LES MODES DE COOPERATION  POUR LES INTERCOMMUNALITES EN CHARGE DE LA GESTION DES DECHETS

I.    RÉGLEMENTATION ET JURISPRUDENCE RELATIVES À LA COOPÉRATION PUBLIQUE CONCERNANT LA GESTION DES DÉCHETS

Aujourd’hui, les collectivités locales, en tant que pouvoirs adjudicateurs, qui souhaitent coopérer entre elles, ont souvent du mal à distinguer les cas dans lesquels la réglementation sur les marchés publics s’applique et ceux dans lesquels elle ne s’applique pas. Cette première partie vise à éclaircir ce point.

1. L'obligation d'appliquer les directives sur les marchés publics

Les directives sur les marchés publics s’appliquent lorsqu’un pouvoir adjudicateur1  conclu un contrat à titre onéreux2  avec une autre entité juridique. Dans ce cas, peu importe que l’entité soit privée ou publique.

En effet, l’article 1er de la directive 2004/18/CE précise : « Les termes «entrepreneur», «fournisseur» et «prestataire de services» désignent toute personne physique ou morale ou entité publique ou groupement de ces personnes et/ou organismes qui offre, respectivement, la réalisation de travaux et/ou d'ouvrages, des produits ou des services sur le marché ».

Ainsi, une collectivité, qui souhaite fournir une prestation à une autre collectivité, si elles ne sont pas liées de manière institutionnelle par la création d’une entité, doit répondre à un appel d’offre.
Pour qu’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou qu’une collectivité territoriale puisse envoyer ses déchets dans une installation d’un autre EPCI ou d’une autre collectivité territoriale, normalement elle doit passer par la passation de marchés publics en publiant un appel d’offre et en respectant les règles de la commande publique.

Cependant des collectivités locales ou leurs groupements peuvent s’entraider. Si cette entraide n’implique aucune rémunération ni aucun échange de droits et d’obligations réciproques, il ne s’agit pas d’une prestation de service ; par conséquent, la législation sur les marchés publics ne s’applique pas. Il est possible d'imaginer que c'est le cas par exemple lorsque plusieurs collectivités ou groupements créent un réseau d’échanges d’informations sur la gestion des déchets en ne mettant en jeu aucune ressource financière.

Il est également important de rappeler que, selon la jurisprudence, un contrat ne peut échapper à la notion de marché public du seul fait que sa rémunération reste limitée au remboursement des frais encourus pour fournir le service convenu.

Cependant, les marchés publics permettent aux pouvoirs adjudicateurs de pouvoir coopérer par le biais des groupements de commande.

Remarque : cas de groupement de commandes
Des pouvoirs adjudicateurs peuvent également coopérer en achetant ensemble des prestations. L’article 8 du Code des marchés publics prévoit la possibilité de créer un groupement de commandes. Cet outil permet aux collectivités de se regrouper pour faire appel au marché afin de répondre à un besoin commun, par une seule procédure de COpassation. Les collectivités sont alors co-maîtres de l’ouvrage.

Les groupements de commandes peuvent être institués entre des collectivités territoriales, entre des établissements publics locaux ou entre des collectivités territoriales et des établissements publics locaux. Même si les EPCI ne sont pas clairement citées, d’après la jurisprudence, les EPCI peuvent participer à ce type de groupement de commandes.

Un groupement de commandes est constitué par une simple convention signée par les membres du groupement, et qui définit les modalités de fonctionnement du groupement et désigne un coordonnateur parmi les membres. Chaque membre s’engage à signer avec le cocontractant retenu un marché à hauteur de ses besoins propres, tels qu’ils a préalablement déterminés.
Le groupement de commandes permet à chaque membre d’être lié directement au titulaire du marché et de disposer d’un pouvoir de contrôle afin de s’assurer de la bonne exécution du marché (pénalités, résiliation…).

Lorsque les pouvoirs adjudicateurs concluent entre eux des contrats à titre onéreux, ils doivent appliquer la directive sur les marchés publics, suivant la règle générale selon laquelle sont couverts les contrats conclus entre des personnes juridiques distinctes. Pour les collectivités locales, la question est de savoir dans quel cas ces contrats peuvent être exclus de ce champ d’application.

2. Les coopérations publique-publique pouvant être exonérées des règles de la commande publique

La jurisprudence, puis la législation, ont apporté plus de lisibilité sur les modalités de convention entre territoires.

