Courriers

Date : le 4 décembre 2018, à Lille

Destinataire : Madame Brune POIRSON, secrétaire d'état auprès du ministre d’Etat, Ministre de la Transition Ecologique et Solidaire

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Pièces jointes :    - communiqué de presse du 22 novembre 2018
                             - La Responsabilité Élargie du Producteur (REP), comme moteur de l'économie circulaire : note introductive à l'occasion du 17è forum du Cercle National du Recyclage
                             - « Apporter un second souffle à la REP » 

Madame la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la Transition écologique et solidaire,

Je fais suite à notre rencontre au Palais de l’Elysée le 27 novembre dernier lors de laquelle nous avons pu évoquer de nombreux éléments sur la feuille de route « économie circulaire », sur le projet de loi en découlant ainsi que sur les filières REP.

Vous avez aussi invité le Cercle National du Recyclage à participer à une première consultation sur la future loi économie circulaire prévue pour avril 2019 et je vous en remercie.

Le Sénat a voté dans la nuit du 26 au 27 novembre, lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2019, le principe d'une "franchise" de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) pour les déchets ménagers "non valorisables". L'amendement de la commission des finances, adopté contre l'avis du gouvernement, instaure, à compter du 1er janvier 2021, une "exemption" de TGAP pour les déchets ménagers non valorisables "dans une limite fixée par décret".

Ce vote des représentants des territoires prouve, s’il en était encore besoin, la pertinence et l’urgence de mettre en place une des propositions phares portée par notre association.

En effet, l’exemption de TGAP pour la part de déchets non valorisables est une revendication légitime des élus locaux qui ressentent la hausse de cette taxe comme une profonde injustice du fait notamment d’une absence totale de possibilités d’orienter ces déchets vers le recyclage. La réflexion pour infléchir ce gisement par un travail d’éco-conception et de recherche de pistes de recyclage est elle aussi trop largement absente car, à ce jour, faute d’une REP aboutie sur l’ensemble des produits manufacturés mis en marché, le signal-prix est insuffisant pour induire l’éco-conception et la prévention attendue. Faute de changement de modèles de production, les collectivités locales resteront prisonnières de ces déchets non valorisables et seront toujours vouées à payer une taxe qui ne fera que croître au fil du temps. Il est plus que temps de changer cela et la loi « économie circulaire » est le vecteur idéal.

Seul le principe de la Responsabilité élargie des producteurs est en capacité de changer les pratiques des fabricants de ces produits afin de les rendre recyclables et d’intégrer une part de matière recyclée. J’insiste donc sur une de nos revendications de créer une REP sur l’ensemble des produits manufacturés afin de responsabiliser les metteurs sur le marché. La couverture des coûts doit être intégrale afin de donner un signal prix suffisant au changement de mode de production et créer de l’éco-conception.

N’ayant pas eu le temps de vous détailler l’ensemble des réflexions et propositions de notre association, j’ai aussi le plaisir de vous faire parvenir notre contribution sous la forme d’une note en annexe de ce courrier sur les quatre parties de la loi en préparation qui ont été à l’ordre du jour de notre rencontre du 15 novembre dernier.

L’équipe du Cercle National du Recyclage et moi-même sommes à votre disposition pour convenir d’un rendez-vous pour travailler plus avant à la mise en œuvre des propositions sur le principe de la REP que nous portons.

Dans l’attente de cette rencontre, je vous prie de croire, Madame La Ministre, en l’expression de ma haute considération.

Jean-Patrick MASSON
Président

Contribution du Cercle National du Recyclage sur la loi économie circulaire

1) Transposition relative aux déchets

Les objectifs de la directive sur la réduction du stockage des déchets sont très ambitieux et la loi économie circulaire qui amplifiera la dynamique initiée par la feuille de route devra les transcrire. Les collectivités adhérentes au Cercle National du Recyclage nous ont déjà interpellés sur la difficulté de trouver des exutoires autres que l’enfouissement permettant l’atteinte des objectifs, d’autant plus que certaines unités comme les TMB ont été proscrites suite à la LTECV. Aussi, pour éviter de bloquer l’atteinte des objectifs chiffrés assignés, il conviendra de laisser aux acteurs le choix de moyens dédiés en veillant à ne pas leur imposer d’obligation quant au « comment faire ».

