LES MODES DE COOPERATION  POUR LES INTERCOMMUNALITES EN CHARGE DE LA GESTION DES DECHETS

II.    LE SILLON ALPIN POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE DES DÉCHETS (CSA3D) : UNE COOPÉRATION ABOUTIE

1.    Naissance de la réflexion à l’origine de la création de la coopération

Au départ, il existait des tensions entre le syndicat mixte Savoie Déchets et la Communauté d’agglomération de Grenoble-Alpes-Métropole, qui possèdent chacun un incinérateur.
Le délégataire de l’incinérateur de Grenoble a accueilli les déchets d’une collectivité savoyarde. Or Savoie Déchets comptait sur cette collectivité pour alimenter son four, la conséquence a été une perte de capacité pour le syndicat.
Du coup, les déchets de cette collectivité passaient devant l’incinérateur de Savoie Déchets, situé à Chambéry, pour être incinérés dans celui de la Communauté d’agglomération de Grenoble-Alpes-Métropole.
Les élus ont donc réagi pour mettre fin à ses incohérences. En effet, est-il logique que les collectivités territoriales investissent dans des outils de traitement qui sont mis à mal par le jeu de marché ?

Outre ce problème de concurrence entre sites, les collectivités locales étaient également confrontées à d’autres enjeux en matière de déchets, elles ont donc estimé qu’il était intéressant d’y réfléchir ensemble.

En parallèle, Savoie Déchets s’était intéressé à la coopération qui existait déjà sur le périmètre lyonnais, Covade (Coopération pour la VAlorisation des DEchets), qui associe la Communauté urbaine de Lyon à trois autres syndicats.
Mais cette coopération étant déjà large et au vue de la situation géographique du territoire de la Covade, il était plus cohérent de créer une coopération sur la partie Est de la région Rhône-Alpes.

2.    Présentation générale de la coopération du Sillon Alpin

Les collectivités locales du Sillon Alpin et leurs groupements, présents sur les territoires des agglomérations de l'Ardèche, de la Drôme, de l'Isère, de la Savoie et de la Haute Savoie, ont investi, directement ou indirectement, fortement dans le domaine du développement durable, en particulier dans celui du traitement des déchets (incinération, méthanisation, tri, compostage, enfouissement avec les programmes nécessaires de remises aux normes…) et de la recherche de solutions pérennes dans ce domaine.
Depuis plusieurs années, et en raison de l'interpénétration des bassins de vie et territoires du Sillon Alpin, les services de ces collectivités ou groupements ont, de manière informelle, échangé sur leurs expériences et politiques mises en place à l’occasion de l’exercice de leurs compétences respectives en matière de gestion et traitement des déchets relevant de missions de service public.

Aujourd’hui, ces collectivités se trouvent confrontées à de nouveaux défis :

-    baisse des tonnages,
-    évolution des déchets : nouvelles filières,
-    installation et traitement des déchets nécessitant de lourds investissements,
-    évolution de la taille des territoires pertinents pour la gestion des déchets,
-    durcissements des contraintes réglementaires,
-    enjeux économiques,
-    l’engagement du Grenelle de l’environnement préconisant une réduction de 7 % de la production des déchets ménagers et assimilés par habitant et une meilleure valorisation des déchets afin de diminuer de 15 % les quantités partant à l’incinération ou au stockage.

Ces nouveaux défis et impératifs nécessitent la mise en place d’outils de mutualisation et le renforcement de la coopération entre les territoires.
Ainsi, face à l’émergence de ces nouveaux enjeux, certaines collectivités ont souhaité développer une vision stratégique commune, globale et cohérente, leur permettant de dégager des axes de développement tout en garantissant une cohérence dans leurs modalités d’intervention au sein du bassin de vie du Sillon Alpin.
Par ailleurs, un cadre juridique plus formalisé a du être mis en place afin de pérenniser leur collaboration.

Ce projet de coopération concernait au départ 7 collectivités :

-    le Syndicat mixte du Lac d’Annecy (SILA) ;
-    le Syndicat mixte Savoie-Déchets ;
-    le Syndicat intercommunal du Bréda et de la Combe de Savoie (SIBRECSA) ;
-    la Communauté de communes de l'Oisans ;
-    la Communauté d’agglomération Grenoble-Alpes-Métropole ;
-    la Communauté d'agglomération du Pays Voironnais ;
-    le Syndicat de traitement des déchets Ardèche-Drôme (SYTRAD).