Les conventions de prestations de services entre collectivités locales sont normalement des marchés publics. Cependant, certaines de ces conventions peuvent ne pas être considérées comme des marchés publics ou peuvent être exonérées des règles de la commande publique, selon certaines conditions prévues par la jurisprudence. Deux types de coopération peuvent échappées à cette obligation d'appliquer le droit sur les marchés publics : la coopération verticale et la coopération horizontale.

a-noter-ampoule
La coopération verticale (ou structurelle) correspond à la mise à disposition de services entre un EPCI et un de ses membres. Ce type de coopération nécessite un contrôle conjoint sur une entité distincte chargée d'effectuer la mission.
 
a-noter-ampoule
Tandis que la coopération horizontale (ou fonctionnelle) correspond à une mutualisation de services entre deux collectivités ou deux groupements totalement indépendants. Dans ce cas, il n'est pas nécessaire de créer de nouvelle entité.

1.    Coopération verticale

La coopération verticale nécessite de distinguer deux cas :

  •     ascendante : la prestation de service est rendue par une ou plusieurs communes membres au bénéfice de l’EPCI, pour la mise en œuvre de compétences que celui-ci a reçue mais ne souhaite pas exercer avec ses moyens propres ;
  •     descendante : la prestation est rendue par l’EPCI à une ou plusieurs des communes membres pour l’exercice de compétences qu’elles ont conservées, ou de fonctions de gestion dont elles conservent la responsabilité sans souhaiter continuer d’avoir en propre les services nécessaires à leur mise en œuvre.

La mutualisation ascendante correspond au principe fondateur de l'intercommunalité, qui n'exerce ses compétences que par délégation de ses communes membres. Le transfert de compétence doit être accompagné par un transfert des services.
Cependant, depuis la loi portant réforme des collectivités territoriales de 2010, d'après l'article L.5211-4-1 du CGCT, dans le cas d'un transfert partiel de compétences, la commune peut alors, dans un souci de bonne organisation, conserver tout ou partie du service concerné et le mettre à disposition de l'EPCI.

Dans le cas de coopération descendante, d'après le même article L.5211-4-1 du CGCT, les services d'un EPCI peuvent être en tout ou partie mis à disposition d'une ou plusieurs de ses communes membres, pour l'exercice de leurs compétences, lorsque cette mise à disposition présente un intérêt dans le cadre d'une bonne organisation des services.

Dans les deux types de mise à disposition, une convention doit être passée qui fixe les conditions de la mise à disposition et les modalités de remboursement des dépenses engagées. La collectivité qui met à disposition ses services ne peut pas demander plus que le coût réel du service constaté dans le compte administratif.

D'après un rapport du Sénat, l'expression « bonne organisation des services » vise à exprimer le fait qu'il ne s'agit pas d'une mise à disposition de type concurrentielle, mais d'une simple mesure de bonne administration au sein de la sphère publique.

Dans le cas de la coopération descendante, les contrats répondant aux critères dits de « prestations intégrées » ou de « quasi-régies »3  bénéficient d’une exception concernant l’application de la commande publique.

Ainsi d’après l’arrêt Teckal du 18 novembre 19994, les règles de publicité et de mise en concurrence ne sont pas applicables aux prestations accomplies par un groupement (constitué exclusivement de personnes publiques) pour l’un des ses membres. La Cour a posé deux critères cumulatifs pour exempter cette relation des règles sur les marchés publics :

  •     le pouvoir adjudicateur (la ou les collectivités membres) exerce sur le groupement un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services,
  •     et le groupement réalise l’essentiel de son activité avec le ou les collectivités qui le détiennent.

De manière plus détaillée, la jurisprudence estime qu'un pouvoir adjudicateur ne peut exercer aucun contrôle de type « quasi-régie » sur une entité lorsqu'une ou plusieurs entreprises privées détiennent également une participation dans cette entité. Elle couvre uniquement les cas où l'entité ne détient pas de capitaux privés et qu'elle dépend du pouvoir adjudicateur tant sur le plan organisationnel qu'économique.
Ensuite, concernant le contrôle analogue, la manière dont il est exercé importe peu, mais il doit s'agir d'une possibilité d'influence déterminante tant sur les objectifs stratégiques que sur les décisions importantes. De plus, s'il y a plusieurs pouvoirs adjudicateurs, ce contrôle peut être exercé conjointement. La présence de représentants des pouvoirs adjudicateurs dans les organes décisionnels ou la forme sociale de l'entité peuvent servir d'indication sur l'existence d'un contrôle de type « quasi-régie ».
Enfin, concernant le deuxième critère, la Cour a clarifié dans un autre arrêt la signification de « l'essentiel de son activité ». Les activités de l'entité doivent être consacrées principalement au pouvoir adjudicateur. Toute autre activité ne doit revêtir qu'un caractère marginal.

