COURRIER
Date Lille le 12 octobre 2007
Destinataire

Monsieur Jean-Louis BORLOO, Ministre d'Etat, Ministre de l'Ecologie, du Développement et de l'Aménagement Durables

              Monsieur le Ministre d'Etat,

       Pour faire suite aux discussions de l’intergroupe déchets du grenelle de l’environnement auxquelles le Cercle National du Recyclage a eu l’honneur de participer, j’ai le regret de vous annoncer qu’il existe un décalage certain entre la transcription des débats et la teneur de ces derniers.

       En effet, il semble que les mesures jugées prioritaires par la synthèse et par les différents membres doivent être clarifiées. La mesure visant au « développement progressif de la responsabilité environnementale des producteurs après analyse et concertation entre acteurs […] » est une traduction très approximative de l’ambiance du groupe qui prônait une véritable application du principe de la Responsabilité Elargie des Producteurs (REP).

       Cette mesure est, pour le Cercle National du Recyclage ainsi que pour la très grande majorité des membres de l’intergroupe, celle qui possède le plus d’avantages. Citée à de nombreuses reprises au cours des discussions, l’un des nombreux intérêts de l’application concrète de ce principe réside dans sa transversalité. En effet, appliquée de manière intégrale, la REP est l’outil qui permet de répondre à l’ensemble des objectifs prioritaires fixés par le groupe : réduire la production de déchets, développer le recyclage matière et diminuer le tonnage de déchets stockés et incinérés.

       De plus, en fonction du temps de parole restreint du fait d’un manque cruel de temps, il est impératif de revenir sur une mesure prévue dans le cadre du grenelle.

       Concernant la mise en place d’une tarification incitative et équitable pour le financement du service public déchets, le Cercle National du Recyclage souhaite rappeler que le débat entre TEOM et REOM existe depuis plus de dix ans. Trancher réglementairement en faveur d’une REOM obligatoire avec une partie fixe serait en tout point une erreur et cela pour deux raisons principales :

  1. une raison technique : en effet, cette tarification incitative est quasiment impossible à mettre en œuvre en habitat collectif. Or, vous n’êtes pas sans savoir que plus de 40 % de la population française vit en habitat collectif. Mettre en place une mesure se disant plus juste et laissant 40 % de la population dans l’embarras, est loin d’être équitable.
  2. une raison environnementale : il est reconnu que la redevance amène de nombreux effets pervers. Les phénomènes de brûlage, dépôts sauvages, tourisme des déchets, existent et sont difficilement quantifiables.

       Ces éléments, ainsi que d’autres comme le côté non social de la REOM, sont connus et alimentent continuellement le débat parlementaire concernant le choix du mode de financement du service public. Le Cercle National du Recyclage ne s’est jamais positionné sur ce débat, et considère que le choix de la tarification réside avant tout dans la volonté politique. La solution que nous essayons de mettre en avant, depuis notre création, consiste à faire appliquer la responsabilité élargie des producteurs.

       Enfin, le dernier argument pour la redéfinition de cette mesure concernant la tarification incitative et équitable est que sa mise en place en aval est un alibi à la non mise en place d’une véritable et intégrale responsabilité élargie du producteur. En effet, il n’est pas envisageable de faire payer l’élimination d’un déchet en amont lors de l’acte d’achat et en même temps en aval lors de son acte d’abandon.

       La seule et réelle tarification incitative et équitable reste pour le Cercle National du Recyclage, la mise en place de la Responsabilité Elargie des Producteurs pour les raisons suivantes que je me permets de vous remémorer ci-après :

  • elle incite les producteurs à la prévention et à l’éco-conception en leur faisant prendre conscience des coûts réels de l’élimination des déchets issus de la mise en marché et de l’utilisation de leurs produits ;
  • elle sensibilise les consommateurs à acheter des produits dont l’élimination serait moins coûteuse et moins nocive pour l’environnement. Les produits recyclables, ou éco-labellisés seraient alors préférés ; 
  • elle débloque des financements permettant la création de nouvelles filières et donc favorise le recyclage des produits mis en marché ;
  • elle résout l’épineux problème de la tarification proportionnelle à la production des déchets en amont, difficile à mettre en oeuvre en aval voire quasi impossible dans les habitats collectifs comme précisé antérieurement ;
  • elle recale le financement du service public « déchets » sur la base de « l’hygiène et la salubrité publique » calé sur la taxe d’habitation.

       Certes, l’internalisation des coûts d’élimination dans le prix du produit fera baisser le pouvoir d’achat des français, mais afin de limiter cette baisse, la contribution à l’élimination ou « éco-contribution » pourrait être exonérée de TVA, et faut-il le rappeler, le transfert de charge du contribuable vers le consommateur supprimerait, au final, le couple TEOM/REOM augmentant de ce fait le pouvoir d’achat.

       Le Cercle National du Recyclage souhaite cependant mettre en garde les pouvoirs publics sur la mise en place de ce principe qui n’est, en France, jamais appliqué intégralement, ce qui lui fait perdre beaucoup de ses intérêts.

       Je me permets donc de regrouper les deux propositions phares de l’intergroupe déchets de la manière suivante : « instaurer une tarification incitative et équitable en amont du déchet par l’application de manière générale et intégrale de la responsabilité élargie des producteurs à tous les biens dont le producteur est identifiable ».

       Je reste bien entendu à votre disposition pour m’entretenir avec vous sur ce sujet et pour vous développer tout l’intérêt de cette mesure prévue, dans le cadre du grenelle de l’environnement.

       Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre d’Etat, en l’expression de mes respectueuses salutations.

 

Paul DEFFONTAINE
Président
Maire de Willems
Vice-Président de
Lille Métropole Communauté Urbaine