8 nouveaux adhérents ont été intégrés en 2012 :

-    la Communauté de communes du briançonnais
-    la Communauté de communes du Pays du Grésivaudan ;
-    le Syndicat intercommunal de collecte et de traitement des déchets ménagers (SICTDM) de la Matheysine,
-    le Syndicat intercommunal de gestion des déchets du Faucigny Genevois (SIDEFAGE),
-    le Syndicat intercommunal de collecte et de traitement des ordures ménagères (SICTOM) de la Bièvre,
-    le Syndicat mixte intercommunal de traitement des ordures ménagères (SMITOM) de Tarentaise,
-    le Syndicat intercommunal à vocations multiples (SIVOM) de la région de Cluses,
-    le Syndicat des Portes de Provence (SYPP).

1


3.    Objectifs de la Charte

Les principaux objectifs de la CSA3D se déclinent selon trois axes :

  • Constituer un réseau d’échanges sur des problématiques communes,
  • Mutualiser les équipements publics et les compétences,
  • Développer une stratégie commune en matière de gestion et traitement des déchets.

1.    Constituer un réseau d’échanges

Les échanges et la coopération doivent passer notamment par :

    • la mise en commun des expériences et pratiques en faveur de la prévention et de la réduction à la source des déchets, du recyclage, de la valorisation et du réemploi des déchets, ... ;
    • la mise en commun des développements sur les avancées et les progrès technologiques et le partage des expérimentations techniques menées par les adhérents ;
    • la mise en commun des évaluations et écobilans des différents systèmes, installations, équipements, procédés, expérimentations de traitement et valorisation des déchets ;
    • le partage des retours d’expérience sur le suivi environnemental des installations et leurs performances ;
    • l’identification de nouveaux exutoires pour les déchets ;
    • l’identification des filières en place de traitement et de transport des déchets et échanges sur leur efficacité respective ;
    • le développement de nouvelles filières de traitement des déchets ;
    • des recherches et études en vue de la préservation des coûts d'équilibre des différents équipements techniques ;
    • toute autre étude, analyse, expertise en matière de gestion et traitement des déchets et susceptibles d’intéresser tous ou certains des adhérents ;
    • l’optimisation des coûts de fonctionnement et d'exploitation des équipements des filières en matière de gestion et traitement des déchets.

2.    Mutualiser les équipements publics et les compétences

    • Mise en place de groupements de commandes pour bénéficier des effets de masse ;
    • Synchronisation des plannings d’arrêt de manière à coordonner ces périodes de maintenance obligatoires ou, en cas de panne importante, par la prise en charge des déchets de la structure voisine.

3.    Développer une stratégie commune

    • Partage d'une vision stratégique globale de la gestion des déchets entre les adhérents et avec les territoires avoisinants ;
    • Mise en cohérence, sur les territoires en cause, des stratégies et politiques de gestion des déchets ainsi que des services proposés en matière de déchets aux usagers ;
    • Amélioration de la performance des actions et des dispositifs mis en place en termes de prévention et valorisation des déchets ;
    • Optimisation des coûts de gestion des déchets et des installations nécessaires à leur traitement ;
    • Développement des complémentarités, voire d’une suppléance et d’économies d’échelle, entre les équipements présents sur ces territoires pour la gestion et le traitement des déchets ;
    • Limitation des flux entre territoires et promotion des transports alternatifs (ferroviaire notamment) pour la gestion des déchets.

4.    Modalités de fonctionnement

L’acte juridique : la charte
La charte constitue un support juridique contractuel de la coopération entre EPCI compétents en matière de gestion et traitement des déchets. Elle s’appuie sur les dispositions du droit communautaire et la jurisprudence européenne (CJCE 9 juin 2009, affaire C-480/06) et sur la loi n°2010-1563 du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales (voir Partie I.2.). Ces dispositions permettent aux collectivités territoriales et à leurs groupements de conclure, sans mise en concurrence, des conventions ayant pour objet la réalisation de prestations de services communs d’intérêt général, ou relatives à l’exercice en commun d’une compétence reconnue par la loi ou qui leur a été transférée.

Fonctionnement
La coopération s’appuie sur un comité de pilotage composé d’élus des EPCI. Chaque adhérent y est représenté par un élu et un suppléant.
La présidence est assurée par un des EPCI adhérents, pour une durée d’un an. Les services de l’EPCI du président de la coopération assurent l’intendance et le secrétariat.
Les techniciens des ECPI adhérents se réunissent 5 à 6 fois dans l’année.

La coopération fonctionne sans ressource et sans salarié.

Les conseils généraux, en charge des plans départementaux de prévention et de gestion des déchets non dangereux, sont associés au travail de concertation.