2.    Coopération horizontale

Concernant les collaborations par contrats de collectivités, ayant chacune leur autonomie et n’étant pas regroupées au sein d’une structure dédiée, la jurisprudence communautaire reconnaît une exemption aux règles de la commande publique.

  • Arrêt de Hambourg

Dans l’arrêt du 9 juin 20095 , la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) a considéré que la convention entre la ville de Hambourg et quatre entités publiques locales (Landkreise), destinée à assurer la mutualisation du traitement de leurs déchets, ne relevait pas des règles de la commande publique.
Par ce contrat, la ville de Hambourg offre aux quatre Landkreise une capacité de traitement de 120 000 t dans une installation de valorisation thermique des déchets, moyennant rémunération. La Cour a estimé que les contrats de coopération ne sont pas des marchés publics, mais sont une mesure interne d’organisation administrative et donc hors du champ d’application des directives des marchés publics.
La Cour explique que les services de la ville de Hambourg ne peuvent être considérés comme un prestataire de service puisqu’ils n’assument nullement la responsabilité de l’exploitation de cette installation et n’offrent aucune garantie à cet égard, en cas d’arrêt ou de dysfonctionnement de l’installation, leurs obligations se limitent à offrir des capacités de remplacement.

La Cour a également précisé d'une part que le droit de l'Union Européenne n'impose pas aux pouvoirs adjudicateurs d'utiliser une forme juridique particulière pour effectuer conjointement leurs missions de service public ; d'autre part, que « […] pareille collaboration entre autorités publiques ne saurait remettre en cause l’objectif principal des règles communautaires en matière de marchés publics, à savoir la libre circulation des services et l’ouverture à la concurrence non faussée dans tous les États membres dès lors que la mise en œuvre de cette coopération est uniquement régie par des considérations et des exigences propres à la poursuite d’objectifs d’intérêt public et que le principe d’égalité de traitement des intéressés visé par la directive 92/50 est garanti, de sorte qu’aucune entreprise privée n’est placée dans une situation privilégiée par rapport à ses concurrents. »

Pour aboutir à cette conclusion, plusieurs critères cumulatifs ont été retenus.

  • Tout d’abord, le contrat de coopération a pour objet d’assurer « la mise en œuvre d’une mission de service public qui est commune » aux collectivités contractantes. La Cour a également rappelé que l’élimination des déchets est une mission prévue par la Directive du 15 juillet 1975, qui oblige notamment les Etats membres à établir des plans de gestion prévoyant des « mesures appropriées pour encourager la rationalisation de la collecte, du tri et du traitement des déchets ».
  • Ensuite, le contrat doit constituer « l’aboutissement d’une démarche de coopération intercommunale entre les parties » et de réalisation d’économies d’échelle. Les parties doivent se porter mutuellement assistance dans le cadre de l’exécution de leur obligation légale de gestion des déchets. Ainsi, les Lankreise mettent à disposition des services de voirie de la ville de Hambourg les capacités de mise en décharge qu’ils n’utilisent pas eux-mêmes.
  • De plus, cette assistance ne donne pas lieu à d’autres mouvements financiers que ceux correspondant au seul remboursement de la part des charges incombant aux quatre entités, mais payée à l’exploitant par les services de voirie de la ville de Hambourg.
  • Enfin, le contrat doit être conclu exclusivement entre autorités publiques, sans la participation d’une partie privée et il ne doit pas préjuger de la passation de marchés publics éventuellement nécessaire en aval pour la construction et l’exploitation de l’installation de traitement.

L'accord doit donc porter sur une réelle coopération visant à effectuer conjointement une mission commune, par opposition à un marché public « normal ». L'exécution de la mission commune implique une participation et des obligations mutuelles, mais elle peut reposer sur une division des tâches, tant que le contrat vise un objectif commun. Par exemple, l'objectif commun peut être le traitement des déchets, et les tâches réparties de sorte qu'une collectivité assure l'incinération et l'autre le compostage.
De plus, la coopération ne doit pas impliquer de transferts financiers mais uniquement le remboursement des frais réellement encourus pour le service.
Enfin, la coopération ne doit être guidée que par des considérations relatives à l'intérêt public et non commerciales. Si des collectivités partenaires construisent une installation de capacité supérieure à leurs besoins, dans le but de vendre la capacité excédentaire et ainsi réaliser des bénéfices, la coopération ne serait pas régie uniquement par des exigences liées à l'intérêt public.

