Date |
Lille le 3 janvier 2003 |
Destinataire
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Monsieur Rémi GUILLET, Ministère de l'Ecologie et du Développement durable |
Monsieur le Directeur,
Pour faire suite à la réunion du 11 décembre 2002, et aussi à mes précédents courriers en date du 30 octobre (cliquez ici) et du 27 décembre 2002 (cliquez ici), je reviens vers vous pour préciser la position du Cercle National du Recyclage au sujet des conditions de reprise des déchets d'emballages recyclables dans le cadre des contrats établis entre les collectivités locales et les sociétés Adelphe et Eco-Emballages.
J'ai également pris connaissance au préalable du compte-rendu de la réunion du 11 décembre tel que transmis par courrier en date du 23 décembre 2002.
Aucune réponse ne m'ayant été apportée, je persiste à m'interroger sur l'origine de l'obligation, pour les trois types de systèmes de reprise, d'apporter les garanties de :
- reprise des matériaux garantis dans le temps ;
- recyclage effectif des matériaux collectés ;
- traçabilité assurée des quantités et de la qualité ;
- transparence des processus industriels et financiers.
A ma connaissance, aucun texte réglementaire n'impose aux repreneurs d'apporter les garanties énoncées ci-dessus même si, pour certaines d'entre elles, cela peut sembler procéder de la défense de l'intérêt général. Attention donc à ne pas confondre les obligations qui incombent aux uns et aux autres de par la réglementation et celles nées d'une relation contractuelle ou d'accords établis entre partenaires industriels.
L'essentiel de la discussion du 11 décembre a porté sur le risque d'« écrémage » qui pourrait naître de la coexistence de plusieurs dispositifs de reprise qui pour l'un mutualise les coûts alors que les deux autres se situent dans une logique plus marchande.
Reprenant à mon compte l'expression de Monsieur Camille DURAND, président d'AMORCE, quant à la liberté d'opter ou non pour la garantie de reprise proposée par les sociétés agréées, je veux vous rappeler les éléments suivants :
1/ La garantie de reprise est facultative
Les collectivités locales qui s'engagent dans la collecte sélective et le tri des déchets d'emballages ménagers ont opéré un choix délibéré propre à mieux répondre aux aspirations de leurs administrés. Pour autant, ces collectivités gardent une complète autonomie de décision quand elles s'attachent à établir un schéma global d'élimination conciliant au mieux les intérêts économiques, sociaux et environnementaux. Il est ici important de rappeler qu'aucune obligation de collecte sélective ni de valorisation n'incombe aux collectivités locales.
Dans le cadre des contrats établis avec les sociétés anonymes Adelphe et Eco-Emballages, les collectivités locales s'engagent à mettre en place un programme de collecte sélective des déchets d'emballages ménagers et à atteindre des objectifs de collecte compatibles avec les objectifs de valorisation assignés aux sociétés agréées par les pouvoirs publics. Les collectivités locales qui ne sont pas prestataires des sociétés agréées perçoivent alors une aide financière à la mise en œuvre des moyens de collecte sélective et de tri des déchets d'emballages ménagers.
Une option facultative est proposée aux collectivités locales au moment de la signature du contrat qui consiste à garantir la reprise des déchets d'emballages recyclables et aussi à assurer le versement d'un prix de reprise fixe. Même si beaucoup de collectivités ont choisi cette option qui correspondait à leur attente, la garantie de reprise proposée par les sociétés agréées par l'intermédiaire des filières reste facultative.
2/ La réalisation des PTM est la contrepartie librement consentie du bénéfice de la garantie de reprise
Comme dans toute relation commerciale, le client est en droit d'avoir des exigences que le fournisseur s'attachera à respecter. Ainsi, il semble tout à fait normal que la reprise des matériaux triés soit encadrée par un cahier des charges spécifique en fonction des attentes du repreneur. Dans le même esprit, il est tout à fait concevable qu'en échange d'une assurance de reprise des matériaux, les collectivités locales doivent se conformer à un cahier des charges spécifique. Toutefois, pour notre association, l'exigence de réalisation des PTM n'est légitime qu'au cas où la collectivité a opté pour la garantie de reprise. Or, depuis le renouvellement de l'agrément des sociétés Adelphe et Eco-Emballages en 1996, les collectivités locales, pour pouvoir prétendre au versement des soutiens, se trouvent dans l'obligation de fournir des « tonnes triées » de matériaux c'est-à-dire respectant les PTM même si elles n'ont pas choisi la garantie de reprise. D'une obligation contractuelle de détournement de tonnes de déchets d'emballages ménagers vers le recyclage, on passe ainsi à une obligation de résultats imposée aux collectivités pour percevoir les soutiens dont l'objet est, rappelons-le, de les dédommager des frais engagés au titre de l'élimination des déchets d'emballages ménagers en lieu et place des producteurs de biens emballés à destination des ménages.
