.


MISE EN ŒUVRE OPERATIONNELLE

    Je suis satisfait ici de voir reprises les suggestions du Cercle National du Recyclage concernant la mise en place d’un « guichet unique » qui serait l’interlocuteur unique des collectivités locales dans le versement des soutiens dus au titre de la prise en charge de la responsabilité d’élimination des producteurs. Pour autant, nous ne saurions nous satisfaire de voir ce rôle dévolu à la société anonyme Eco-Emballages. Pour ne pas tomber dans les travers observés dans le fonctionnement du dispositif « déchets d’emballages ménagers », il serait sans doute plus judicieux de saisir l’occasion de la mise en place du système «‘déchets papiers imprimés » pour entamer l’adaptation nécessaire à l’émergence de ce « guichet unique » garant d’une internalisation plus aboutie.


SOUTIENS AUX COLLECTIVITES LOCALES

    a) Rien ne vient justifier la condition mentionnée d’une « mise en place antérieure ou conjointe de la collecte sélective pour les cinq matériaux d’emballages » pour prétendre à la perception des soutiens dus au titre des déchets papiers imprimés.

    b) Concernant le versement des soutiens, je ne peux que répéter mon total désaccord car c’est bien toute tonne de déchets papiers imprimés éliminée qui doit bénéficier d’une indemnisation quel que soit la filière d’élimination choisie par la collectivité. Fidèles à nos positions constamment exprimées, nous souhaitons la valorisation-matière à son niveau maximum avec un éventuel recours à une incitation financière sous forme de bonus.


GARANTIE DE REPRISE

Considérant que :


    - les industriels papetiers recycleurs manquent de matière récupérée ;

    - les collectivités n’ont guère d’inquiétude sur les capacités du marché à absorber les papiers collectés dans le cadre du service public d’élimination,


je ne juge pas indispensable d’organiser un dispositif de garantie de reprise pour les déchets papiers imprimés collectés par les collectivités locales. Comme rappelé ci-dessus, je crains que cette possibilité offerte aux collectivités locales soit surtout un moyen pour l’industrie papetière de revoir à la baisse ses prix d’achat de papiers récupérés. Par ailleurs, en cas de l’existence de cette garantie de reprise, il faudra veiller à ce que son corollaire direct ne soit pas une exigence qualitative trop élévée. Enfin, il faudrait aussi être vigilant pour que cette garantie de reprise ne génère pas, entre industriels recycleurs, des ententes contraires aux règles concurrentielles du marché.

        Après vous avoir délivré ces quelques commentaires, je veux aussi vous faire connaître mon trouble quant à la transmission du projet de partenariat aux seuls membres du comité de concertation AMF/Eco-Emballages. Une consultation élargie aurait sans doute été préférable et n’aurait pas laisser à penser que les propositions de la FCD d’élargir le système Eco-Emballages aux déchets papiers imprimés avaient reçu un premier assentiment de la part de l’AMF.

        Voulant croire en votre aimable attention, je reste à votre disposition pour vous apporter les explications complémentaires que vous souhaiteriez recevoir et vous prie d’agréer, Monsieur le Vice-Président, l’expression des mes meilleures salutations.




Paul DEFFONTAINE
Président