Ce type de coopération présente des avantages certains, notamment sa simplicité et l'absence de mise en concurrence. Mais l'inconvénient est l'absence de lien contractuel entre les collectivités tierces et le délégataire, ne leur permettant pas d'exercer de contrôle direct sur le traitement des déchets. De plus, la sécurité juridique de ces conventions semble encore incertaine.

  • Introduction d'une exception en droit interne par la réforme des collectivités territoriales de 2010

Suite à cette jurisprudence communautaire introduisant la possibilité, sur la base de plusieurs critères, de coopérer entre collectivités territoriales sans être soumis au droit des marchés publics, la loi n°2010-1563 portant réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 a codifié, dans le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), ce cas particulier d’exonération de la commande publique.

D’après l’article L.5111-1 du CGCT, des conventions de prestations de services peuvent être conclues entre les départements, les régions, leurs établissements publics, leurs groupements et les syndicats mixtes, et également entre deux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). « Lorsque les prestations qu'elles réalisent portent sur des services non économiques d'intérêt général au sens du droit de l'Union européenne ou lorsque, portant sur d'autres missions d'intérêt public, les prestations sont appelées à s'effectuer dans les conditions prévues aux I et III de l'article L. 5111-1-1, ces conventions ne sont pas soumises aux règles prévues par le code des marchés publics ou par l'ordonnance n°2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics. La participation au financement d'une prestation ne saurait, à elle seule, être assimilée à une coopération au sens du présent alinéa. »

L'article L. 5111-1-1 précise que lorsqu’elles ont pour objet d’assurer l’exercice en commun d’une compétence reconnue par la loi, ces conventions prévoient :

-    soit la mise à disposition du service et des équipements d’un des cocontractants à la convention au profit d'un autre de ces cocontractants,
-    soit le regroupement des services et équipements existants de chaque cocontractant à la convention au sein d'un service unifié relevant d'un seul de ces cocontractants.

Concernant les collectivités ou groupements concernés par ces articles, un point mérite une attention particulière. Les EPCI ne peuvent conclure des conventions basées sur cette réglementation qu’entre eux. Pour rappel, les EPCI au sens du CGCT sont :

-    les syndicats de communes,
-    les communautés de communes,
-    les communautés urbaines,
-    les communautés d’agglomération,
-    et les métropoles.

Un EPCI ne peut donc pas conclure de convention de coopération avec un syndicat mixte selon le CGCT. Dans le cas de la gestion des déchets, cette disposition est un obstacle important à la coopération.

Ensuite, concernant les conditions pour conclure une telle convention sans recourir aux règles de la commande publique. Le domaine de la gestion des déchets n’étant pas un service non économique d’intérêt général au sens du droit communautaire, pour conclure une convention de coopération dans ce cas, le contrat doit prévoir soit la mise à disposition du service et des équipements ou soit la création d’un service unifié.
Cette mise à disposition ou de création d’un service unifié correspond à un réel transfert d’autorité sur un ensemble de personnes, de biens… Ce ne sont pas des conventions semblables à une simple prestation de service. Une des collectivités exerce un pouvoir hiérarchique sur le service.

Ces conventions sont considérées comme un mode d’organisation interne de l’administration locale, destinées à optimiser la mise en œuvre des transferts de compétences au profit des organismes de coopération locale.

Le décret d’application de l’article L.5111-1-1 a été publié le 30 janvier 2012, il précise les modalités de remboursement des frais de fonctionnement des services unifiés et des services mis à disposition. Il a été intégré à l’article R.5111-1 du CGCT.

D’après cet article, le remboursement des frais de fonctionnement du service doit s’effectuer sur la base d’un coût unitaire de fonctionnement du service, multiplié par le nombre d’unités de fonctionnement constatées par la collectivité ou l’EPCI bénéficiaire du service. Concernant la gestion des déchets, les unités de fonctionnement peuvent être par exemple, les tonnages de déchets, le nombre d’habitants, ou encore le nombre de jours.