Afin de répondre aux nouveaux enjeux identifiés, les besoins d’investissement en centres de tri, installations de collecte, installations de préparation au recyclage et de traitement sont nombreux. Je profite de ce courrier pour reprendre à notre compte la remarque exprimée par la représentante de la fédération des entreprises d’insertion qui n’a pas manqué de souligner la pertinence d’utilisation des installations de tri pour servir de support à l’insertion des publics en difficultés sociale et professionnelle. De fait, la dimension humaine et solidaire de l’économie circulaire ne saurait être négligée au prétexte d’impératifs technico-économiques sur-pondérés.

Vous nous avez annoncé la mise en place d’une surverse du surplus de TGAP à l’ADEME afin de répondre à ces besoins. Nous accueillons favorablement cette déclaration car le Cercle National du Recyclage milite pour la dévolution majoritaire des financements issus de la TGAP à l’ADEME, opérateur de l’Etat engagé dans l’accompagnement du développement de l’économie circulaire. A ce stade, il demeure toutefois nécessaire de recevoir des éléments d’information supplémentaires de la part de vos services pour pouvoir évaluer l’impact de la mise en place de ce financement.

2) Extension du champ des filières REP existantes, évolution gouvernance, déploiement des nouvelles REP issues de la FREC

En premier lieu, il est temps de faire admettre aux metteurs en marché la réalité de l’impact environnemental négatif de leurs produits afin qu’ils agissent rapidement pour le réduire. Il est donc primordial de mettre en place le principe de la REP de manière complète en veillant à une internalisation à 100 % de tous les coûts environnementaux tout au long de la vie des biens de consommation mis en marché, y compris leur fin de vie. Alors que le paquet économie circulaire définit la règle d’une prise en charge à 100 % des coûts de la filière aux producteurs, la future loi économie circulaire doit être extrêmement claire sur ce point voire aller au-delà des objectifs européens. Je vous rappelle que plus l’assiette des coûts à prendre en compte sera large (coûts de collecte et de traitement, coûts des autres externalités environnementales), plus la prise en charge de ces coûts sera totale, plus l’éco-conception des produits sera accélérée et plus les éco-modulations que vos services doivent continuer de développer dans toutes les filières auront d’impact. J’attire aussi votre attention sur la nécessité d’affiner la mesure de ces coûts et sur la vigilance qu’il faudra montrer afin de ne pas poursuivre le jeu pervers de la minimisation des coûts théoriques pour limiter les coûts de la prise en charge. Ainsi, la prise en charge à 100 % des externalités ne doit pas donner lieu à un versement égal à 80 % de prise en charge d’aujourd’hui. Bien entendu, à coûts constants, les collectivités s’engagent à faire baisser la fiscalité locale du montant équivalent à la prise en charge des coûts par les REP.

Sur l’extension des REP emballages ménagers aux professionnels, le Cercle National du Recyclage sera vigilant à ce que ne soit pas transférée une charge financière privée vers le service public. Si le principe de la REP emballages professionnels semble être acté, le recours à un éco-organisme ne semble pas forcément pertinent.
Le Cercle National du Recyclage insiste sur la nécessité d’étendre la REP DDS ménagers aux assimilés comme l’indique la proposition n°2 du rapport de Jaques VERNIER et cela le plus rapidement possible.

Le Cercle National du Recyclage continue de réclamer une révision de la gouvernance des éco-organismes avec une vraie réflexion sur le statut juridique et fiscal de ces structures. Il est plus que temps d’élargir la gouvernance aux autres acteurs sans pour autant faire perdre la notion de responsabilité finale des producteurs.

