COURRIER

Date Lille le 3 janvier 2002
Destinataire Monsieur Yves COCHET, Ministre de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement

                Monsieur le Ministre,

        Il y a quelques semaines, le Cercle National du Recyclage, AMORCE et l'Association des Maires de France ont diffusé un communiqué commun exprimant leur insatisfaction concernant la version actuelle du projet de décret relatif à la collecte, l'élimination et/ou la valorisation des déchets d'imprimés et de journaux gratuits (counas).

        La rédaction de ce communiqué était principalement motivée par l'absence de prise en compte des commentaires et propositions émis par nos associations dans le cadre de la négociation préalable à la parution de ce décret. Il s'en suit une persistance des nombreuses ambiguïtés dénoncées. Plus grave encore, c'est le périmètre d'application du décret qui est en complète incohérence avec la portée recherchée de ce texte réglementaire.

        Nous avons donc suivi avec beaucoup d'intérêt les débats de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2001 au cours desquels Madame Florence PARLY, secrétaire d'Etat au Budget, a argué de la préparation du décret par vos services pour suggérer le retrait de l'amendement 95 présenté par Monsieur Jean-Jacques JEGOU. A la question de Madame Nicole BRICQ concernant l'assiette du dispositif, Madame Florence PARLY a précisé que le champ d'application du texte inclut bien les journaux gratuits.

        Si nous avons été quelque peu rassurés concernant l'assujettissement des journaux gratuits, rien ne vient apaiser nos craintes concernant l'exclusion des publications des collectivités, des annuaires et des documents imprimés mis à disposition sur la voie publique.

        Au-delà de ces imprécisions déjà très dommageables aux impacts attendus de cette nouvelle réglementation, nous sommes particulièrement inquiets de constater à l'article 4 de la version du décret distribuée en réunion le 14 novembre 2001 que les mots « tout producteur doit financer la collecte et la valorisation ou l'élimination [...] » présents dans la version du décret datée du 13 juillet 2001 ont été remplacés par « tout producteur est tenu de contribuer à la collecte et à l'élimination ou à la valorisation [...] ». Bien évidemment, nous déplorons qu'aucune justification n'ait été donnée quant à cette évolution majeure de la rédaction du décret susceptible d'en remettre en cause les fondements mêmes.

        L'expérience acquise depuis 1992 dans le domaine des déchets d'emballages ménagers nous incite à revendiquer une rédaction claire qui définisse précisément la responsabilité financière des producteurs. En effet, depuis de nombreuses années, nous avons pu observer que les différentes interprétations du décret n° 92-377 portant application pour les déchets résultant des emballages de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 modifiée, étaient préjudiciables à la prise en charge financière complète du coût de l'élimination des déchets d'emballages ménagers par les responsables de la mise sur le marché de produits emballés à destination des ménages. Afin de ne pas subir à nouveau les effets pervers d'une rédaction sujette à interprétation, nous avions suggéré l'usage, à l'article 4 du décret projeté, du mot « pourvoir » (copie ci-jointe de notre courrier à Mademoiselle Mélanie MOLIN).

        Il convient également de souligner le danger inhérent au traitement au cas par cas de chacun des déchets pris en charge par le service public. C'est avant tout une vision globale qui doit prévaloir pour éviter les disparités selon que l'on considère tel ou tel type de déchet. Une application stricte du principe producteur-pollueur-payeur ne saurait supporter une réglementation souffrant d'un manque de logique et d'unité. Quel que soit le déchet considéré, il faut que le dédommagement perçu par la collectivité corresponde au remboursement intégral des sommes engagées pour son élimination.

        Toute prise en considération incomplète de la responsabilité financière d'élimination par celui qui met sur le marché a au moins trois effets regrettables :

    - une distorsion de concurrence entre les producteurs selon le scénario choisi pour assumer leur responsabilité. En cas de consigne par exemple, c'est bien 100 % du coût d'élimination qui est à la charge de l'industriel alors que ce taux n'est jamais atteint par les autres dispositifs ;

    - une différence de situation dans l'application du principe pollueur-producteur-payeur selon le déchet pris en compte. Pourquoi les producteurs et distributeurs de piles payeraient-ils 100 % du coût de leur d'élimination quand pour les emballages ménagers seulement 40 % de ce coût (moins de 20 % pour les emballages de produits pharmaceutiques) est financé par les responsables de la mise sur le marché de produits emballés ?

    - un manque d'incitation à la prévention et à l'éco-conception. En effet, sans prise en charge complète des coûts d'élimination par le producteur, le signal-prix reste trop faible et ne favorise pas les comportements de production vertueux.
        Nous sommes donc aujourd'hui amenés à dénoncer la rédaction actuelle du projet de décret car elle ne manquera pas d'être à l'origine d'un engagement financier insuffisant des producteurs et donc du maintien de la charge financière afférente à l'élimination des déchets imprimés et journaux gratuits sur les collectivités.

        Si cette rédaction devait être confirmée, je vous informe que le Conseil d'administration de notre association a d'ores et déjà pris la décision de saisir le tribunal compétent dès la publication du décret relatif à la collecte, la valorisation et l'élimination des déchets d'imprimés et journaux gratuits.

        Depuis la création du Cercle National du Recyclage en 1995, nous n'avons eu de cesse d'oeuvrer à la clarification des responsabilités dévolues à chacun des acteurs (Etat, collectivités, producteurs, organismes agréés, etc.) de la gestion des déchets municipaux. C'est toujours dans cette même optique que nous nous situons avec l'ambition renouvelée de contribuer à la définition d'un cadre législatif et réglementaire propre à réussir la modernisation engagée de la gestion des déchets municipaux.

        Voulant croire à votre aimable attention et dans l'attente de connaître les suites données à ce courrier, je vous prie de croire, Monsieur le Ministre , en l'expression de ma considération et de mes sentiments dévoués.

Paul DEFFONTAINE
Président
Maire de Willems
Vice-Président de
Lille Métropole Communauté Urbaine