  • La convention définit la méthode retenue pour la détermination du coût unitaire de fonctionnement et comprend une prévision d'utilisation du service, exprimée en unités de fonctionnement.
  • Le coût unitaire comprend les charges liées au fonctionnement du service et en particulier les charges de personnel, les fournitures, les flux, le coût de renouvellement des biens et les contrats de services rattachés, à l'exclusion de toute autre dépense non strictement liée au fonctionnement du service.
  • Le coût unitaire est constaté à partir des dépenses des derniers comptes administratifs, actualisées des modifications prévisibles des conditions d'exercice de l'activité au vu du budget primitif de l'année. La détermination du coût est effectuée par la collectivité ou l'établissement public dont relève le service.
  • Le remboursement des frais s'effectue sur la base d'un état annuel indiquant la liste des recours au service, convertis en unités de fonctionnement. Le coût unitaire est porté à la connaissance des bénéficiaires du service, chaque année, avant la date d'adoption du budget prévue à l'article L.1612-2. Pour l'année de signature de la convention, le coût unitaire est porté à la connaissance des bénéficiaires du service dans un délai de trois mois à compter de la signature de la convention. Le remboursement s'effectue selon une périodicité fixée par la convention. Cette périodicité ne peut être supérieure à un an.

La convention doit fixer uniquement les modalités de remboursement des frais engagés par le service pour la collectivité bénéficiaire. Elle ne doit pas donner lieu à une rémunération d’une collectivité par une autre.

Une question reste en suspens concernant les charges à intégrer au coût unitaire de fonctionnement du service, la liste des charges citées : les charges de personnel, les fournitures, les flux, le coût de renouvellement des biens et les contrats de services rattachés ; est-elle exhaustive ? Il est possible de considérer que toutes les charges directement liées au fonctionnement du service, même celles non citées, peuvent être prises en compte dans le calcul du coût unitaire.

Cette possibilité de coopération introduit par le droit interne est très restrictive comparée à l’exception prise en 2009 par le juge communautaire. En effet, il n'est pas possible de recourir à ce type de contrat entre un EPCI et une autre collectivité territoriale. De plus, seule la mise à disposition d'un service ou la création d'un service unifié sont possibles dans le cas d'un service à caractère économique comme la gestion des déchets.
Cependant, la loi permet de faciliter les pratiques de coopération et apporte un cadre totalement sécurisé comparé à la jurisprudence communautaire.

  • Jurisprudence du Conseil d'Etat

Plus récemment, cette question du respect de la libre concurrence lorsqu'une personne publique intervient sur un marché concurrentiel a été une nouvelle fois soulevée.

Le Conseil d’Etat6 , le 3 février 2012, a intégré la jurisprudence de la CJCE, lors d’un litige entre un opérateur privé et la communauté d’agglomération d’Annecy.
La communauté d’agglomération avait conclu avec la commune de Veyrier-du-lac (non membre de la communauté) une convention, par laquelle la communauté assurait le service public d’eau potable en régie pour le compte de la commune, sur le fondement de l’article L.5221-1 du CGCT.
Cet article précise que « Deux ou plusieurs conseils municipaux, organes délibérants d'EPCI ou de syndicats mixtes peuvent provoquer entre eux, par l'entremise de leurs maires ou présidents, une entente sur les objets d'utilité communale ou intercommunale compris dans leurs attributions et qui intéressent à la fois leurs communes, leurs EPCI ou leurs syndicats mixtes respectifs. Ils peuvent passer entre eux des conventions à l'effet d'entreprendre ou de conserver à frais communs des ouvrages ou des institutions d'utilité commune. ».

Le Conseil d’Etat a écarté l’application des règles de publicité et de mise en concurrence au motif que l'objectif recherché était celui de la mutualisation entre personnes publiques, et non un objectif économique comme pour un opérateur privé.
D’après le Conseil d’Etat, l'entente ne doit pas permettre « une intervention à des fins lucratives de l'une de ces personnes publiques, agissant tel un opérateur sur un marché concurrentiel ». De plus, « […] la convention litigieuse n'a pas provoqué de transferts financiers indirects entre collectivités autres que ceux résultant strictement de la compensation de charges d'investissement et d'exploitation du service mutualisé, et la communauté d'agglomération ne peut être regardée comme agissant tel un opérateur sur un marché concurrentiel. »
La conclusion d'une entente, entre deux ou plusieurs communes, EPCI ou syndicats mixtes,  sur le fondement de l'article L.5221-1 du CGCT, n'est pas soumise aux règles de la commande publique, à condition que cette entente ne permette pas une intervention à des fins lucratives de l'une de ces personnes publiques, agissant tel un opérateur sur un marché concurrentiel.