Les dernières réunions des commissions des filières REP ont démontré que la gouvernance des filières doit elle aussi être modifiée tant le déséquilibre en faveur des metteurs sur le marché est flagrant. Tous les votes et décisions sont systématiquement en faveur des intérêts des metteurs sur le marché et non de l’intérêt général. L’exemple de la dernière CFREP papier qui, suite à la demande de l’éco-organisme, a abouti à la modification du cahier des charges voté en majorité par les metteurs sur le marché afin de changer une formule de calcul faisant baisser les soutiens aux collectivités locales, en est la preuve.

Le Cercle National du Recyclage réclame aussi des moyens pour permettre à l’Etat ou à l’instance ad hoc de contrôler les éco-organismes dans le respect des cahiers des charges élaborés en concertation et dans l’atteinte de leurs objectifs et aussi de les sanctionner en cas de manquement. Cette instance aura aussi pour rôle de rechercher, avec l’aide des éco-organismes, et de sanctionner les producteurs qui ne s’acquittent pas de leurs obligations de contributions « free-riders ». Le Cercle National du Recyclage demande de prévoir le prélèvement d’un pourcentage des éco-participations pour permettre ce financement.

Pour les nouvelles filières REP issues de la FREC, et pour responsabiliser les producteurs de biens non recyclables qui terminent dans les ordures ménagères, le Cercle National du Recyclage réclame la mise en place d’une REP produits manufacturés non soumis à REP (REP produits sans filière ou REP déchets résiduels) avec en premier périmètre de contribution les jouets, les articles de sport et de bricolage. Un élargissement du périmètre devra se faire régulièrement comme cela était le cas pour la REP papiers graphiques.

3) Mesures relatives aux plastiques

Avec la mise en place de la REP couvrant la totalité des coûts, les éco-modulations doivent pouvoir excéder 10 % du prix du produit. Afin d’éviter tout problème de trésorerie des éco-organismes, le malus dissuasif doit être privilégié. Le bonus à l’intégration de matière recyclée doit aussi se développer surtout pour les matières ou les débouchés de recyclage sont problématiques. Une orientation nationale doit donc être inscrite dans la loi et se décliner filière par filière en fonction des besoins.

Le Cercle National du Recyclage est en accord avec l’interdiction de certains plastiques à usage unique (vaisselle jetable etc.) qui se retrouvent dans les ordures ménagères sans solution de recyclage. Cependant il faudra veiller à ce que les solutions de remplacement de ces produits, qui seront trouvées, ne soient pas plus néfastes à l’environnement.

4) Mesures indices de réparabilité, amélioration du Triman

Le Triman, déjà effectif, fonctionnera à plein régime après l’extension des consignes de tri à tous les emballages en 2022. Il sera important d’éclaircir la signification de ce pictogramme qui est souvent compris par le grand public comme « déchet recyclable » alors qu’il signifie qu’il existe une solution de tri pour ces déchets. Le Cercle National du Recyclage tient à vous alerter sur les facteurs qui nuisent à la mise en place de l’extension des consignes de tri à tous les emballages dont :

- l’impossibilité pour les « petits » centres de tri de perdurer suite à la pression nationale de rationalisation des coûts visant à les supprimer. Je rappelle que ces centres de tri peuvent être de réels supports à l’insertion de personnes en difficulté ;
- les dernières prises de position de Citéo sur le soutien du flux « développement » qui, si vos services les confortent, vont faire perdre de la lisibilité et du financement sur la création de ce flux devant être sur-trié puis recyclé (cf. communiqué de presse en date du 22 novembre joint à ce courrier) ;
- la mise en place de la consigne sur les bouteilles PET qui remettra en cause les choix et les investissements faits actuellement pour permettre cette extension et qui en perturbera les résultats.

En plus de ces éléments, je vous prie de trouver jointes à ce courrier les deux dernières notes de notre association qui proposent de nombreuses pistes pour améliorer le fonctionnement des filières REP.

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