5.    Partenariats concrets mis en œuvre

Les mâchefers
Très vite, un des premiers sujets abordés a été la problématique des mâchefers.
En effet, les EPCI sont confrontées à une absence de débouchés pour les mâchefers dû au fait qu’en zone intra-alpine, il existe déjà assez de remblais et qu’en plaine, la présence des nappes phréatiques compliquent leur utilisation.
Les collectivités produisant des mâchefers ont donc cherché des solutions communes. Ainsi deux axes ont été développés :

-    l’emploi d’une salariée de manière collégiale, qui est en charge de la question des emplois du mâchefer,
-    un projet de R&D sur l’inertage des mâchefers afin de faciliter leurs emplois.

Le « tourisme » des déchets
Un des autres axes de travail est de limiter les flux de déchets entre les territoires.
Chaque territoire possédant ses propres installations, des flux de déchets se croisent en fonction des marchés publics des collectivités. L’objectif est donc de mettre en place une coopération entre les EPCI pour éviter ces transits incohérents de déchets.
Par exemple, afin de réduire ces transports absurdes de déchets, les communautés d’agglomération de Grenoble-Alpes-Métropole et du Pays Voironnais ont mutualisé leurs moyens. Ainsi, la Communauté d’agglomération de Grenoble incinère les déchets du Pays Voironnais. Le Pays Voironnais composte les déchets verts de la Communauté d’agglomération de Grenoble.
Cette coopération entre deux EPCI se fait par le passage d’une convention de mise à disposition d’installations et de services, en applications des articles L.5111-1 et L.5111-1-1 du CGCT et conformément à la jurisprudence (CJCE, 9 juin 2009, affaire C-480/06).

Un groupement de vente
En parallèle, les EPCI adhérents ont également mis en place un groupement de vente des sous-produits issus de la collecte sélective.
Un des adhérents a organisé les négociations pour les autres. Les volumes de chacun des membres du Sillon Alpin souhaitant participer, ont été estimés et inclus. La collectivité pilote a invité les traders à faire des offres. Les meilleures offres ont été évaluées collégialement. Il y a eu une négociation collective, mais les EPCI ont ensuite librement contracté avec le repreneur choisi.
Le groupement est intéressant pour le repreneur qui bénéficie de volumes plus conséquents. L’effet de seuil des volumes vendus a permis d’augmenter le tarif moyen de vente pour les EPCI engagés dans ce groupement de vente.

Les études en cours
Différentes études sont en cours, chacune est menée par une collectivité adhérente à la CSA3D.
Par exemple, Savoie Déchets met en œuvre l’étude de R&D sur les mâchefers. La communauté d’agglomération de Grenoble-Alpes-Métropole réalise une analyse des flux de déchets sur le périmètre de la CSA3D par le biais de deux stagiaires.

L’implication des collectivités locales est fonction de leur intérêt. Tous les EPCI ne participent pas de la même manière sur le même projet. Par exemple, la problématique du tri-compostage concerne plus les adhérents du sud du territoire de la coopération du Sillon Alpin, tandis que celle des mâchefers concerne plus ceux du nord.

Les échanges
Les EPCI sont devant un monde complexe, le réseau leur permet de partager leurs expériences pour progresser collectivement. Il leur permet de posséder un autre avis que celui des bureaux d’études ou des délégataires. Cette coopération créée un lien en réseau local, au sein duquel les ECPI sont plus proches qu’à un niveau national ou régional, car confrontés aux mêmes problématiques.

6.    Avantages / Inconvénients

Avantages :

-    La coopération apporte un regard élargi par rapport à celui que l’EPCI peut avoir de manière individuelle localement.
-    Cette approche est intéressante car elle est transversale politiquement.
-    Le format de la coopération correspond à un cadre juridique souple permettant de préserver les spécificités de chacun des adhérents.
-    Ces échanges collégiaux permettent un vrai regard commun sur la gestion des déchets.

Inconvénients :

-    Le seul risque, qui peut exister avec ce type de coopération, serait de rentrer dans une structure trop lourde. La coopération n’a pas vocation à prendre le format d’un syndicat.
-    Une des seules difficultés pourrait être due au fait que les structures adhérentes ne fonctionnent pas toutes sur les mêmes modalités. Les membres initiaux étaient plus en charge de la compétence traitement. Lors de l’élargissement, certaines des collectivités ne possédaient que la compétence collecte. Il existe également des différences en termes de population, le nombre d’habitants d’une collectivité à l’autre est très variable. Ces disparités sont à l’origine d’approches différentes d’un EPCI à un autre.

flecheretour

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies pour réaliser des statistiques de visites