a-noter-ampoule
Pour déterminer si un contrat de coopération entre collectivités est susceptible d'échapper aux règles de la commande publique, en s'appuyant sur la jurisprudence, une lecture attentive des deux arrêts de juin 2009 et de décembre 2012 est donc nécessaire. L'objet du contrat et les conditions de réalisation devront être examinés en détail.
D'après le principe de libre administration des collectivités, une collectivité peut librement choisir soit d'exercer seule les missions qui lui incombent, soit de les exercer en collaboration avec d'autres autorités publiques, soit de faire appel au marché.
Pour résumé, les collectivités territoriales et leurs groupements demeurent soumis aux obligations relatives à la passation de marchés publics. Cependant, ils peuvent mettre en place deux types de coopération, la coopération verticale et la coopération horizontale, pour exécuter leurs missions de service public en dehors du champ d'application du droit européen sur les marchés publics.
Dans le cas de la coopération verticale, les collectivités coopèrent en contrôlant conjointement une entité tierce chargée d'effectuer la mission. Mais le droit européen sur les marchés publics ne sera pas applicable, uniquement si elles respectent les critères de l'affaire Teckal :
     -   l'absence de capitaux privés dans l'entité en « quasi-régie »,
     -    les pouvoirs adjudicateurs exercent sur l'entité un contrôle semblable à celui exercé     sur leurs propres services,
     -    l'entité effectue l'essentiel de ses activités pour les autorités de contrôle.
Si des collectivités souhaitent mettre en place une coopération non institutionnalisée, elles peuvent s'appuyer soit sur le CGCT, soit sur la jurisprudence.
Au niveau réglementaire, la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010  a facilité les possibilités de coopération au sein du bloc local, en permettant aux collectivités de conclure un contrat de coopération sans mise en concurrence en s'appuyant sur les dispositions des articles L.5111-1 et L.5111-1-1. Cependant cette loi demeure restrictive, car elle ne permet pas de conclure ce type de contrat de coopération entre un EPCI et une autre collectivité territoriale, et que seule la mise à disposition d'un service ou la création d'un service unifié permet d'y recourir.
 
Au niveau de la jurisprudence, les collectivités doivent s'appuyer sur les deux arrêts de juin 2009 et décembre 2012. Pour que la coopération soit en dehors du champ du droit européen sur les marchés publics,  elles doivent respecter les conditions cumulatives suivantes :
-    le contrat ne doit concerner que des entités publiques, sans participation de capitaux     privés,
-    le contrat porte sur une réelle coopération visant à effectuer conjointement  une     mission de service public commune, avec une assistance réciproque,
-    la coopération ne doit être guidée que par l'intérêt public, et non poursuivre un     objectif économique tel un opérateur privé.
Le CGCT apporte un cadre totalement sécurisé, contrairement à l'utilisation de la jurisprudence communautaire, qui semble plus risquée.
La conclusion de conventions de coopération ou de mutualisation basée sur la jurisprudence impose donc une vigilance particulière. En effet, un contrat de coopération conclu entre personnes publiques n’échappera pas aux règles de la commande publique, si l'ensemble des critères précités ne sont pas réunis.
Les collectivités s’engageant dans ce type de contrat doivent donc être extrêmement vigilantes, les conséquences juridiques peuvent se traduire par des contentieux devant le juge administratif, en cas de non respect de la commande publique invoqué par un opérateur privé, voire pénal, s'il y a délit de favoritisme.

Dans les parties suivantes, le Cercle National du Recyclage a souhaité approfondir le cas de la coopération horizontale en présentant l’exemple de collectivités ayant mis en place ce type de coopération.


1 : désigne l’acheteur public, d’après l’article 2 du Code des Marchés Publics sont considérés comme « pouvoirs adjudicateurs » : l'Etat et ses établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial ; et les collectivités territoriales et les établissements publics locaux. Retour texte
2 : Un contrat conclu à titre onéreux est un contrat dans lequel le fournisseur de prestation supporte la charge des risques liée au contrat. Retour texte
3 : Contrats de fournitures, de travaux ou de services conclus entre deux personnes morales distinctes mais dont l’une peut être regardée comme le prolongement administratif de l’autre. Retour texte
4 : CJUE, Arrêt du 18 novembre 1999, Teckal Sarl, Affaire C-107/98 Retour texte
5 : CJCE, Arrêt de la cour 9 juin 2009, Commission/Allemagne, affaire C-480/06 Retour texte
6 : CE 3 février 2012, commune Veyrier-du-Lac, req. 353737 Retour texte

flecheretour

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies pour réaliser des statistiques de visites