3/ La subordination du versement des soutiens à la réalisation des PTM est juridiquement infondée
Notre interprétation du décret n° 92-377 du 1er avril 1992 non conduit à considérer les soutiens versés aux collectivités locales par Adelphe et Eco-Emballages comme la traduction financière de la responsabilité d'élimination des adhérents à ces sociétés. Cette responsabilité n'a pas à s'apprécier en fonction des techniques utilisées par la collectivité locale dans l'exercice du service public ni a fortiori en fonction d'une quelconque performance qualitative de tri des déchets d'emballages ménagers. Il s'en suit que pour tous les dispositifs d'élimination, les soutiens doivent être versés en fonction de la prise en charge par les collectivités locales des déchets d'emballages ménagers. Tout autre critère pris en compte dans l'allocation des soutiens est pour nous irrecevable avec en particulier la qualité des produits triés. Comme vous le savez, c'est d'ailleurs cette disposition des cahiers des charges attachés aux arrêtés d'agrément d'Adelphe et d'Eco-Emballages qui a motivé le dépôt des requêtes du Cercle National du Recyclage car il nous paraît totalement infondé de justifier du versement des soutiens voire de leur modulation sur la base de critères, les PTM, qui ne sont même pas opposables aux collectivités locales.
Bon nombre des points discutés ci-dessus ont été traités voilà maintenant deux années dans un précédent courrier adressé à Monsieur Alain STREBELLE (cliquer ici) qui conserve toute sa pertinence.
Vous trouverez ci-joint les versions successives du contrat programme de durée proposé par Eco-Emballages qui vous permettront de constater la dérive dénoncée depuis plusieurs années par le Cercle National du Recyclage. Cette évolution dommageable conduit aujourd'hui à placer les collectivités locales dans une position de « prestataires » des sociétés agréées qui subordonnent le versement des soutiens, traduction de la responsabilité de leurs adhérents, à la réalisation des PTM. Ce glissement trouve son origine dans les modifications successives des conditions de versement des soutiens (suppression de la catégorie « matériaux triés », changement de définition de la « tonne triée », etc.) et le rôle de « mollettes de réglage » (cf. : rapport HUGON-LUBEK) donné aux PTM. De fait, depuis l'agrément 1996, c'est bien la réalisation des PTM, critère qualitatif, qui conditionne le versement des soutiens à leur taux nominal.
Je joins à cet envoi un ensemble de schémas (cliquer ici) qui illustrent chronologiquement les évolutions mentionnées ci-dessus.
Ayant pris connaissance de ces nombreux éléments, vous comprendrez mieux, j'en suis sûr, la position de notre association qui revendique, pour pourvoir discuter sereinement de l'évolution des conditions de reprise des matériaux, de supprimer toute prise en compte de ces dernières dans le calcul du montant des soutiens dus aux collectivités locales. Pour le Cercle National du Recyclage, la qualité des matériaux doit être appréciée dans leur prix de reprise.
Si tel n'était pas le cas, cela constituerait manifestement une violation des lois de la concurrence en vigueur tant au niveau des conditions privilégiées d'achat par les filières qu'au niveau de l'avantage accordé indûment à la garantie de reprise des filières qui seule assure les collectivités locales de la perception des soutiens aux matériaux triés
Après plusieurs années au cours desquelles nous avons tenté de faire corriger ce dysfonctionnement, nous sommes résolus, si nous n'étions toujours pas entendus, à saisir la justice.
Avant de privilégier cette hypothèse, l'équipe permanente du Cercle National du Recyclage et moi-même nous tenons à votre disposition pour élaborer un cadre réglementaire adapté à l'existence de conditions de reprise de matériaux alternative à la garantie de reprise des filières liées aux sociétés Adelphe et Eco-Emballages.
En ce début d'année 2003, je formule le vœu d'une fructueuse collaboration entre les services du ministère de l'écologie et du développement durable et le Cercle National du Recyclage et vous adresse mes meilleurs souhaits de bonheur et de réussite.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Directeur, l'expression de mes sincères salutations.
Paul DEFFONTAINE
Président |